Le 21 mai 2025 à Montréal s’est déroulée la 7e Grande rencontre de l'Espace Quartiers de Transition en commun dont le thème était « Logement et transition socio-écologique : à la croisée des toits ! » Le but de cette rencontre était d'explorer les liens entre logement, justice sociale et transition socio-écologique à l’échelle des quartiers.
🏙 Mise en contexte
La crise climatique et la crise du logement s’entrecroisent à Montréal, affectant particulièrement les personnes vivant en situation de précarité. Alors que les vagues de chaleur, les sécheresses et les épisodes de froid deviennent plus fréquents et plus intenses, les conditions de logement jouent un rôle déterminant dans la capacité des individus à y faire face. Ce sont pourtant souvent les ménages à faible revenu, vivant dans des logements mal isolés ou vétustes, qui subissent de plein fouet les impacts climatiques. Dans ce contexte, toute transition énergétique qui ne prend pas en compte les inégalités sociales risque d’aggraver les injustices existantes. L’argumentaire présenté vise à outiller les acteurs et actrices du milieu pour penser une transition du logement qui soit à la fois écologique, sociale et profondément juste.
🔧 Groupe de travail
Le groupe de travail « Logement en transition » rassemble des acteurs et actrices de divers horizons : santé publique, organisations communautaires, centres de recherche, municipalité et coalitions citoyennes. Ensemble, les membres militent pour une vision systémique de la transition énergétique qui tienne compte des enjeux sociaux et climatiques. Leur démarche repose sur un objectif commun : d’ici 2030, faire en sorte que 30 % du parc immobilier résidentiel de Montréal soit à la fois décarboné et résilient, en priorisant les logements occupés par les ménages les plus vulnérables. Ce groupe a rédigé collectivement un argumentaire, dans l’objectif d'influencer transformation des politiques publiques et de renforcer le droit au logement pour toutes et tous.
Les membres
- ACEF du Nord de Montréal
- Labo Climat Équité - INRS
- Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSP)
- Vivre en ville
- Coalition climat Montréal
- Maison de l'innovation sociale (MIS)
- Bureau de la Transition écologique et de la Résilience - Ville de Montréal
- Alliance des corporations d’habitations abordables du territoire du Québec (ACHAT)
- Institut Next-Generation Cities de Concordia
⚡ Précarité énergétique et justice sociale
La précarité énergétique est une réalité invisible mais croissante à Montréal. Malgré des tarifs d’électricité relativement bas, de nombreuses personnes ont du mal à chauffer ou à climatiser leur logement adéquatement. Ce problème est alimenté par plusieurs facteurs : manque de revenus, coût de l’énergie et mauvaise qualité des habitations.
Il ne s’agit pas d’un simple enjeu budgétaire, mais bien d’un facteur de santé publique : les logements froids, humides ou surchauffés augmentent les risques de maladies respiratoires, cardiovasculaires et de détresse psychologique. Lors des vagues de chaleur, ce manque d’accès à un logement thermiquement confortable peut même devenir fatal, comme en témoignent les décès recensés en 2018.
Malheureusement, le discours dominant sur la réduction de la consommation énergétique repose encore trop souvent sur une responsabilisation individuelle, alors que les ménages à faible revenu consomment déjà peu d’énergie. Ce sont les conditions matérielles et non les comportements qui doivent être ciblées en priorité.
🏛 Politiques de transition du logement et droit des locataires
La majorité des politiques climatiques actuelles sont centrées sur les propriétaires et ne tiennent que très peu compte de la situation des locataires qui représentent pourtant 63 % des ménages montréalais. Les programmes de subvention sont souvent complexes, peu accessibles aux propriétaires à faibles revenus et n’intègrent pas de mesures spécifiques pour protéger les locataires contre les effets indirects des rénovations (hausse des loyers, évictions, etc.).
Dans un contexte où le cadre légal n’encadre pas suffisamment les relations locataires-propriétaires, la transition énergétique du logement risque de devenir un vecteur supplémentaire de précarité pour les personnes déjà marginalisées. En excluant une majorité de la population des politiques de transition, on compromet leur efficacité autant que leur légitimité.
🧱 Résilience des communautés et logement
La résilience ne se résume pas à la capacité de survivre à un choc, mais aussi à celle de se réinventer, de s’épanouir dans un contexte changeant. Pour être véritablement résilientes, les communautés doivent pouvoir s’appuyer à la fois sur des environnements bâtis adaptés et sur des liens sociaux forts. Or, les personnes en situation de vulnérabilité vivent souvent dans des logements de mauvaise qualité, mal ventilés, sans accès à la climatisation ni à des espaces verts. Elles sont aussi plus susceptibles de vivre seules, loin des services, et sans réseaux de soutien.
Les politiques d’adaptation doivent donc intervenir à la fois sur l’amélioration des bâtiments et sur le tissu social. Cela implique de garantir un droit au logement sain et accessible, de soutenir les initiatives citoyennes, de créer des tiers-lieux et de renforcer les services de proximité. Mais il est crucial de ne pas transférer la responsabilité de la résilience uniquement aux communautés : les pouvoirs publics doivent assumer leur rôle dans la structuration de milieux de vie inclusifs, solidaires et écologiques.
🛠 Propositions de solutions
- Augmenter et améliorer l’offre de logements sociaux et communautaires de qualité, décarbonés, bien situés et accessibles.
- Soutenir la participation des populations en situation de précarité en finançant des comités citoyens et de locataires.
- Prioriser, dans les programmes et investissements, les populations en situation de précarité et de vulnérabilité. Priorisation basée sur les indicateurs sociaux et territoriaux; interdiction des coupures d’électricité.
- Protéger et améliorer les droits des locataires dans la transition du logement. Brigades de médiation, normes de qualité climatique contraignantes sans hausse de loyers.
- Développer des mécanismes d’accompagnement, tels qu’un guichet unique comme le projet COTÉ porté par des membres de TEC.
- Améliorer les mécanismes et programmes existants de la transition du logement. Rénover le parc immobilier en tenant compte de la vulnérabilité des occupant·es.
- Faciliter la collaboration avec les pouvoirs publics. Création d’une agence publique, rénovations planifiées à l’échelle des quartiers.
- Soutenir et financer les leviers communautaires de résilience et de solidarités climatiques dans les quartiers. Soutenir la création de nouveaux groupes et initiatives communautaires et l’implantation de services sociaux de proximité dans des secteurs où ces ressources sont manquantes afin d’adresser les iniquités territoriales.