Transformation des églises : poursuivre la réflexion, l'expérimentation et la mise en commun des idées

La transformation des églises au Québec est un enjeu énorme dont nous sommes loin d'avoir fait le tour. Je vous partage ici certaines observations, très brièvement, après avoir eu la chance d'animer des activités sur le sujet et des échanges sur la plateforme Passerelles, où une communauté est dédiée à ce sujet .

J'aime partir du principe qu'une église, c'est un commun , pour celles et ceux qui sont familiers avec ce principe. Ce sont des bâtiments centraux autour desquels la vie sociale s'est longtemps organisée, des lieux symboliques, un patrimoine qui a été bâti et financé par la communauté pour un sens partagé. Il est normal que dans une même communauté, les positions divergent, mais souvent on a un attachement fort pour ces espaces, que ce soit pour des raisons religieuses, symboliques, communautaires ou patrimoniales. Un attachement aussi pour le potentiel aussi de ces lieux-là pour dynamiser un milieu de vie.

Si on ne s'entend pas toujours facilement sur l'orientation à donner pour l'avenir des églises, généralement on s'entend donc sur l'importance de les préserver, du moins d'éviter qu'elles ne deviennent un poids. Il est intéressant de se rappeler que démolir une église est très coûteux, polluant et traumatisant pour le milieu. D'ailleurs, une personne avait raconté avoir trafiqué une photo de son village en y supprimant l'église pour faire réagir les gens : l'effet a été très convainquant.

Les églises se transforment en maisons, en condos, en restaurants, en espace cirque, en murs d'escalade, en théâtres et salles de concerts, en centres communautaires multifonctionnels, en studio multimédia, en centre de congrès, en lieux de co-working, en production agricole, en incubateurs technologiques... Ce qui me semble intéressant comme approche, c'est l'idée de préserver les églises comme des communs, c'est-à-dire comme espaces appartenant à tous, qui font l'objet de démarches collectives discutées démocratiquement au bénéfice de l'ensemble du milieu. Il s'agit de le voir comme un patrimoine à conserver et qui peut servir de levier de développement. Ça permet d'assurer l'ancrage, l'acceptabilité sociale, la mobilisation citoyenne et la pérennisation du projet. Ça permet de redonner du sens aussi.

Ce ne sont pas des projets faciles et ça prend généralement beaucoup de temps pour les réaliser. Les défis son nombreux :

• Financement pour l'achat (parfois 1$ symbolique, parfois très coûteux, comme à Montréal où la valeur de 4M pour une église repose d'abord sur le prix du fond de terrain), pour le chauffage (vous connaissance sans doute l'approche particulière des fermes de serveurs dans le sous-sol ), l'entretien, les rénovations (les coûts pour la rénovation suivent une courbe très forte et on annonce que 2021 ne fera pas exception).
• Identifier le bon projet, mobiliser le milieu, surmonter les craintes grâce à la transparence et à un dialogue soutenu (différentes visions peuvent s'affronter, certains vont vouloir préserver la possibilité de tenir des cérémonies religieuses, d'autres vont avoir peur pour le compte de taxes, etc.); encore ici le temps est un grand allié.
• Trouver le bon porteur de projet et la bonne formule juridique (différentes solutions peuvent coexister dont les coopréatives, OBNL et fiducies d'utilité sociale ; la municipalité peut également jouer un rôle).
• Composer avec les enjeux patrimoniaux et trouver les bonnes formules pour préserver ce patrimoine.
• Réaliser les rénovations, qui impliquent plusieurs étapes, à commencer par le recours à des architectes et s'assurer de la conformité des plans avec les Lois et règlements (sécurité, champs d'épuration...).
• Prévoir et mettre en œuvre les activité dans un modèle pérenne (et espérer qu'une pandémie ne vienne pas affecter les premières années d'opération!).
• S'assurer de la complémentarité du projet à l'échelle locale (capacité du milieu à prendre en charge le projet, complémentarité avec les autres équipements disponibles) et à l'échelle régionale (éviter la compétition entre deux projets semblables à proximité).
• Etc : la liste pourrait être longue encore!

Comme plusieurs projets se déroulent simultanément ça fait autant d'expériences riches et inspirantes. Ça permet aussi de générer beaucoup de connaissances qui peuvent être utiles à tous : un autre commun qui a une grande valeur et dont il nous faut prendre soin. C'est pour ça que des rencontres (comme celles organisées par Saint-Camille, la MRC de Bellechasse, les Forces fraîches ...) sont pertinentes. Je réitère l'invitation à utiliser cette communauté sur Passerelles pour partager des ressources et pour lancer vos appels à l'aide!

PHOTO : Sylvain Laroche