Vers des communs de l'IA créative / Towards Creative AI Commons

Crédit photo: Ash KG. Pris lors de la formation l’IA et les arts.

👉 Le contenu de cette note a été publié le 21 octobre 2024 sur le site Web de la SAT.

🤖  La traduction en anglais de cette présente note a été effectuée par ChatGPT.

Par Pia Baltazar, directrice du développement arts-sciences

L’un des points centraux de la démarche du projet ArtIA est la question des « communs », qui fait partie des valeurs fondamentales de la SAT. Depuis le début du projet, la réflexion s’est articulée autour de cette question : comment créer des outils qui ne soient pas seulement performants, mais aussi accessibles et collectifs? Par ailleurs, au-delà des outils de création, l’utilisation de l’IA nécessite souvent de vastes ressources qui ne peuvent pas être soutenues par des individus, ni même parfois par des organisations seules. Cela appelle la nécessité de concevoir des infrastructures partagées, capables de répondre aux besoins des artistes tout en assurant leur pérennité.

Lors de nos discussions initiales avec différents acteur·ices artistiques, culturel·les et universitaires, nous avons constaté que nous partagions avec eux et elles un alignement de fond autour de ces questions, essentielles à notre sens. C’est ainsi que nous avons commencé à imaginer un projet collaboratif autour de l’idée de mettre en place une structure collective, où les artistes pourraient se réapproprier les outils et infrastructures technologiques nécessaires à leur travail. Un consortium rassemblant Sporobole, la SAT et Projet collectif, s’est alors réuni autour de ces idées, et a pu ensemble obtenir un financement du ministère de la Culture et des Communications du Québec afin de développer le projet-cadre ArtIA. Le Laboratoire en innovation ouverte (LLio) a également rejoint le projet pour conseiller et soutenir la coordination et la gouvernance des différentes initiatives mises en place. Celles-ci abordent divers enjeux de l’utilisation de l’IA dans le secteur culturel : pour la création, bien sûr, mais aussi pour la gestion des organisations, ou encore pour la documentation et l’exploration des connaissances. La SAT se charge plus spécifiquement de coordonner le volet du projet autour des outils de création.

«L’Intelligence Artificielle» : entre promesses et réalités

Afin de poser correctement le problème qui nous occupe, il est essentiel de comprendre que l’IA, bien que capable de produire rapidement des résultats impressionnants, n’est pas dotée d’intelligence au sens où nous l’entendons généralement. En effet, contrairement à la façon dont nous, humains, fonctionnons, l’IA ne se base pas sur la notion de problème : quelle que soit la complexité de la requête qui lui est posée, elle produit, avec un effort égal, des résultats ayant une apparence similaire à ceux qui ont déjà été donnés à des questions existantes. Cela peut être extrêmement efficace et utile dans des contextes standardisés (par exemple, répondre par courriel à une situation quotidienne de travail), mais, lorsqu’il s’agit de créativité, de réflexion profonde ou de questionnements philosophiques, l’IA montre rapidement ses limites en fournissant des solutions prédéfinies, souvent de manière uniforme. Face à ce simulacre d’intelligence, afin de traiter cette question avec une certaine rigueur intellectuelle, et étant donné que l’acronyme «IA» semble être amené à rester, peut-être serait-il judicieux d’y substituer un autre référent, comme «Imitation Algorithmique»?

Il nous semble en tout cas important de sortir de l’effet de fascination que peut provoquer l’IA et de la replacer dans un cadre concret. Nous nous attachons pour cela à réfléchir aux manières dont ces outils peuvent véritablement enrichir, voire transformer, les pratiques artistiques, sans leur accorder des capacités qu’ils n’ont pas. Nous nous intéressons également, en amont des pratiques, aux imaginaires attachés à l’IA, aussi bien pour le public que pour les artistes. En effet, dans la mesure où la pratique artistique consiste avant tout à «raconter des histoires» (dans un sens très large, pas seulement par des moyens verbaux), et que la forme que prennent ces histoires dépend largement des outils à travers lesquels elles s’expriment, il nous semble important d’observer et d’interroger la manière dont ces imaginaires se déploient, tant lors de la production des œuvres que lors de leur réception.

Une approche située : pour une IA ancrée dans les pratiques

L’une des idées fortes du projet est d’envisager les technologies d’IA et les pratiques qui s’appuient sur elles de manière «située». Ce terme renvoie à l’idée que la technologie n’est pas une entité abstraite ou universelle, mais qu’elle est toujours ancrée dans des contextes spécifiques. En effet, actuellement, la plupart des algorithmes d’IA sont entraînés à partir des données disponibles en libre accès sur Internet. Si le discours majoritaire sur l’IA a tendance à assimiler l’ensemble de ces artefacts culturels à l’entièreté de la production humaine, un examen plus approfondi révèle qu’ils sont en fait surtout issus des cultures dominantes et reflètent alors de forts biais culturels et sociaux. 

À rebours de cette conception, et de même qu’un·e artiste n’a pas besoin de connaître l’entièreté de la production artistique humaine (ce qui serait de toute façon impossible et révèle ici aussi un fort biais culturel) pour produire des œuvres singulières, nous posons l’hypothèse qu’il existe d’autres approches à explorer pour l’entraînement des algorithmes d’IA. Les pistes qui vont dans cette direction sont multiples, et elles abordent également les questions d’efficacité énergétique (et donc d’impact climatique), du respect de la propriété intellectuelle et de l’accessibilité.

C’est dans cette perspective que nous voulons explorer la création d’outils qui répondent aux besoins singuliers des artistes, tout en prenant en compte la diversité de leurs pratiques et perspectives, en lien avec leurs valeurs. Cela nous a conduits à axer la démarche de recherche du projet autour de l’articulation de trois pôles complémentaires et interreliés : la recherche-création, les sciences humaines et sociales, et les technologies.

Dans le pôle recherche-création, il s’agit d’examiner comment les artistes s’approprient et détournent les outils technologiques pour transformer leurs pratiques. Dans le pôle sciences humaines et sociales, nous nous intéressons à la manière dont les imaginaires autour de l’IA interagissent avec les pratiques de ses utilisateur·ices. Enfin, le pôle technologique explore les innovations techniques émergentes, confirmées ou parfois délaissées, notamment à travers l’implication d’expert·es qui travaillent sur ces sujets depuis plusieurs décennies. 

Les recherches menées depuis quelques mois ont cependant révélé que cette tripartition était peut-être trop schématique, et nous explorons donc désormais une structuration par grappes de problèmes concrets, qui seront abordés conjointement par des participant·es issu·es de ces trois pôles d’activité.

Une consultation pour bâtir ensemble les Communs de demain

Le projet est conçu avant tout comme une consultation, en dialogue avec une trentaine d’acteur·ices clés des milieux artistique, culturel et universitaire québécois et canadien. Cette consultation se déploie au fil de trois rencontres, qui auront lieu tout au long de l’année 2024-2025, avec pour objectif de créer une véritable synergie autour de ces questions. L’ambition est de produire une réflexion collective qui puisse ensuite servir de base pour bâtir des outils et infrastructures visant à rendre l’IA créative accessible et adaptée aux pratiques, démarches et valeurs des artistes que nos organisations ont pour mission de soutenir.

Dans cette perspective, nous avons fait le choix de centrer le projet sur la création numérique issue des pratiques artistiques. En effet, même si celles-ci ont beaucoup en commun avec les pratiques créatives que l’on trouve dans le domaine des industries culturelles, elles mettent avant tout l’accent sur l’expérimentation, avec des contraintes moindres de production ou de rentabilité. Au fil du projet, nous ouvrirons progressivement notre réflexion aux acteur·ices issu·es de l’industrie et à l’écosystème de la créativité numérique, afin de partager avec eux et elles nos hypothèses et pistes de travail, et évaluer quelles synergies peuvent être envisagées.   

L’objectif final de ce projet est clair : créer des outils et des infrastructures qui répondent aux besoins des artistes, tout en respectant les valeurs d’éthique, de durabilité et de collaboration. À l’issue de cette année de travail, nous aurons une base solide pour viser des financements supplémentaires afin d’assurer la pérennité du projet et de développer, à terme, les outils et infrastructures qui auront été définis comme prioritaires par la consultation menée tout au long de cette première phase.

Ce projet ne se limite donc pas à une initiative d’un an. Il s’inscrit dans une vision à long terme, où l’IA et les outils technologiques peuvent véritablement enrichir les pratiques artistiques, en se basant sur des besoins concrets, des valeurs communes et une approche éthique et responsable.

Nous sommes reconnaissant·es de la confiance et du soutien financier du ministère de la Culture et des Communications du Québec, qui nous permet d’avancer dans cette direction ambitieuse. Avec plus d’un million de dollars déjà alloués au projet-cadre ArtIA coordonné par Sporobole, notre communauté peut poser les premières pierres d’une initiative qui, nous l’espérons, servira de modèle pour le développement d’outils numériques durables et inclusifs dans le secteur des arts.

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By Pia Baltazar, Director of Arts-Science Development

One of the central aspects of the ArtIA project is the concept of "the commons", which is a fundamental value of the SAT. Since the project's inception, our reflections have been centered on this question: how can we create tools that are not only high-performing but also accessible and collective? Furthermore, beyond the creation tools themselves, the use of AI often requires vast resources that cannot be sustained by individuals or even by organizations alone. This highlights the need to design shared infrastructures capable of meeting artists' needs while ensuring their long-term sustainability.

During our initial discussions with various artistic, cultural, and academic stakeholders, we found that we shared a fundamental alignment on these essential questions. This led us to envision a collaborative project aimed at establishing a collective structure where artists could reclaim the technological tools and infrastructures necessary for their work. A consortium comprising Sporobole, SAT, and Projet collectif came together around these ideas and successfully secured funding from the Ministry of Culture and Communications of Quebec to develop the ArtIA framework project. The Laboratoire en innovation ouverte (LLio) also joined the project to provide guidance and support for the coordination and governance of various initiatives. These initiatives address multiple issues related to AI usage in the cultural sector: not only for creation but also for organizational management and the documentation and exploration of knowledge. SAT specifically takes on the coordination of the project’s creation tools component.

"Artificial Intelligence": Between Promises and Realities

To properly address the issue at hand, it is crucial to understand that AI, while capable of quickly producing impressive results, does not possess intelligence in the way we typically understand it. Unlike human reasoning, AI does not operate based on the notion of a problem: regardless of the complexity of a given query, it generates results that resemble existing answers, with equal effort. This can be extremely effective and useful in standardized contexts (such as responding to routine work emails), but when it comes to creativity, deep reflection, or philosophical inquiry, AI quickly reveals its limitations by providing predefined solutions in a uniform manner. Given this illusion of intelligence, in order to address this issue with intellectual rigor—and since the acronym "AI" appears here to stay—perhaps we should consider redefining it as "Algorithmic Imitation".

It is important to move beyond the fascination effect that AI can provoke and to frame it within a concrete perspective. To this end, we are considering ways these tools can genuinely enrich, or even transform, artistic practices without ascribing them capabilities they do not possess. We are also examining, beyond artistic practices themselves, the imaginaries associated with AI, both for the public and for artists. Indeed, since artistic practice is fundamentally about "telling stories" (in a broad sense, not just through verbal means), and since the form these stories take is largely shaped by the tools through which they are expressed, it is crucial to observe and question how these imaginaries unfold—both in the creation of artworks and in their reception.

A Situated Approach: AI Rooted in Practices

A key idea of the project is to consider AI technologies and the practices that rely on them in a "situated" manner. This term reflects the idea that technology is neither abstract nor universal, but rather always embedded in specific contexts. Currently, most AI algorithms are trained using freely available data from the internet. While mainstream AI discourse tends to equate this body of cultural artifacts with the entirety of human production, a closer examination reveals that they primarily originate from dominant cultures and thus reflect significant cultural and social biases.

Contrary to this approach—and just as an artist does not need to be familiar with the entirety of human artistic production (which would be impossible and itself reveals a strong cultural bias) to create unique works—we propose that alternative approaches to training AI algorithms exist. These approaches address multiple concerns, including energy efficiency (and thus climate impact), intellectual property rights, and accessibility.

From this perspective, we seek to develop tools that meet artists' specific needs while accounting for the diversity of their practices and perspectives in alignment with their values. This has led us to structure the project's research approach around three interrelated and complementary axes: research-creation, humanities and social sciences, and technology.

  • In the research-creation axis, we examine how artists appropriate and repurpose technological tools to transform their practices.
  • In the humanities and social sciences axis, we explore how AI imaginaries interact with users' practices.
  • In the technological axis, we investigate emerging, validated, or sometimes overlooked technical innovations, with input from experts who have been working on these topics for decades.

However, research conducted over the past few months has indicated that this tripartite structure may be too schematic. As a result, we are now exploring an alternative organization based on clusters of concrete problems, which will be jointly addressed by participants from these three fields of activity.

A Consultation to Build the Commons of Tomorrow Together

Above all, the project is designed as a consultation, engaging in dialogue with around thirty key actors from the artistic, cultural, and academic sectors in Quebec and Canada. This consultation unfolds across three meetings throughout 2024-2025, with the goal of fostering real synergy around these issues. The ambition is to generate a collective reflection that will serve as a foundation for developing tools and infrastructures to make creative AI accessible and aligned with artists' practices, processes, and values—those whom our organizations are dedicated to supporting.

With this in mind, we have chosen to focus the project on digital creation stemming from artistic practices. While these practices share many commonalities with creative activities in the cultural industries, they prioritize experimentation with fewer constraints related to production or profitability. Over the course of the project, we will progressively expand our reflection to include industry stakeholders and the broader digital creativity ecosystem. This will allow us to share our hypotheses and workstreams with them and assess potential synergies.

The ultimate goal of this project is clear: to develop tools and infrastructures that address artists' needs while upholding ethical, sustainable, and collaborative values. By the end of this year-long initiative, we aim to establish a solid foundation to secure additional funding, ensuring the project's long-term viability and the development of tools and infrastructures identified as priorities through the consultation process.

Thus, this project extends beyond a one-year initiative. It is embedded within a long-term vision where AI and technological tools can genuinely enrich artistic practices—rooted in concrete needs, shared values, and an ethical, responsible approach.

We are grateful for the trust and financial support of the Ministry of Culture and Communications of Quebec, which enables us to advance this ambitious vision. With over one million dollars already allocated to the ArtIA framework project coordinated by Sporobole, our community is laying the groundwork for an initiative that we hope will serve as a model for the development of sustainable and inclusive digital tools in the arts sector.

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Réflexions de la SAT sur l'IA et les communs / SAT thoughts on AI and commons
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Feb. 7, 2025

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Feb. 10, 2025, 11:31 a.m.

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Frédérique Dubé. (2025). Vers des communs de l'IA créative / Towards Creative AI Commons. Praxis (consulted April 19, 2025), https://praxis.encommun.io/en/n/Hz_UYW7FBXbOWpdjEWsGTgsXQMg/.

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