Surmonter l’impasse stratégique de Québec solidaire: cinq voies de sortie (Partie 2)

Partie 2 de 2 : Les cinq voies de sortie

L’impasse actuelle de la gauche québécoise, dans un contexte de la montée des droites extrêmes à travers le monde ne devrait pas nous pousser dans l’impuissance, le fatalisme ou le désespoir. Bien au contraire, le « statu quo » n’est plus viable, que ce soit au niveau de l’ordre établi, mais plus encore au niveau des réflexes et des vieilles habitudes de la gauche. Celle-ci a souvent tendance à croire qu’étant donné qu’elle a raison d’un point de vue moral, il vaut mieux continuer à utiliser les mêmes discours, les mêmes tactiques et le même répertoire d’action, jusqu’au jour où nous arriverons peu à peu à convaincre une majorité. Cette approche « continuiste » semble mal venue dans la conjoncture actuelle, et condamne la gauche à l’impuissance politique. C’est la stratégie de l’autruche qui ne semble plus adaptée pour relever les énormes défis qui se présentent aujourd’hui.

Pour sortir de cette impasse, il est possible d’imaginer cinq scénarios ou stratégies politiques, chacune ayant des forces, des faiblesses, des opportunités et des risques. Sortir du marasme implique de « faire des choix », comme l’aime rappeler le porte-parole masculin de Québec solidaire. Mais les choix sont multiples et les avenues très diverses pour la gauche québécoise. Sans prétendre à l’exhaustivité, voici cinq voies de sortie qui permettraient potentiellement à QS d’innover sur le plan politique, ou du moins de tenter une nouvelle avenue au-delà du statu quo : 1) le virage pragmatique ; 2) l’alliance souverainiste : 3) le tournant autonomiste ; 4) le front populaire ; 5) le parti révolutionnaire.

1.     Le virage pragmatique

Il s’agit ici de l’orientation stratégique préconisée par Gabriel Nadeau-Dubois, sa garde rapprochée, une certaine partie de la direction du parti, plusieurs employé·e·s et militant·e·s de longue date du parti. Cette stratégie, qui est à l’œuvre depuis plusieurs années, a été rendue explicite avec le départ d’Émilise qui a conduit GND à réaffirmer les raisons de son engagement au sein de QS et sa « vision » pour le parti. Cette approche a également été identifiée et critiquée dans le livre Les têtes brûlées de l’ancienne députée solidaire Catherine Dorion, qui a fait un tollé quelques mois avant le départ d’Émilise, et dont certaines affirmations ont été corroborées par son témoignage.

Le « virage pragmatique » proposée par GND implique plusieurs choses : un programme moins long et une plateforme électorale très succincte qui identifie mieux ses priorités, une structure organisationnelle moins lourde et plus agile, une approche visant à définir QS comme un « parti de gouvernement », c’est-à-dire sérieux et responsable, la volonté de mieux se reconnecter avec les enjeux vécus sur le terrain avec des propositions politiques plus précises et concrètes. Tout cela a été mentionné et réaffirmé dans les derniers débats stratégiques entourant le Conseil national de mai 2024. Le « parti de la rue » est évidemment le parent pauvre de cette vision stratégique, le primat étant accordé, au moins implicitement, au rôle déterminant des communications et de l’aile parlementaire.

Ce scénario n’est pas tant une « nouvelle stratégie » pour QS, que la continuité de la ligne politique qui s’est imposée depuis l’arrivée de GND, surtout après les élections de 2018. Mais cette orientation pourrait être radicalisée suite au départ d’Émilise à la tête du parti. Notons d’ailleurs que celle-ci a quitté en raison d’un manque d’affinité avec la vision du porte-parole, mais aussi à cause de certaines pratiques à l’interne centrées sur l’efficacité, le microciblage des segments de l’électorat, la publicité sur Meta comme gage de viabilité organisationnelle, le manque de care, etc.

Au niveau des risques d’une telle approche, il y a le renforcement de la professionnalisation du parti (les employé·e·s ayant de plus en plus d’influence par rapport aux simples bénévoles et associations locales), la centralisation du pouvoir à l’interne et la « normalisation » de l’image de QS dans l’espace médiatique. En contrepartie, cet effort pour rendre QS plus crédible et pragmatique pourrait contribuer à « dédiaboliser » la gauche dans l’imaginaire collectif, en s’arrimant mieux au « sens commun » de l’époque.

Le pari de cette posture pragmatique est que le bloc social de QS étant solide, il faudrait d’élargir nos appuis au sein de certains secteurs de la population et viser en priorité les circonscriptions gagnables, en fonction de savants calculs, sondages et autres techniques basées sur la collecte de données. La priorisation des enjeux et propositions concrètes de QS devrait ainsi se faire de manière « rationnelle », avec une communication mieux ciblée, permettant d’élargir, tranquillement mais sûrement, les appuis à QS. Cette perspective n’est pas pour le statu quo, car elle vise à rejoindre certains segments de la population et l’électeur moyen, au lieu d’essayer de plaire aux militant·e·s à l’interne ou aux mouvements sociaux qui sont relativement pris pour acquis. Dans la conjoncture actuelle, les gains estimés d’une telle approche en termes de nouveaux sièges potentiels pour 2026 seraient tirés d’une analyse minutieuse des derniers résultats électoraux, et d’une approche à géométrie variable permettant d’élargir nos gains dans les circonscriptions jugées « gagnables ».

Cette approche n’élabore pas une stratégie politique globale préalable pour ensuite la traduire en discours accessible via des techniques de communication. C’est plutôt le prisme de la communication qui analyse les publics prioritaires et les cibles électorales, pour ensuite créer une stratégie de manière inductive basée sur ces calculs. La communication détermine la stratégie, et non l’inverse.

Notons aussi que ce scénario mise sur le pari d’une augmentation potentielle des appuis de QS dans les urnes sans passer par une alliance avec d’autres forces politiques ou groupes de la société civile, selon la devise « comptons sur nos propres moyens ». Ce scénario s’oppose également au « virage régionaliste » qui aurait pu voir le jour dans un monde hypothétique où Émilise aurait pu faire sa place à la direction du parti, contribuant ainsi QS à se doter d’un discours axé sur les régions, la ruralité, la décentralisation, l’alliance des villes et des campagnes, avec un aspect « authentique » et « sensible » complétant le côté « rationnel » et « pragmatique » de GND. Comme ce scénario ne s’est pas concrétisé, le « virage régionaliste » porté par Émilise ne pourra pas se réaliser à court terme, ce qui nous oblige à envisager d’autres options.

2.     L’alliance souverainiste

Il s’agit ici d’un scénario de longue date, celui d’une convergence électorale entre le Parti québécois et Québec solidaire. Or, il faut noter que si ce scénario hante la gauche et le mouvement souverainiste depuis l’arrivée de QS sur la scène politique provinciale, les défis d’une telle alliance sont majeurs. Avant 2012, QS n’avait qu’un député et la position prédominante du PQ ne présentait aucun intérêt pour une telle coalition. Après 2013, l’arrivée du débat sur la « Charte des valeurs » et la « laïcité » crispa les tensions entre le nationalisme civique de QS et le nationalisme identitaire du PQ. Cette division, voire animosité entre les deux partis, fut rendue visible par le refus net de QS d’une alliance avec le PQ proposée par Jean-François Lisée en 2017, plusieurs militants de QS dénonçant le « racisme » au sein du PQ. À l’inverse, les « angry péquistes » qui entretiennent une haine maladive à l’endroit de QS sont légion, de sorte qu’un rapprochement entre ces deux forces politiques semble un vœux pieux.

Un retournement de situation s’est produit aux élections de 2018 : le PQ passa de 30 à 10 députés, la députation de QS monta de 3 à 10 personnes, avec un nombre de voix relativement similaire à l’échelle nationale (687 995 pour le PQ, 649 503 pour QS). À partir de ce moment, QS se mit davantage à « snobber » le PQ, considérant ce parti comme un vestige du passé susceptible d’une disparition prochaine, les solidaires représentant l’avenir et la jeunesse. Les débats entourant la loi 21 et les divisions sur la question « woke » contribuèrent à creuser le fossé entre les militant·e·s de part et d’autre, QS croyant qu’il pourrait parvenir seul à remplacer le PQ. Dans ce contexte, une alliance QS-PQ était peu probable, chaque parti devant mettre de l’eau dans son vin pour forger une coalition susceptible de remplacer la CAQ.

Suite aux résultats de l’élection de 2022, surgit une fenêtre d’opportunité parfaite pour une alliance entre QS et le PQ. Nous pouvons nommer : 1) le piètre score des deux partis, aucun ne réussissant à s’imposer seul comme adversaire crédible à la CAQ ; 2) la campagne électorale qui a mis en évidence les similarités entre les deux formations politiques (sur le plan économique et écologique notamment); 3) de même que la présence de deux porte-paroles jeunes d’orientation pragmatique (GND et PSPP). QS était alors en position de supériorité face au PQ (12 députés vs 3 députés suite à l’élection partielle de Sainte-Henri-Saint-Anne en mars 2023), de sorte que la gauche aurait pu faire à ce moment une proposition pour tisser une alliance sur ses propres conditions, voire « absorber le PQ » comme ce fut pour le cas avec Option nationale en 2017. Bien sûr, les animosités entre chaque parti demeuraient, mais la situation précaire du PQ et le pari manqué de QS à devenir « par ses propres forces » l’opposition officielle aurait favorisé une remise en question de part et d’autre.

Or, depuis la remontée spectaculaire du PQ dans les sondages depuis l’automne 2023, cette fenêtre d’opportunité semble se refermer. Le PQ pourrait à nouveau prendre le pouvoir seul, sans alliance, voire même former un gouvernement majoritaire. Le PQ peut à nouveau se permettre de regarder QS de haut, comme ce fut le cas avant 2018, et QS continue d’entretenir une forte rivalité avec le PQ dont il avait essayé de prendre la place en 2022. À cela s’ajoute les importantes divisions entourant plusieurs enjeux clés qui ont marqué la politique québécoise depuis une décennie, dont la laïcité et l’immigration. Dans ce contexte, les défis sont de taille pour espérer une « convergence souverainiste ».

Néanmoins, il y a deux facteurs qui pourraient faciliter un rapprochement QS-ON dans un avenir rapproché. Le premier élément est l’élection probable de Ruba Ghazal comme co-porte-parole féminine, laquelle tient une ligne indépendantiste décomplexée similaire à celle du PQ. Elle a par ailleurs contribué à la prise de position de QS sur la loi 96 concernant la langue française, se considérant comme une « fille de la loi 101 ». Elle avait d’ailleurs fait un tweet positif à l’endroit de PSPP lorsqu’il lui avait demandé si elle ferait partie du camp du Oui (Figure 2). Bien que Ruba n’ait jamais fait la proposition formelle d’une alliance avec le PQ en vue des élections de 2026, sa présence comme co-porte-parole serait sans doute un facilitateur d’un tel rapprochement si l’occasion se présentait.

Figure 2: Échange sur Twitter entre Ruba Ghazal et Pierre St-Paul-Plamondon, 9 février 2024

Échange entre Ruba et PSPP sur Twitter, 9 février 2024

Un autre facteur qui pourrait favoriser le rapprochement QS/PQ serait de proposer une sorte de « trêve » ou de « cessez-le-feu » sur la question identitaire. Cela impliquerait par exemple de confier l’enjeu des seuils d’immigration à une entité externe, d’adopter un moratoire sur l’application de la loi 21 pour favoriser une coalition large en vue de l’indépendance, une entente pour éviter les accusations de « racistes » et de « wokistes » (ou du moins à calmer le jeu) entre militants péquistes et solidaires afin de se consacrer sur des enjeux sociaux plus urgents. Cela aurait pour vertu d’atténuer les ardeurs du PQ sur le plan identitaire (laissant les chicanes sur les wokes à la CAQ), en recentrant le débat public sur la question sociale et démocratique. Parallèlement, un programme commun axé sur l’assemblée constituante (processus démocratique visant à rédiger la constitution d’un Québec indépendant) suivi d’un référendum dans un premier mandat, la sauvegarde des services publics (santé, éducation), la mise en place de mesures phares de la transition socio-écologique, avec un programme de type Green New Deal, seraient quelques exemples d’un programme commun de rupture avec le statu quo.

La convergence souverainiste peut sembler un projet farfelu ou irréalisable, mais il s’agit peut-être de l’alliance électorale la plus probable à court terme, du moins dans la trajectoire actuelle de QS. Cette option est d’ailleurs compatible avec le « virage pragmatique » de GND qui pourrait y voir là une opportunité de démontrer son sérieux et son ouverture à collabore pour former un « parti de gouvernement ». Ce genre d’alliances sont aussi courantes dans l’histoire des partis socio-démocrates et de la gauche réformiste, préoccupés davantage par l’objectif d’appliquer certaines idées de son programme quitte à faire des compromis que de rêver d’un « Grand soir » ou d’une pureté de son projet de société.

Malgré tout, la position de force du PQ à l’heure actuelle ne favorise pas cette convergence souverainiste, et une très forte résistance à l’interne pourrait se faire sentir à l’interne de QS, avec de possibles scissions et un nombre important de départs, de membres voire même de députés. Un même phénomène pourrait se produire au sein du PQ, avec des militants trouvant les solidaires insupportables. Cela pourrait peser dans la balance de la direction du PQ qui voudrait aussi limiter le risque de scissions internes.

Ce phénomène est compréhensible, car depuis sa fondation, la raison d’être de QS a toujours été de se démarquer du PQ (et des autres partis), d’abord en raison du virage néolibéral des grands partis (PQ, PLQ, ADQ), puis en raison du virage nationaliste conservateur qui structure l’échiquier politique québécois depuis 2013. Le fait de surmonter une chicane partisane de presque 20 ans et une large fracture sur le plan idéologique s’étant implantée sur une longue décennie ne sera pas chose facile.

À cela s’ajoute d’autres défis : la complexité de la répartition exacte des circonscriptions entre les deux partis, la nécessité de faire approuvée cette coalition par les congrès du PQ et de QS, et ce avec l’échéance électorale de 2026 qui arrive à grands pas. Tout cela fait en sorte qu’un scénario de convergence souveraniste n’a pas beaucoup de chances de se réaliser à court terme, pour le meilleur et pour le pire.

3.     Le tournant autonomiste

Un troisième scénario envisageable, complètement opposé à la convergence souverainiste, consiste plutôt à mettre entre parenthèses l’enjeu de la souveraineté afin de réaffirmer le primat de la « question sociale » au sein de QS. Cela équivaudrait à revenir à une position antérieure à la fusion avec Option nationale, qui a radicalisée la posture de QS en matière d’indépendance, ou du moins à atténuer la place de cet enjeu dans le discours public du parti au profit des questions liées à la luttes des classes, l’écologie, l’inclusion et la redistribution de la richesse.

S’il est peu probable que QS change complètement de position face à l’indépendance dans son programme (et la déclaration de principes à l’origine du parti), un choix communicationnel et stratégique pourrait consister à laisser ce terrain au PQ afin d’aller gruger davantage d’appuis du côté des indécis, de la base électorale des libéraux, des jeunes, des communautés immigrantes et des centres urbains qui sont généralement moins préoccupés par la « question nationale ». Dans une version combinée au « virage pragmatique », on aurait alors un repositionnement de QS dans la lignée d’un « NPD-Québec », c’est-à-dire d’un parti de centre-gauche modéré, qui considère la souveraineté comme un enjeu secondaire. Cela permettrait sans doute d’éviter que la remontée du PQ contribue surtout à la remontée du PLQ, à l’instar de circonscriptions comme Saint-Henri-Sainte-Anne, Maurice-Richard, ou d’autres potentielles circonscriptions de Montréal (Viau, Outremont, Ouest de l’île, etc.). Les gains électoraux potentiels de QS seraient alors concentrés à Montréal et d’autres centres urbains, ou régions qui étaient anciennement sous hégémonie libérale (comme Hull par exemple).

Dans une version plus « radicale » de ce tournant autonomiste, il serait possible de forger une stratégie axée sur un « populisme de gauche » plus tranché et opposé aux élites économiques, dans la lignée de Bernie Sanders, Jeremy Corbyn, Jean-Luc Mélenchon, etc. Il s’agirait de miser sur les récentes mobilisations pour la libération de la Palestine, la lutte contre l’extrême droite, l’opposition au profilage racial, la justice climatique, la résistance contre l’islamophobie et la loi 21, etc. Cela accentuerait le pôle « parti de la rue », en prenant de plus grandes distances avec le Parti québécois et la CAQ qui adoptent des postures plus nationalistes, conservatrices et anti-immigrants.

Les avantages et inconvénients d’un tel scénario se présentent comme suit. Cela n’implique pas une rupture radicale avec l’histoire du parti, car il s’agit de prendre une ligne politique semblable à celle de QS avant 2017, mais aussi de la posture adoptée lors de la campagne électorale de 2022 qui n’a pas mis de l’avant la question de l’indépendance. La contrepartie de cette approche est bien sûr de risquer de perdre des appuis dans le rang des indépendantistes plus radicaux du parti (dont plusieurs membres qui ont joint QS suite à la fusion avec ON en 2017), lesquels pourraient devenir « orphelins politiques » ou rejoindre dans certains cas les rangs du PQ. Le tournant autonomiste représente ainsi le miroir du scénario de convergence souverainiste; dans les deux cas, il faudrait prévoir le départ de plusieurs membres (ou députés) dont le nombre est difficile à estimer.

Un autre problème est celui d’un risque d’une « montréalisation » accélérée de QS, du moins à court terme. L’effacement de la question nationale ou une posture davantage décomplexée en matière de « wokisme » et de défense des minorités, combinée à l’abandon voire le retrait de l’indépendance, risque de refroidir plusieurs électeurs des régions, laissant ici toute la place pour que le PQ récupère les lambeaux de la CAQ. QS pourrait sans doute gagner plus de sièges et augmenter son taux d’appui dans les centres urbains, mais au prix d’un renforcement de la fracture Montréal/régions.

Enfin, un troisième risque est celui que ce tournant autonomiste soit insuffisant et ne porte pas ses fruits auprès des communautés ciblées. Comme QS a été historiquement indépendantiste, qu’il a appuyé des projets, idées et lois associés aux partis nationalistes (pas la loi 21, mais la loi 96 par exemple), et que ce changement serait récent, cela apparaître comme une forme d’opportunisme. Les personnes qui ont accordé leur confiance historiquement au PLQ continueraient à le faire, préférant l’original à la copie. De plus, une victoire possible du PQ aux prochaines élections ferait renaître une crainte du référendum parmi les fédéralistes, se réfugiant du côté des fédéralistes convaincus plutôt que des souverainistes mous sur cet enjeu. En d’autres termes, le jeu en vaut-il la chandelle?

4.     Le Front populaire

Le quatrième scénario consiste à miser sur une coalition large des forces progressistes qui irait au-delà des simples partis politiques, pour inclure notamment des candidatures issues de la « société civile ». L’idée serait d’élargir le « front de gauche » par une stratégie d’alliances avec d’autres organisations (syndicats, ONG, groupes citoyens, collectifs militants), ce qui pourrait aussi impliquer l’inclusion d’autres partis progressistes qui se seraient prêts à rejoindre un « programme commun ». Celui-ci ne serait pas exclusivement élaboré par Québec solidaire mais par l’ensemble des organisations impliquées, bien que QS serait appelé à jouer un rôle d’instigateur, de facilitateur et/ou de « pôle de gravité » dans cette démarche.

Un exemple qui vient immédiatement en tête en réfléchissant aux contours d’un tel scénario est le « Nouveau front populaire » (NFP) qui a pris forme en France le lendemain des élections européennes du 9 juin 2024, où la victoire de l’extrême droite motiva le président Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée nationale et à convoquer des élections législatives un mois plus tard. Alors qu’ils étaient tous divisés quelques jours plus tôt, les quatre principaux partis à gauche de Macron (La France insoumise, Parti socialiste, Parti communiste, les Écologistes) de même qu’une vingtaine d’autres petits partis (dont le Nouveau parti anticapitaliste, Génération.s, Nouvelle Donne, Picardie Debout, etc.) ont surmonté leurs différences en créant une vaste coalition électorale. Cette vaste coalition visant à faire barrage à l’extrême droite est directement inspirée du Front populaire qui pris le pouvoir un siècle plus tôt (1936), celle-ci ayant amené plusieurs réformes sociales importantes : semaine de 40 heures, congés payés, etc.

Le Nouveau front populaire avait été précédé par l’expérience avortée de la NUPES (Nouvelle union populaire écologique et sociale) qui avait été éclatée quelques mois plus tôt, en raison de l’affrontement des différents partis sur certains enjeux clivants et des guerres d’égos entre dirigeants politiques. Ces tensions persistent toujours à l’heure actuelle au sein du NFP qui a éprouvé plusieurs difficultés à s’entendre sur une candidature commune à proposer comme au poste de premier ministre, en raison de fortes négociations et tractations en coulisses. Par ailleurs, si certaines candidatures issues de la société civile parvinrent à s’inscrire au sein de la liste électorale, celle-ci resta en très large partie décidée par le haut via des négociations entre les appareils de partis. Autrement dit, l’union large ne signifie pas la fin de la partisanerie. Heureusement, le NFP a finalement réussi à s'entendre sur la candidature de Lucie Castets après deux semaines de négociation, laquelle n'était était issue d'aucun grand parti, mais du collectif Nos services publics, avec une bonne expérience au sein de l'administration publique. Comme quoi les chicanes entre partis débouchent parfois sur le recours à des figures externes permettant de faire consensus entre une diversité d'acteurs impliqués.

Un autre exemple historique pouvant servir d’inspirer à un éventuel « front populaire » au Québec se trouve du côté des « confluences » et plateformes citoyennes lors des élections municipales espagnoles de 2015. Dans son livre les mairies rebelles d’Espagne, le chercheur Ludovic Lamant définit la confluence comme un processus complexe « où l’on inventait, au-delà des slogans, une autre manière de faire de la politique : un patient travail de brassage des gauches croisant des acteurs des mouvements sociaux, des activistes du 15-M, mais aussi des militants des “vieux” partis »[1]. Ce n’est pas une simple coalition électorale effectuée entre partis sur une base arithmétique de calculs politiques, mais plutôt un art de fluidifier les frontières entre différents courants politiques et organisations, dépassant la clivage partis/mouvements sociaux.

Le meilleur exemple d’une confluence réussie est celui de Barcelona en Comú qui est une plateforme citoyenne large qui a pris le pouvoir à Barcelone de 2015 à 2023, en amenant diverses réformes radicales à l’échelle locale en matière de démocratisation de l’économie, de promotion des communs, de lutte contre la gentrification et le tourisme de masse, etc. Ada Colau était issue d’un mouvement de défense de droit au logement, et a réussi à mobiliser de larges secteurs de groupes militants et citoyen·ne·s engagés via une méthode originale combinant différents éléments : co-création d’un programme politique via une forte participation citoyenne décentralisée via des assemblées locales et des outils numériques, création d’une « charte éthique » précisant les responsabilités de chaque candidature, etc. Si la coalition citoyenne Barcelona en Comú s’institutionnalisa rapidement suite aux élections de 2015, devenant par la suite un véritable « parti politique » à partir de 2019 (ce qui lui a valu plusieurs critiques et un désenchantement par plusieurs forces de gauche), l’impulsion initiale de cette plateforme municipaliste de « confluence » reste une source d’inspiration à explorer et à adapter localement.

Comment un « front populaire » ou une « confluence » du genre pourrait-elle prendre forme au Québec en vue des élections générales de 2026? Notons d’abord qu’à l’échelon municipal, il y a eu la Vague écologiste au municipal qui favorisa l’émergence de candidatures progressistes et écologistes aux élections de 2021, qui se traduit par l’élection d’une soixantaine de personnes à travers le Québec, sans compter l’arrivée au pouvoir de nouvelles figures comme Catherine Fournier à Longueuil, Stéphane Boyer à Laval, Evelyn Beaudin à Sherbrooke, Bruno Marchand à Québec, etc. Suite aux élections municipales de 2021, un « caucus d’élus écologistes » fut mis en place, et une rencontre de la « Nouvelle vague municipale » aura lieu à Gatineau en septembre 2024, instiguée par l’ex-maire Maxime Pedneault-Jobin. Parallèlement, une nouvelle initiative politique transpartisane nommée « Multitudes » est en train de prendre forme actuellement, avec un lancement prochain à l’automne 2024. Il ne s’agit pas d’une future coalition politique, mais d’un ensemble d’acteurs et actrices issues des milieux de la transition socio-écologique, l’économie sociale, le secteur communautaire et la recherche, en plus d’élu·e·s locaux souhaitant forger un projet axé sur la démocratie, le pouvoir d’agir et la transition vers un nouveau système socio-économique.

Comparativement à ce contexte d’ébullition au niveau de la société civile et de la politique municipale, la scène politique à l’échelle provinciale semble bloquée par une guerre sans merci entre partis. Un scénario de « front populaire » ou de « confluence » axée sur la démocratisation de l’économie, la décentralisation des pouvoirs, l’inclusion et la transition socio-écologique pourrait voir le jour, à condition que Québec solidaire ouvre la porte à d’autres forces sociales et politiques à l’extérieur du parti. L’idée serait sans doute qu’une tentative large de convergence ou de carrefour des forces progressistes vienne de l’extérieur, et que QS se joigne à l’initiative rapidement en y prenant part afin d’élargir le « front des gauches ».

Il faudrait ainsi recréer, mais sous une forme différente, l’initiative « Faut qu’on se parle » lancée au début de 2016 qui avait mobilisé les troupes avec des assemblées de cuisine et autres activités au-delà du strict cadre partisan. Cette tournée, qui s’avéra un véritable succès en termes de participation, fut également utilisée comme un tremplin politique pour Gabriel Nadeau-Dubois et une manière d’attirer de nouvelles figures autour de QS. Cette fois-ci, il faut reconnaître qu’une telle démarche ne pourrait venir directement du QS sans être marquée de suspicion : « Venez, ce n’est pas un truc partisan, mais donnez-vous vos coordonnées », et on vous bombarde ensuite de messages pour devenir membre et faire un don.

Les avantages et inconvénients d’un tel scénario méritent d’être explorés avec sérieux, bien qu’il s’agisse d’une stratégie inédite au sein du monde politique québécois. Du côté des avantages, QS pourrait élargir ses appuis du côté des forces progressistes, en allant chercher une nouvelle énergie, des militant·e·s et du leadership issu des mouvements sociaux (écologistes, antiracistes, syndicalistes, étudiants, etc.), dans un esprit de « parti-processus » qui fut le sien depuis le début. Rappelons à ce titre que l’histoire de la gauche québécoise des années 1990 est une série de coalitions, collaborations et fusions qui permirent à la gauche de surmonter ses divisions tout en restant plurielle. L’objectif à court terme ne serait pas de former un nouveau « parti », mais bien une coalition arc-en-ciel autour d’un programme commun de rupture avec le statu quo, avec des candidatures issues de QS, associations, syndicats, collectifs, partis de gauche, etc.

Un autre avantage possible d’une telle stratégie serait de tendre la main au Parti québécois et d’autres partis politiques mineurs (Parti vert du Québec, Coalition avenir Climat, etc.) autour d’un projet clairement progressiste, laissant la possibilité d’élargir la coalition sans que cela devienne un simple duel partisan entre QS et le PQ. Si le PQ accepterait de joindre le front populaire, ça ne pourrait être sur ses seules conditions, et s’il refuse, ce serait un signe qu’il privilégie ses intérêts partisans, la souveraineté ou le nationalisme identitaire à tout autre enjeu social urgent.

Au niveau programmatique, si le PQ acceptait de se joindre, il est probable que l’indépendance représenterait un élément de discussion important, mais il ne pourrait s’agir du seul enjeu de la coalition (comme dans le cas de la convergence souverainiste) : ce serait un enjeu parmi d’autres, avec probablement l’idée d’une assemblée constituante et d’un référendum pour trancher la question. Mais en attendant, un programme social de sauvegarde des services publics, de démocratisation des institutions politiques et de transition socio-écologique pourrait être mis en œuvre. Dans le cas où le PQ ne joindrait pas le front populaire, alors l’indépendance pourrait aussi être un élément débattu au sein du programme commun, mais il risque de ne pas être l’alpha et l’oméga du projet. Dans tous les cas, le projet de société de QS aurait la possibilité de s’élargir et d’être enrichi par d’autres forces politiques, sans se diluer nécessairement.

Au niveau des défis d’un tel scénario, notons l’enjeu complexe de la répartition des candidatures électorales entre plusieurs organisations, dont certaines sont des partis, d’autres des associations de la société civile, d’autres de simples individus. Dans un contexte électoral structuré par le mode de scrutin uninominal à un tour, combiné à une loi sur le financement des partis politiques qui prévoit le remboursement des dépenses électorales en fonction du nombre de votes total d’un parti aux élections, cela met des bâtons dans les roues d’un tel scénario. Cela impliquerait par exemple que QS ne présente pas de candidatures dans un nombre assez important de circonscriptions, et que le parti puisse donc perdre, en conséquence, de 25% à 60% de son budget du DGEQ en fonction du nombre de comptés laissés vacants au profit d’autres groupes politiques.

Une première stratégie pour contrer cette stratégie serait de créer une nouvelle structure (ou parti politique) qui pourrait intégrer une variété d’organisations (dont QS). Mais cette idée d’une « fusion » au sein d’un nouveau parti semble un projet complexe à réaliser en mois de deux ans. Une autre option serait de créer une structure ad hoc, qui serait officiellement un parti au sens de la loi du DGEQ, mais dont les statuts et règlements pourrait prévoir une dissolution immédiate suite aux élections de 2026, avec un système de répartition des financements en fonction du prorata de votes obtenus. D’autres scénarios pourraient aussi être envisagés pour donner former à un « front populaire » ou une « confluence » transpartisane composée de groupes de la société civile, mais cela impliquerait forcément une bonne part de bricolage, de pragmatisme et d’ingéniosité.

Un deuxième défi d’un scénario de « front populaire » serait celui d’une possible dilution du projet de société de Québec solidaire, en raison du besoin de trouver le plus petit dénominateur commun entre divers groupes et formations politiques. Il y aurait ainsi un risque de « recentrage » analogue à celui du « virage pragmatique » proposé par GND, mais avec l’inconvénient supplémentaire que les militant·e·s de QS auraient encore moins la possibilité d’influencer la trajectoire de la coalition en raison du grand nombre d’organisations et d’acteurs venus de multiples horizons. Le « pragmatisme » des solutions concrètes reviendrait ici par la porte arrière d’une alliance élargie aux mouvements sociaux, mais avec un flou artistique quant aux processus décisionnels rendant difficile la tâche de faire atterrir le tout dans une perspective globale et cohérente gardant une certaine substance politique. D’où l’expression « qui trop embrasse mal étreint ».

Cela nous amène au troisième et dernier défi, qui est celui des processus à mettre en place pour qu’un tel front commun reste inclusif et démocratique. Cela touche notamment les enjeux de représentativité en termes de classe, de genre et de diversité ethnoculturelle, mais aussi de capacité de multiples groupes et organisations à se donner un programme commun élaboré « par le bas », avec des mécanismes clairs, des règles de transparence, de redevabilité, de révocation de mandats, afin d’empêcher une possible (voire probable) concentration du pouvoir au sommet. Cela représente le risque majeur d’un tel rassemblement transpartisan, comme l’a montré l’exemple du Nouveau Front populaire (dominé par quelques appareils partisans), la France insoumise (qui se voulait un mouvement « gazeux » axé sur l’auto-organisation, mais qui reste dans les faits dominé par son leader Jean-Luc Mélenchon et sa garde rapprochée), ou d’autres initiatives qui prétendent faire sauter les vieilles structures (au nom de la spontanéité, de l’informel, de la flexibilité et l’agilité) tout en reproduisant informellement une nouvelle centralisation des décisions.

Mais disons d’emblée que ce scénario reste, malgré ses difficultés, sans doute la stratégie la plus stimulante et inspirante qui puisse être explorée en vue de sortir de l’impasse de Québec solidaire. Cela représenterait même une façon de reprendre à nouveau frais le scénario de « régionalisation » du parti esquissé par Émilise avant son départ, misant sur la décentralisation, l’ancrage dans les communautés locales, la ruralité, etc. Mais ce scénario se réaliserait cette fois-ci de l’extérieur de Québec solidaire, ou plutôt en fluidifiant les frontières entre le parti et d’autres forces vives de la société civile, en favorisant le tissage de liens entre QS et divers groupes.

Malgré tout, ce scénario reste confronté à plusieurs embûches : a) le risque d’une dilution du projet solidaire dans une masse informe de propositions politiques faibles et consensuelles ; b) une vaste coalition qui se transformerait en concours de popularité pour les individus ayant le plus de capital social et médiatique ; c) un rejet en bloc des membres de QS qui refuseraient de renoncer à certaines circonscriptions ou de diluer leur militantisme dans un groupe plus large. Pour contourner ces obstacles, un dernier scénario pourrait être envisagé.

5.     Le Parti révolutionnaire

Le dernier scénario sera élaboré de façon plus succincte : il s’agit de transformer QS en parti réellement anticapitaliste et opposé aux multiples systèmes de domination, dont le colonialisme, le patriarcat, l’État-nation, etc. Autrement dit, à l’exact opposé du « virage pragmatique » élaboré plus haut, il s’agirait de radicaliser le programme de QS et de revoir sa stratégie dans la perspective d’un parti de transformation sociale visant une transition éco-socialiste vers un monde « postcroissance », qui serait à la fois décolonial, écologique, décentralisé et solidaire. Cela impliquerait aussi une critique beaucoup plus forte de l’État, au profit d’une approche favorisant les communs, la décentralisation radicale de la démocratie, une confédération de municipalités libres inspirée de Murray Bookchin et du biorégionalisme, ou encore d’une perspective visant à mettre en application la revendication « land back » de certaines communautées autochtones.

Évidemment, un tel scénario a peu de chances de survenir de l’intérieur des rangs de QS, bien que plusieurs militant·e·s puissent adhérer à une telle vision ou certaines idées évoquées ici. Cela est d'autant plus vrai à court terme, avec le leadership de GND dont la vision "pragmatique" semble avoir été approuvée par une majorité des délégué·e·s lors du Conseil national de QS de mai 2024. D’un point de vue électoral, un virage « révolutionnaire » de QS serait sans doute moyen un choix douteux, le parti misant plutôt à séduire les franges radicales des mouvements sociaux contemporains, comme les Soulèvements du fleuve, les groupes anarchistes ou le Parti communiste révolutionnaire (PCR). L’électeur moyen serait largué, et il y aurait sans doute un risque de scission à l’interne parmi les franges plus modérées du parti.

Or, la création d’un tel parti axé sur la décroissance, le communalisme et d’autres idées radicales du XXIe siècle pourrait représente un atout pour la gauche au Québec. Cela contribuerait à fermer bouger les lignes de l’imaginaire collectif, en faisant passer QS ou un éventuel « front populaire » comme des organisations « modérées » en comparaison. On aurait ici l’exemple d’une stratégie qui consiste à faire bouger la « fenêtre d’Overton » vers la gauche. Cela signifie que certaines idées de QS, d’abord jugées comme « impensables » ou « radicales », seraient perçues comme plus « raisonnables », « acceptables » voire « populaires », un autre acteur venant jouer le rôle d’introduire des idées « radicales » dans l’espace public. L’extrême droite a misé sur cette stratégie dans les quinze dernières années, comme dans le cas du parti d’Eric Zemmour Reconquête, qui, avec un discours encore plus radical et outrancier que Marine Le Pen, permet de faire passer le Rassemblement national comme un parti « modéré » et acceptable.

Ainsi, l’une des stratégies pour « dédiaboliser » la gauche (comme QS) serait paradoxalement d’introduire des idées encore plus radicales à l’extrême gauche, comme ce fut le cas à l’époque avec Malcolm X ou le Black Panthers Party qui faisaient passer Martin Luther King comme un interlocuteur « modéré », alors qu’il fut considéré comme un « radical » quelques années plus tôt. La création d'une organisation à gauche de QS, laquelle n'aurait pas besoin de prendre la forme classique du parti politique, serait donc un scénario à envisager par des militant·e·s déçus par le virage pragmatique de QS.

Enfin, la présentation de ces divers scénarios n’épuise pas ici le champ des possibles, mais souhaite élargir le spectre ce qui peut être « envisageable » à court terme d’un point de vue politique au Québec pour les forces de gauche. L’idée ici n’est pas de proposer une stratégie grandiose qui aurait réponse à tout, mais de libérer un peu notre imagination dans un contexte de morose politique. Alors que la droite et l’extrême semble gagner un peu partout dans le monde, la gauche québécoise n’a pas encoreson dernier mot.

[1] Ludovic Lamant, Squatter le pouvoir : les mairies rebelles d’Espagne, Montréal : Lux, 2016.

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July 26, 2024

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July 28, 2024, 8:33 p.m.

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Jonathan Durand Folco. (2024). Surmonter l’impasse stratégique de Québec solidaire: cinq voies de sortie (Partie 2). Praxis (consulted July 29, 2024), https://praxis.encommun.io/en/n/g7Pu4g8e2WlLyzL_0a3i4klU39A/.

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