«Le travail c’est la santé» chantait Henri Salvador… à tort ou à raison? Lorsqu’on voit les effets pervers qu’une surcharge de travail peuvent entraîner, on se demande si Henri avait le travail le plus dur qui soit!
Les deux dernières lignes résument bien les pensées qui m’habitent lorsque je pense à ma relation personnelle à la santé et au travail: d’un côté j’ai l’impression de faire des choix sains quant à ma vie professionnelle, et de l’autre je réalise que je fais partie des rares privilégiés qui peuvent faire ces choix.
Comment je reste en santé au travail?
La réponse, en quelques mots: je travaille 20 heures par semaine. Mon secret depuis quelques années a toujours été de ne pas consacrer tout mon temps de jour au travail rémunéré. Je consacre le temps ainsi libéré à des activités essentielles à mon bien-être et celui de mon entourage: tâches domestiques, activité physique, loisirs (la musique dans mon cas), implications bénévoles, etc. Ce choix me permet de garder un équilibre entre ma vie personnelle et professionnelle et d’être pleinement disposé au travail lorsque je m’y met.
Quand le travail prend plus de place
Même à 20 heures/semaine, on n’est pas à l’abri des périodes de rush! C’est là qu’à mon avis intervient l’employeur pour assurer la santé de son équipe. Dans mon cas, voici quelques mesures prises par mon organisation pour ma santé:
- Mon employeur m’interdit d’accumuler trop d’heures dans ma banque de temps. La règle générale veut qu’on peut accumuler un nombre d’heures en banque équivalent à notre semaine régulière de travail, dans mon cas 20 heures. Ça m’évite de trop travailler dans les périodes plus occupées!
- Mon employeur a un réel soin du bien-être des employé·es. On parle souvent des manières dont on peut éviter les surcharges de travail, mieux répartir les tâches et s’assurer que chacun·e occupe un rôle qui corresponde à ses aspirations dans l’organisation.
J’ai beaucoup de chance d’avoir un employeur comme Projet collectif!
Privilèges et choix de vie
Bien sûr, je peux me permettre le luxe du temps partiel en raison de certaines conditions favorables à ce que je perçoive de bas revenus:
- Je paye un tout petit loyer (en comparaison avec ce qui se fait à Montréal par exemple).
- Je n’ai pas d’enfants
- J’adopte un mode de vie plutôt simple et je limite mes dépenses personnelles
- Conjoncture économique favorable au Québec (beaucoup d’emplois disponibles, démocratisation du télétravail, salaires élevés pour les travailleurs qualifiés, etc.)
- Mon identité (canadien, blanc, homme, diplôme universitaire) qui fait en sorte que je pourrais trouver un emploi facilement demain
En conclusion, j’ai le privilège de pouvoir faire des choix de vie peu coûteux, et mes conditions de travail font en sorte que je peux difficilement être surchargé, merci à mon employeur!
Pourquoi ce n’est pas accessible à tout le monde
La réponse est presque dans la question! Soyons honnête: Combien de personnes ayant un diplôme universitaire au Canada payent un tout petit loyer, n’ont pas d’enfants, peuvent avoir confiance en la conjoncture économique actuelle et en plus ont un employeur qui a à coeur le bien-être de son équipe? Probablement pas beaucoup. Ainsi, qui peut réellement se permettre de vivre du travail à temps partiel et de profiter de son temps libre?
Valoriser le temps libre
Dès les années 1960, les romans d’anticipation et les sociologues imaginaient un monde où tout on travaillerait moins, une réelle «société du loisir». Mais comment cette utopie peut-elle devenir réalité si le coût du logement et de l’alimentation ne cesse d’augmenter? Si les inégalités demeurent si fortes au sein de notre pays, et encore plus entre les pays du Nord et du Sud global? La société capitaliste trouvera-t-elle toujours une manière de nous faire travailler plus? J’ose espérer qu’on pourra apprendre collectivement à valoriser le temps libre pour ce qu’il est: une manière pour chacun·e d’exprimer son humanité. Une note de Marie-Soleil L’Allier m’a beaucoup inspiré dans mes réflexions sur le sujet au courant des derniers mois. Dans Affirmations anticapitalistes, on valorise les activités qui ne visent pas la production, on invite les loisirs et on encourage la paresse. Toutefois, une question demeure chaque fois que je relis cette note: si mon temps libre ne sert pas à libérer ceux qui en sont privés par le capitalisme, suis-je complice de ce système?