Le contenu de cette note est une composante de « Comprendre sans coller d'étiquettes : étude qualitative sur les préjugés et la stigmatisation envers les personnes en situation de vulnérabilité dans la MRC de La Côte-de-Gaspé » réalisée par l'Alliance pour la Solidarité en 2016.

Briser les mythes et lutter contre la stigmatisation : les exemples issus du travail de recherche
Contre la stigmatisation sociale
En rencontrant des personnes vivant ou ayant vécu des situations de vulnérabilité, mais également en discutant avec diverses organisations venant en aide aux personnes, nous avons recueilli des points de vue qui permettent d’éclairer différemment la réalité vécue dans la MRC de La Côte-de-Gaspé afin d’aller au-delà des stéréotypes.
Tout d’abord, il est impératif de reconnaître que tous les parcours de vie sont complexes. Une personne est constituée par son environnement, son éducation, ses expériences de vie. Rien ne se fait en ligne droite. Une personne qui, par le passé, a vécu une situation de dépendance à l’alcool et qui est désormais sobre ne va pas nécessairement replonger dans une dépendance ou vivre avec beaucoup moins de revenus que la moyenne. Si des parcours de vie peuvent se lire comme des enchaînements de causes à effets, les rencontres que nous avons faites sur le terrain nous invitent à plus de prudence et de nuance.
Le plus souvent, les personnes rencontrées nous indiquaient à quel point le regard des autres avait pu faire une différence dans leur vie, même dans le mauvais sens du terme. Dans certains cas, les personnes se sentaient tellement jugées qu’elles préféraient partir, quitter leur milieu familial voire la région pour ne plus sentir le poids des regards et espérer trouver une meilleure vie.
💬 « Aujourd’hui je m’en fous. Si tu as quelque chose à dire sur moi, viens me le dire en face. Mais si tu colportes ou que tu répands des rumeurs, je vais savoir comment m’en protéger. [...] Je n’ai plus peur d’affronter le regard des autres, en particulier dans ma propre famille. »
(extrait d’entrevue)
💬 « Il y a plus de gens qui remontent la pente [...]. On n’aime pas se montrer vulnérable. Alors que selon moi tout est là [...]. Ça m’a servi de vivre la précarité. Ça m’a permis de comprendre bien des choses »
(extrait d’entrevue)
« Chez nous, il n'y a pas de pauvreté » ... ?
À quelques reprises, sur le terrain, nous avons entendu des acteurs nous indiquer que selon eux, il n’y avait pas de pauvreté dans leur milieu. Ils ne voient pas non plus d’exclusion sociale. Nous nous permettons ici de remettre en question cette affirmation.
🔔 Selon nous, ce discours traduit une certaine vision de la pauvreté, comme essentiellement économique. Cependant, on reconnaît des situations de vulnérabilité partout sur le territoire de la MRC : familles vivant sous le seuil de pauvreté, personnes seules, etc. Aucun des organismes rencontrés ne repousse la réalité de la pauvreté et de l’exclusion sociale. La plupart des territoires de la Gaspésie vivent depuis plusieurs années une dévitalisation et des déstructurations économiques.
La pauvreté est un phénomène complexe et la vulnérabilité peut prendre de multiples formes. À notre sens, une telle affirmation peut être dangereuse parce qu’elle risque de fragiliser des personnes qui vivent des situations de vulnérabilité (négation de leur situation, risque d’autostigmatisation si le discours mettant de l’avant l’absence de pauvreté est répandu).
Pour aller plus loin, la notion de vulnérabilité permettrait de changer ce discours, en invitant les acteurs locaux à percevoir autrement les éventuels besoins de personnes qui ne peuvent pas y répondre par elles-mêmes.
Pour en savoir plus sur les concepts et théories des statuts sociaux, consultez cette note.
Communautés francophones vs. anglophones
Du point de vue linguistique et culturel, la MRC de La Côte-de-Gaspé connaît une situation particulière avec la présence de communautés anglophones et de communautés francophones habitant les mêmes territoires
Historiquement, Anglophones et Francophones ont vécu de façon séparée. Avec le temps, de plus en plus de ponts ont été bâtis, notamment grâce aux activités scolaires et parascolaires. De moins en moins en jeunes anglophones sont unilingues, ce qui participe à l'intégration et à la mixité. Les personnes Aînées peuvent avoir tendance à moins participer aux activités d'intégration et de mixité, sans doute par habitude selon nos sources.
Pour les organisations dont la mission est de représenter et de venir en aide aux personnes anglophones, en s'assurant notamment de la qualité des services qu'ils peuvent recevoir, la situation entre communautés anglophones et francophones tend à s'améliorer, bien que plusieurs préjugés demeurent. Encore trop souvent selon certains, on associe l'ensemble de la communauté anglophone de la Côte-de-Gaspé à un extrême ou à l'autre. Soit il s'agit d'un signe de richesse (les Anglophones possèdent des terres, des droits, leurs noms sont associés à de grandes entreprises locales), soit, à l'autre bout du spectre, c’est un un indice fort de pauvreté et d'exclusion (unilinguisme, vieillissement, isolement). Dans les deux cas, on stigmatise des personnes en fonction de stéréotypes. Cette action, comme nous l'avons vu, risque quoi qu'il en soit de nourrir des éventuelles situations de vulnérabilité.
En ce qui concerne les services de santé, des systèmes permettant d'identifier des professionnels bilingues ont été mis en place avec la participation des organisations représentant la communauté anglophone de la MRC. Mais de l'avis de ces dernières, des améliorations doivent encore être faites.
💬 « But in health, people who speak english can be bad served. If they wait too long before going to the doctor, they will be in very bad shape and the diagnosis would be different because of bad understanding. »
(extrait d'entrevue)
Le cas des agressions sexuelles
Un exemple caractérisant bien la force négative des préjugés est celui des agressions à caractère sexuel. Dans la MRC, plusieurs agressions de ce type sont commises chaque année. D’importants préjugés persistent, entraînant une culpabilisation des victimes, voire dans le pire des cas, l’absence de dénonciation.
Les faits sont pourtant clairs, et colligés par la Sûreté du Québec.
💬 « Les statistiques policières montrent que 90% des agressions sexuelles commises ne sont pas dénoncées. Et dans le 10% des victimes qui dénoncent leurs agressions, on voit que seulement 2% sont jugées fausses.»
(extrait d’entrevue)
En savoir plus
📗 Consulter des cas spécifiques aux territoires de La Côte-de-Gaspé
📘 Éviter le piège de la stigmatisation
📙 Reconnaître... pour lutter contre le désir de distance sociale