Le contenu de cette note est une composante de « Comprendre sans coller d'étiquettes : étude qualitative sur les préjugés et la stigmatisation envers les personnes en situation de vulnérabilité dans la MRC de La Côte-de-Gaspé » réalisée par l'Alliance pour la Solidarité 2016.

🗣️ Parler de « situations de vulnérabilité » pour éviter le piège de la stigmatisation
« Peu importe le statut, tout le monde peut être vulnérable temporairement. Donc il faut faire attention à étiqueter les gens qui sont vulnérables. Toutes les personnes âgées ne vont pas apprécier de se faire dire qu’elles sont vulnérables. C’est la situation qui est vulnérable, qui rend vulnérable, pas la personne. »
Au cours de nos lectures et durant la réalisation du terrain sociologique, nous avons noté une certaine critique des notions de pauvreté et d’exclusion sociale, parce qu’elles pouvaient susciter des visions trop simplistes risquant d’entraîner la formation de préjugés. Pour aller plus loin, plusieurs sociologues proposent d’employer le concept de « vulnérabilité ».
La vulnérabilité se conçoit comme une faiblesse, une fragilité ou un manque. C’est un état de moindre résistance aux difficultés ou aux nuisances.
Facteurs de risque vs. facteurs de protection
Les « facteurs » peuvent se comprendre comme des critères qui exposeront ou non une personne à la vulnérabilité : sexe, âge, santé physique et mentale, revenus mensuels, autonomie, intégration dans un milieu par le travail et les activités, logements, etc.
💬 « Selon Centraide, une personne en situation de vulnérabilité est une personne qui lutte contre la pauvreté. Elle est dans un état de manque, que ce soit du point de vue de la scolarisation, de la connaissance de ses droits. Cet état de manque mène inévitablement vers l’isolement de l’individu. Ça va jouer sur la perte d’estime de soi, la dévalorisation, l’impression de ne plus avoir sa place. »
(extrait d’entrevue)
Les témoignages recueillis et nos lectures viennent appuyer l’idée selon laquelle au-delà de l'individu, ce sont des situations ou des processus qui entraînent la vulnérabilité. Ainsi, il devient impossible de penser la pauvreté et l’exclusion comme irrémédiablement héréditaires ou comme le résultat d’une absence de motivation individuelle.
L'exemple du parcours de course à pied 🏃
De façon schématique, on peut se représenter deux personnes devant parcourir à la course une même distance. La première a quelques obstacles sur son parcours, mais ceux-ci sont peu nombreux et facilement surmontables. La seconde, quant à elle, voit se dresser sur son chemin de nombreux obstacles, assez différents les uns des autres, souvent exigeants. Elle devra faire preuve de beaucoup d’habileté pour les surmonter et prétendre finir la course. On comprend cependant qu’elle aura beaucoup de difficulté à être la première à passer le fil d’arrivée. Les situations de vulnérabilité peuvent être nombreuses dans un parcours de vie. Même temporaires, elles peuvent ralentir le parcours d’une personne et induire des rapports inégalitaires.
Penser la vulnérabilité
Une situation de vulnérabilité peut naître dans une grande diversité de contextes. Plus que de les énumérer, des sociologues tentent de comprendre quelles en sont les dimensions transversales, en lien avec la pauvreté et l’exclusion sociale. Dans un ouvrage intitulé « Penser la vulnérabilité, visages de la fragilisation du social », Châtel et Roy en retiennent cinq :
- « Des processus d’éloignement et de rupture [perte d’emploi, santé fragilisée, perte de liens familiaux];
- Un rapport spécifique aux institutions sociales marquées du sceau de la dépendance [banque alimentaire, foyer d’hébergement];
- Des conditions de vie détériorées [logement insalubre ou absence de logement, difficultés pour se nourrir, se vêtir, payer ses factures];
- Des affects le plus souvent chargés négativement [faible estime de soi, perte de confiance, honte, perte de dignité, sentiment de ne pas faire partie de la société];
- Une identité fragilisée et changeante [risques de dépendances, poids du regard des autres et de son propre jugement, stigmatisation].» (2008; p.18)
🔔 Ce dernier aspect retient plus particulièrement notre attention. Il reconnaît que la stigmatisation est au coeur même d’une fragilisation des personnes.
Source :
Châtel, V. et Roy, S. Penser la vulnérabilité. Visages de la fragilisation du social. PUQ. 2008. 243p.
En savoir plus
📗 S'approprier les concepts et théories des statuts sociaux
📘 Briser les mythes et lutter contre la stigmatisation
📙 Reconnaître... pour lutter contre le désir de distance sociale