
Dans le jeu, nous avons regroupés les leviers 11 ("Les tampons") et 10 ("La structure des stocks et des flux") car ils touchent principalement le domaine de la construction, qu'il s'agisse de construire, de rénover ou de transformer des bâtiments.
Ce sont des solutions pour avoir plus de logements (levier 11) ou pour avoir des proportions plus favorables entre différents types de logements (levier 10). Ces solutions sont toutes deux considérées comme assez proches du point de levier donc - relativement - moins impactantes. Ce n'est pas du tout ce qu'on nous dit et ce qu'on comprend généralement : lorsqu'on manque de logements, on pense tout naturellement que LA solution est avant tout de construire de nouveaux logements.
Précisons tout de suite que toutes les solutions sont importantes. Il faut bien sûr continuer à bâtir, rénover et réaménager mais il faut savoir aussi que des évolutions très importantes de nos façons de faire sont désormais requises. Voir cette autre initiative de sensibilisation participative pour s'en faire une meilleure idée : Les Matérialistes. Plusieurs sont actuellement à l'oeuvre, y compris dans nos quartiers, pour que nous arrivions à un meilleur respect des matériaux que nous utilisons, comme l'organisme Surcy ou Lespacemaker, 2875 rue Hochelaga.
On s'entend que de nouvelles constructions, même les plus vertueuses du point de vue de la durabilité, ne pourront résoudre à elles-seules la multi-crise à laquelle nous faisons face actuellement, ne serait-ce parce que construire ça prend nécessairement du temps.
On peut comprendre aussi que des solutions, qui s'attachent au final à modifier des quantités de logements disponibles, puissent avoir un effet limité en raison même de l'inertie du système : Que sont 1 000 logements nouveaux qui pourront être construits sur les 80 000 logements existants de quartiers urbains comme les nôtres, si, pour de multiples raisons, l'abordabilité de ces derniers continue de s'éroder à grande vitesse ou si des centaines de logements existants disparaissent au pays dans le même temps pour cause de vétusté aggravée par nos diverses incapacités ou de destruction accelérée due à des changements climatiques de plus en plus manifestes ?
Du point de vue de notre consommation globale en énergie, et selon le rapport publié par Johanne Whitmore et Pierre-Olivier Pineau (HEC Montréal 2023), nous aurions même déjà tous les m2 dont nous aurions besoin au Canada. Il faudrait plutôt s'attacher à en faire un meilleur usage en nous posant la question du pourquoi le ratio des m2 par habitant ne cesse de croître au pays.
Avons-nous réellement besoin, pour vivre mieux, de toutes ces pièces inoccupées que nous devons tout de même chauffer et climatiser à grands frais pour nous-mêmes mais aussi la Planète ? Que se passe-t-il si toutes ces pièces vides accumulées nous conduisent à achever de détruire le peu de vivant qu'il nous reste ou, littéralement ces derniers mois, à ne plus plus pouvoir sortir de chez-nous certains jours ?
Bien sûr, un nouveau logement social fera toute la différence du monde pour celui ou celle qui pourra enfin y habiter mais sur le problème dans son ensemble, c'est moins sûr. Il faudrait en retrouver la source, mais il semblerait que pour chaque logement social et abordable nouvellement créé il s'en détruise aujourd'hui 17 autres.
DESCRIPTIONS DES LEVIERS ET EXEMPLES
Levier 11 : Les tampons (taille des stocks de stabilisation par rapport aux flux associés) »»» Augmenter le nombre d’unités d’habitation
Augmenter le stock de logements par rapport aux flux (c'est à dire les gens qui veulent un logement) :
- Résusciter la "corvée habitation" un programme d'aide aux acheteurs d'un logement neuf qui a permis la construction de 56 000 logements de 1982 à 1984.
- Récupérer des hôtels et tours à bureaux vacants pour les transformer en logements.
- Réviser la réglementation pour faciliter la densification (46/87)
- Augmenter la capacité de zonage (autoriser plus de logements dans une zone, densification) ou "Upzoning". Plusieurs façons de le faire (41 et 42/87).
- Comme la municipalité de North Grenville (Ontario), faciliter la construction sur des terrains privés existants de suites parentales (Secondary suite) également appelées "unités d'habitation accessoire (UHA) pour héberger des aînés ou de jeunes adultes en proposant des modèles types et co-finançant leur construction.
Baisser le coût de construction par unité de logement pour construire davantage d'unités :
Actuellement les coûts de construction par logement explosent en raison principalement du coût ou de l'indisponibilité des matériaux et de la main d'oeuvre ainsi que l'augmentation des taux d'intérêt hypothécaires. Et plus la construction prend du temps, plus celà coûte cher.
Selon une étude Mackensie sur les méthodes de financement de l'abordabilité dans le monde, 2014 (source : Julie Favreau, consultante avocate en finance immobilière - Podcast À la croisée des toîts/5e semaine 14 février 2024), les principaux leviers pour assurer une meilleure abordabilité, en particulier du logement social, sont :
- 1) Méthodes de financement (Argent plus tôt, réduction des taux d'intérêts, mécaniques financières modifiées etc) : environ 10%
- 2) Méthodes de construction (auto-construction, préfabriqués, base-building où les gens construisent eux même leur cuisine par ex) : Entre 0 et 5% d'abordabilité générée
- 3) Coût de gestion (énergie, déneigement, lumières, chauffage...) : entre 5 et 10%
- 4) Accès au terrain : La plus grosse source d'économie. Il faut un écosystème fiscal qui interdise notamment le stationnement de surface en milieu urbain. De ce point de vue le Québec est un très mauvais élève. Il faudrait punir les propriétaires de stationnement de surface surtout lorsque la densité permise est de 20 à 40 étages. Le droit de préemption de certains de ces terrains, accordé recemment aux municipalités, permet de compenser en partie le problème en permettant d'étoffer le parc immobilier public.
Levier 10 : La structure des stocks et des flux »»» Accroître la proportion de logement social et abordable dans l’ensemble du parc immobilier
Augmenter la proportion du logement social et abordable à partir des bâtiments déjà existants :
- Réinvestir le parc de logements existants pour le transformer en logements sociaux et abordables (55/87)
- Développer des logements sociaux à même les propriétés immobilières publiques (SQDC, SAQ, Immeubles gouvernementaux, STM etc. Rend possible la mise en chantier de logements hors marché dans les villes où peu de terrains restent disponibles (53/87)
- Densifier les logements sociaux existants par exemple en ajoutant un étage supplémentaire lors d'une rénovation majeure (Des projets en cours dans Hochelaga ?).
- Achat du parc non abordable. Programmes et fonds permettant l’achat ou la rénovation des logements existants comme les REER solidaire, le Programme d’acquisition d’immeubles au centre-ville (LAU), les Fonds immobilier de solidarité FTQ (80/87).
- Augmenter les fonds de réserve nécessaires au maintien des logements sociaux
- Financer le démarrage de coopératives de propriétaires avec des conditions d’emprunt allégées ou des subventions directes (52/87).
- "Fonds plancher" : Créer un outil financier capable de développer un vaste parc immobilier abordable et pérenne en s'appuyant sur les milliards de dollars en actifs déjà détenus par le logement social et communautaire (construction ou achat de logements existants). Actuellement, pour des raisons contractuelles avec les instances gouvernementales, cette valeur ("équité") constituée par les bâtiments sociaux libres d'emprunt, dort. De la même façon, une expertise précieuse est morcellée et sous-utilisée. Il faudrait professionnaliser le secteur des OBNL et des COOP.
Augmenter la proportion du logement social et abordable en construisant du neuf :
- Réglement 20-20-20 (Règlement pour une métropole mixte de Ville de Montréal) qui impose une portion de logements sociaux et abordables aux projets de développements résidentiels privés. Pour voir les retombées à ce jour. Ce réglement a été remanié en 2023 (Solution "zonage inclusif", 47/87).
- Mission Unitaînés bâtira d'ici 2026 10 immeubles de 100 appartements chacun destinés aux aînés à faible revenu. Les plans et devis seront standardisés.
- Entente sur le logement abordable signée à l'automne 2023 entre Québec et Ottawa. Le fédéral acorde 900 millions à la province qui a doublé la mise pour un total de 1,8 milliard.
- Augmenter la proportion de logements à buts non lucratifs et réformer le mode de financement (Prêt sans intérêt de l'État pour le tiers du coût de la construction remboursée 25 ans plus tard. Guichet unique permettant d'allouer les enveloppes par portefeuille et non par projet)
- Sur le modèle de la "Big society capital" ou Better Society Capital Limited (BSC) (UK), loi nationale forçant la mutualisation de toutes les comptes bancaires inactifs à travers le pays (l'argent des banques qui y dort mais en fait n'appartient pas à ces banques ; Ces fonds sont nationalisés par cette loi) pour financer l'économie sociale et notamment le logement social et abordable.
- Financer du logement abordable "par accroisssement fiscal" ("Tax Increment Financing(TIF) à Chicago et San Francisco notamment). Détourner les futures augmentations d’assiette d’impôt foncier d’une zone pour financer le développement du logement abordable (62/84).
- Fournir les fonds nécessaires aux développeurs publics pour livrer des dizaines de milliers d'unités de logements sociaux d'ici les 5 prochaines années (on viserait 10 000 nouveaux logements sociaux par an aux pays) (54/84).
- Accorder de plein droit des bonus de densité pour la construction de logements abordables et sociaux, ou "inclusionary upzoning" (45/87).
- "Zonage différencié selon le mode de tenure". Permet plus de densité pour les projets 100% abordables. Modèle Affordable HousingOverlay – Cambridge (49/87).
- Augmenter le financement provincial des places d'hébergement, refuges et logements en situation d'itinérance