Apprendre à collaborer et communiquer avec des partenaires autochtones | Atelier 3 avec Mikana

Cette note présente les principaux apprentissages issus de l'exerice pratique réalisé lors du troisième atelier d'accompagnement de TeC par Mikana.

Pour cette 3e journée de formation, nous avons discuté de collaboration et de communication avec les organisations, communautés et personnes autochtones. 

Avant de plonger directement dans le vif du sujet, les formateur-ice-s Stéphanie et Jimmy nous ont posé les questions suivantes:

  • Avons-nous un enjeu de représentativité au sein de notre équipe ou de nos projets?
  • Avons-nous des liens solides et de confiance avec les communautés autochtones de la région?
  • Quels sont nos enjeux et nos besoins? Existe-t-il des ressources et/ou organismes pour nous aider dans notre processus?

Ces questions ont permis de dégager certains constats pertinents pour mieux comprendre notre niveau de "maturité" en tant qu'alliance en lien avec les questions autochtones.  Puis, comme le titre de la formation l'indique, les formateur-ice-s nous ont partagé quelques trucs pour favoriser une collaboration réussie. Avant de rapporter ici même les six actions à privilégier, il est essentiel de mentionner que, dans toute collaboration, le processus est plus important que le résultat. En effet, Stéphanie et Jimmy nous ont explicité le fait que le processus comprenant les relations bâties et la qualité de la participation de toustes est plus importante que le résultat final. Déjà avec cette affirmation, nous comprenons que la collaboration n'est pas une transaction pour atteindre un objectif prédéterminé, c'est plutôt une occasion de créer des liens solides et de confiance avec d'autres personnes/organisations.

Six actions à mettre en oeuvre pour la planification et la préparation à la collaboration.

1. S’éduquer et préparer l’équipe

Pour commencer, il est important de former l'équipe souhaitant développer des projets en collaborant avec des partenaires autochtones. Notamment, il s'agit de les éduquer et outiller sur les thèmes suivants: 

D'ailleurs, il est souhaitable de valoriser les cultures autochtones en variant les sources d’informations pour saisir les nuances, les positions et les divers enjeux autochtones. Certaines personnes, communautés ou organisations peuvent effectivement avoir une perspective différente sur un enjeu et il est important de ne pas voir les populations autochtones comme un bloc monolithique, mais plutôt comme une toile avec plusieurs cultures, langues et pratiques.

2. Reconnaître la pluralité des cultures autochtones

Pour faire suite au premier élément, il est essentiel de prendre conscience et de valoriser la diversité et richesse des cultures autochtones. Par exemple, Tiohtià:ke est historiquement un lieu de rencontres et d’activités diplomatiques entre les Nations autochtones. Il s’agit du centre urbain accueillant la plus importante population autochtone au Québec (nombre et représentativité) ce qui implique une pluralité d’expériences, d’opinions…!

3. Éviter l’instrumentalisation

L'instrumentalisation est une pratique qui consiste à inclure symboliquement des personnes d’un groupe minoritaire, culturel ou marginalisé dans le seul but d’améliorer sa propre image, de recevoir des subventions ou d’obtenir des autorisations pour créer des projets. 

Exemples d’instrumentalisation:

  • Miser sur une seule personne pour représenter l’ensemble des communautés et des Nations
  • Miser sur l’identité autochtone d’un ou d’une membre du personnel pour former son équipe au sein des réalités autochtones
  • Inviter des personnes autochtones qui n'ont pas une expertise pertinente dans le contexte 

Exemple d’une collaboration fructueuse et respectueuse (non tokénisante):

  • Soutenir l’organisation autochtone dans la rédaction d’une demande de financement et s’assurer de leur donner pleine autonomie sur la nature de leur projet. Être allié peut aussi prendre forme en s’intéressant aux besoins de l’organisation autochtone, que ça ne réponde pas en premier aux besoins de l’organisation allochtone

QUELQUES CONSEILS

  • Veiller à offrir les outils et les moyens nécessaires (pouvoir d’influence, pouvoir d’agir)
  • Reconnaître et valoriser l’expertise culturelle et empirique
  • Prendre en considération l’expertise de la personne dans son apport au projet ou au processus
  • Collaborer avec des Autochtones dans différents dossiers (pas uniquement les dossiers dits autochtones)

4. Être flexible et s’adapter

Lors du recrutement de personnes pour travailler dans une organisation, il est essentiel de prendre en compte l’expérience de vie de la personne et son bagage culturel en plus de son expérience académique. En effet, il est important de garder en tête que l’accessibilité aux études postsecondaires n’a pas toujours été (et n’est pas encore nécessairement) facile pour les personnes autochtones.

5. Être sensible au risque de sursollicitation

La sursollicitation dans le milieu autochtone est un réel enjeu. Les besoins du milieu allochtone en terme de sensibilisation et d’éducation sont nettement supérieur à l’offre actuelle.

La préparation, la création de liens de confiance et la sensibilité à cet enjeu sont les premières clés pour trouver des solutions.

QUELQUES PISTES D'ACTION POUR ÉVITER LA SURSOLLICITATION

  • La communication/clarté est la clé
  • Éviter de mettre de la pression (ne pas insister)
  • Savoir à qui s’adresser
  • Trouver des partenaires/collaborateur-ice-s allochtones qui ont déjà fait un bon travail en ce sens pour obtenir du soutien ou recevoir des conseils
  • Au minimum, indemniser le transport, l’hébergement, la nourriture et offrir un per diem pour la journée (idéalement une rémunération qui reflète la contribution de l'invité-e)
  • Pour la rémunération, c’est mieux de dire de manière transparente à quoi ressemble le budget prévu et c’est préférable d’avoir une certaine flexibilité/ouverture à la “négociation”
  • Proposer de participer à un comité de consultation (moins prenant) et idéalement rémunérer la participation
  • Réfléchir aux délais (se prendre plusieurs mois à l’avance)

6. Réciprocité

Une des valeurs fondamentales pour la plupart des Premiers peuples est celle de la réciprocité. Il joue un rôle important dans l’obtention et le maintien de bonnes relations entre les communautés autochtones et allochtones. Il faut donc s’assurer que les résultats et les retombées profiteront aux membres des communautés concernées.

QUELQUES CONSEILS

  • Continuer à nourrir les relations post collaboration/projet
  • Réinviter les gens qui ont participé à nos projets pour garder le lien

Développement de projets et programmes

En deuxième partie de cette formation, on a abordé le thème du développement de projets et de programmes.

D'abord, pour évaluer la pertinence d’un projet/programme, il est important de:

  • S’ancrer dans les réalités et les besoins du milieu
  • Créer des liens et des collaborations avec des organisations autochtones
  • Voir la possibilité d’appuyer des initiatives existantes

Ensuite, lorsque vient le temps de créer des comités, il est essentiel de :

  • Contacter les bonnes personnes
  • Garder en tête que le recrutement peut être difficile (lien avec la sursollicitation nommée précédemment)
  • Bien définir le but du comité, les rôles de chacun et les processus de prise de décision
  • Conflit d’intérêt: ne pas automatiquement considérer une personne autochtone en conflit d’intérêt juste parce que “le monde autochtone est petit”
  • S’il s’agit d’un comité mixte: assurez-vous que les personnes allochtones soit initialement sensibilisées et formées aux réalités autochtones

Sur une base régulière, il est pertinent de revenir à nos motivations premières en se posant les questions suivantes:

  • Mon intérêt découle-t-il du fait que c’est un sujet à la mode?
  • Mon intérêt est-il motivé par le désir d’augmenter mes chances d’obtenir du financement?
  • Est-ce que je modifie le message initial en imposant mes opinions?

Pour bien saisir les éléments à garder en tête lorsqu'on souhaite collaborer avec des partenaires autochtones, les formateur-ice-s nous ont demandé de nous séparer en deux groupes avec une question différente pour chaque groupe:

  1. En tant qu’allochtones, quelles sont nos appréhensions dans l’optique de collaborer avec des communautés/organisations autochtones?
  2. En tant qu’autochtones, quelles sont nos appréhensions dans l’optique de collaborer avec des communautés/organisations allocthones?

Ces discussions ont mené à plusieurs réflexions autour de notre posture en tant qu'allochtone et ce que nous cherchons réellement à accomplir ou obtenir en collaborant avec des partenaires autochtones. Par exemple, Stéphanie et Jimmy nous ont partagé quelques questions ou sentiments que nous pouvons vivre dans cette situation (en tant qu'allochtone):

  • Par où je commence?
  • Est-ce que j’ai le droit de visiter une communauté?
  • Je me sens dans un autre monde
  • La situation des autochtones me révolte, j’ai envie que ça change et vite
  • Je me sens imposteur
  • J’ai peur qu’on me juge

Cette liste est loin d'être exhaustive et vise simplement à donner une idée de comment on peut se sentir avant même de commencer formellement une collaboration. Par exemple, la crainte de se sentir "pas à sa place" et de ne pas faire les bonnes choses peut être vécu par plusieurs.

Inversement, l'équipe de Mikana a également partagé quelques questions qu'une personne/organsation autochtone peut se poser quand une organisation allochtone la sollicite pour collaborer sur un projet:

  • Qui connaît cette organisation/personne allochtone?
  • Est-ce un sauveur?
  • Est-ce un-e opportuniste?
  • Est-ce une personne marginalisée?
  • Est-ce qu'iel vient avec ses habitudes de la ville? (Méthodes de travail, visions, etc..)
  • Vais-je être tokénisé-e?
  • Est-ce qu'il faut que je travaille gratuitement?
  • Est-ce qu'iel va être insistant-e?

Bref, cet exercice d'empathie fut révélateur et a permis de mieux comprendre les réalités et perceptions possibles des personnes/organisations autochtones quand vient le temps de collaborer sur un projet.

Communication en contexte autochtone

Puis, on a discuté de la communication et plus précisément de la prise de contact avec les personnes et les organisations autochtones, certains éléments sont à prendre en considération pour favoriser un bon début de collaboration:

  • Se présenter et partager clairement ses intentions
    • La sincérité se ressent facilement
  • L’importance d’une bonne communication/humilité
    • Les gens se parlent beaucoup entre eux alors il est préférable de rester humble dans notre approche
  • Développer/renforcer son réseau et ses liens avec le milieu afin de bien faire circuler les appels à projets, etc…
  • Prendre en compte le phénomène de sursollicitation (renvoie à la section mentionnée un peu plus tôt)
    • Phénomène accentué en ville

Les modes de communication - Comment rejoindre les Autochtones à Montréal?

  • Population étudiante: réseaux sociaux, groupes/assos autochtones cégep/uni, Réseau autochtone de MTL, Montréal autochtone
  • Famille et enfants: Montréal autochtone
  • Spécialistes: organisation autochtone qui oeuvre directement dans la discipline ou le domaine ciblé
  • Personnalités publiques: communication courte et claire via les pages et courriels professionnels. SI aucun moyen professionnel, écrire directement via les réseaux sociaux

Réseaux sociaux

Facebook est le moyen de communication le plus courant alors que Tik tok a plusieurs avantages comme le fait de favoriser la souveraineté narrative et l'occupation virtuelle de l’espace, faciliter la transmission de connaissances par la tradition orale. On retrouve dans Tik tok une réelle explosion de créateur-ice-s autochtones!

Quelle langue utiliser dans les communications?

Comme ça dépend des gens au sein des communautés (parfois majorité franco et la personne qu’on contacte est anglo, vice-versa), c’est préférable de rédiger dans les deux langues (ang/fr).

Pour entrer en contact avec des organisations autochtones à Montréal, il est encouragé de communiquer avec le Réseau de la communauté autochtone de Montréal et Montréal autochtone.

Pour entrer en contact avec les communautés, voici quelques points d'entrée:

  • Les conseils de bande (en gardant en tête que c’est l’équivalent d’un gouvernement)
  • Les conseils tribaux (e.g. conseil des Atikamekw)
  • Les commissions
  • Organisations culturelles
  • Écoles
  • Radios locales

Les codes culturels en communication

Lorsqu'on est en présence de personnes autochtones, il est important de tenir compte de certains éléments comme:

  • Le langage non verbal
    • Froncement de sourcils (interrogation et non pas du jugement)
    • Pointer avec les lèvres (e.g. pour désigner un lieu)
    • Contact visuel n’est pas toujours privilégié (parfois inconfortable)
  • L'humour
    • Autodérision
    • Pince sans rire
    • Taquiner = bon signe
  • La communication narrative/anecdotique (en opposition à une communication conceptuelle)
  • Il y a souvent moins d’interruption et plus de silence (garder en tête que pour plusieurs, le français est une 2e ou 3e langue et très loin de la langue autochtone donc ça peut prendre du temps pour bien s’exprimer)
  • La politesse vs le respect
  • La notion du temps
    • La qualité d’être dans le moment présent
    • La vision long terme avec les 7 générations

La sécurisation et l’humilité culturelle

Ce processus a été développé en Nouvelle-Zélande dans le milieu de la santé pour augmenter la sécurisation culturelle et ainsi réduire les risques d'avoir des comportements et des attitudes impactant négativement les populations autochtones. Il est important de garder en tête qu'il s'agit d'un processus non linéaire!

  1. Conscience culturelle
    • Je suis capable et désireux de reconnaître l’existence de différences culturelles
    • J’accepte les différences au sein de la population
  1. Sensibilité culturelle
    • Je tiens compte des antécédents et des expériences cultrelles des Premiers Peuples, de même que de mes propres biais culturels
  2. Compétence culturelle
    • Je démontre une capacité à utiliser mes connaissances, mes compérences et mes attitudes pour renforcer l’autonomie des Premiers Peuples
    • Je suis à l’écoute des réalités et des besoins de la personne et j’adapte ma pratique
  3. Sécurisation culturelle
    • Nous adoptons une approche systémique tenant compte des rapports de pouvoir inhérents aux services et reconnaissant la valeur des savoirs et de la culture des Premiers Peuples
    • Nous cherchons à contrer les obstacles (politiques, procédures, pratiques) rencontrés par les Premiers Peuples dans notre institution
    • Nous impliquons les Premiers Peuples dans l’orientation, l’organisation et l’évaluation des services qui leur sont destinés

La souveraineté narrative

C’est la capacité des peuples et des groupes autochtones à partager leurs propres histoires et leurs visions du monde d’une manière qui leur est fidèle

Le complexe du sauveur blanc

Malheureusement, il est arrivé à maintes reprises que des personnes allochtones aient une posture de "sauveur" lorsqu'elles ont voulu collaborer avec des partenaires autochtones. Pour éviter cette dynamique inégale, il est nécessaire de prendre en considération les éléments suivants:

  • Faire la distinction entre sauver vs favoriser l'autodétermination des peuples
  • Reconnaître l’histoire
  • Revoir l’activisme (qu'est-ce qui est inclus dans l'activisme?)
  • Différencier le fait d'imposer son aide vs établir une démarche pour devenir un-e allié-e

Pérenniser les relations

Enfin, lorsqu'une relation est établie avec des partenaires autochtones comment s'assurer de la maintenir dans le temps?

Déjà, la première question à se poser est la suivante: qu’est-ce qu’une collaboration réussie? Elle se mesure par la qualité des relations développées!

Voici quelques pièges à éviter:

  • Pas avoir de flexibilité dans le projet ou la collaboration qu’on propose
  • Se précipiter (temps)
  • Curiosité pouvant devenir “intrusive” (quelle est la base de ma curiosité?)
  • Les microaggressions
  • Langues (valoriser les langues autochtones)
  • Le mythe du "bon indien" (attention à nos attentes et à nos idées préconçues)

Quelques pistes de solution pour une relation de confiance qui dure dans le temps

  • Prendre le temps
  • Être à l’écoute
  • Faire preuve d'humilité
  • Bien préparer notre équipe (éduquer, sensibiliser, former, donner accès à des ressources)
  • Créer et assurer un environnement sécuritaire (développer une réelle sensibilité et une écoute)
  • Être à l’écoute des silences et comprendre le contexte de sursollicitation (être flexible durant le processus et valider à chaque étape que tout fonctionne)
  • Le processus est plus important que le résultat
  • Bien établir les attentes et les objectifs (se présenter et partager clairement ses intentions)
  • Utiliser les bons moyens de communication (l’importance d’une bonne communication/humilité)
  • Être prêt à s’adapter
  • Réfléchir à la pérennité des projets et actions (prendre le temps de bâtir et nourrir des nouvelles relations de confiance à long terme ainsi qu’une relation qui n’est pas à sens unique)


Conclusion


Pour conclure, collaborer et communiquer avec des partenaires autochtones renvoie à l'importance de s'éduquer en amont, de miser sur la qualité de la relation, la réciprocité, le processus plutôt que le résultat et d'éviter à tout prix l'instrumentalisation. De plus, le contexte actuel mène à une sursollicitation des populations autochtones et il est nécessaire de faire preuve d'humilité, de flexibilité et de compréhension. Dans l'optique de développer des collaborations fructueuses et réciproques avec des partenaires autochtones, n'hésitez pas à prendre un pas de recul, vous référer à cet article et voir comment il est possible de réellement contribuer à l'autodétermination des Premiers Peuples.

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Intégré par Nadim Tadjine, le 22 novembre 2023 12:03

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Publication

15 novembre 2023

Modification

9 février 2024 09:33

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