
Nous vivons une époque marquée par l’empilement de crises : écologiques, économiques, sociales, politiques. Le climat déraille, les inégalités explosent, les institutions perdent en légitimité, et l’imaginaire collectif semble à court de solutions. Face à ces bouleversements, beaucoup cherchent des alternatives… sans pour autant sortir des logiques qui ont causé les problèmes.
Et si l’une des réponses les plus fertiles ne venait pas d’en haut, mais d’en bas ? Pas d’un nouveau programme technocratique, mais d’une série de pratiques collectives, enracinées, solidaires : les communs.
Les communs : une pratique vivante, pas une recette
Derrière le mot “commun”, il n’y a pas seulement une ressource à partager. Il y a surtout un processus : celui de mettre en commun, de prendre soin ensemble, de s’auto-organiser pour répondre à des besoins essentiels.
C’est ce qu’on appelle le commoning : une pratique sociale où des personnes s’associent volontairement pour créer, gérer et faire vivre collectivement des ressources, des savoirs, des espaces ou des services — en dehors des logiques du marché ou de l’État. C’est une manière de faire société autrement.
Et au Québec ? Des communs en pleine floraison
Ces dernières années, de nombreuses initiatives québécoises ont émergé ou se sont affirmées dans cette logique :
- Un jardin collectif autogéré où les récoltes sont partagées entre voisin·es.
- Une bibliothèque d’outils qui évite d’acheter, favorise la réparation et crée du lien.
- Une coopérative de santé fondée sur la participation citoyenne.
- Des monnaies locales pour soutenir les circuits courts et relocaliser l’économie.
Ces pratiques sont diverses, mais elles ont en commun un souci de l’autre, de la communauté, et du monde vivant. Elles sont souvent invisibles dans les politiques publiques… mais elles façonnent déjà un autre quotidien.
Des réponses systémiques à des crises systémiques
Pourquoi les communs sont-ils particulièrement pertinents aujourd’hui ? Parce qu’ils touchent à plusieurs dimensions à la fois :
- Écologique : les communs protègent des ressources partagées, souvent locales, avec une attention au long terme.
- Sociale : ils recréent du lien, du soin, du temps commun, en dehors des logiques marchandes.
- Économique : ils permettent de produire et distribuer autrement, dans une logique de subsistance, de partage, de réciprocité.
- Politique : ils encouragent la participation, l’autonomie, la co-décision, l’apprentissage collectif.
Ils ne “réparent” pas seulement les dégâts du système dominant : ils proposent une autre manière d’habiter le monde, une bifurcation plutôt qu’un rafistolage.
Mais attention : tous les “communs” ne transforment pas
Il faut pourtant se méfier d’un usage trop large ou trop naïf du mot “commun”. Certains communs peuvent être récupérés, administrés de manière technocratique, ou fonctionner comme des relais du marché. Ce ne sont pas leurs intentions qui comptent, mais leurs pratiques.
Alors que certains communs sont transformationnels : ils changent vraiment les règles du jeu. D’autres sont fonctionnels, mais peu émancipateurs. D’où l’importance de distinguer les types de commoning — ce que nous explorerons dans les prochaines notes.
Et maintenant ?
Cette note ouvre un carnet dédié aux pratiques de commoning au Québec inspiré de ma thèse. On y parlera typologie, alliances, leviers juridiques, de guérison individuelle et collective...
Mais surtout, j'espère nourrir des conversations utiles :
- Quels communs voulons-nous faire grandir ?
- Comment les soutenir sans les dénaturer ?
- Et comment inventer, ensemble, un monde plus vivable ?
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