Des applis mobiles pour réduire le gaspillage alimentaire au Canada ?

Les applications anti-gaspillage alimentaire sont classées en deux catégories, celles qui accompagnent la redistribution des aliments (entre entreprises, individus ou entre les deux) avant que le gaspillage ne se produise et celles qui aident les individus et les ménages à mieux surveiller, gérer et planifier leur alimentation en vue de réduire leur gaspillage.

Les applications de redistribution peuvent viser la vente sur des marchés parallèles (en général de produits jugés imparfaits, « moches » ou qui resteraient invendus dans les chaines traditionnelles), le partage ou don entre particuliers (peer-to-peer), ou le don via des institutions (comme les banques alimentaires). Le marché des produits alimentaires « imparfaits » semble prometteur et complète les marchés conventionnels aux standards plus stricts. Certaines applications sont spécialisées dans le don entre particuliers, surtout efficace -semble-t-il- dans les grandes villes. Il demeure toutefois, pour cette forme de redistribution, un enjeu de confiance entre les protagonistes, que les réseaux sociaux peuvent aider à contourner. Enfin, la redistribution d’aliments provenant de producteurs, de restaurants, de cafétérias et d’épiceries par des banques alimentaires ou institutions de charité est bien connue au Canada. Les applications mobiles peuvent faciliter la communication et la logistique à ce niveau, mais des barrières sociales demeurent (hésitation des marques à y participer, manque d’inclusion sociale, sentiments de culpabilité et de honte chez les bénéficiaires, etc.).

Quant aux applications destinées aux ménages, certaines envoient des notifications sur le téléphone pour avertir d’une date d’expiration qui approche et ce « coup de pouce » semble efficace. D’autres proposent une photo en temps réel de l’intérieur du réfrigérateur ou un inventaire des stocks alimentaires, utile au moment de faire l’épicerie, … à condition bien entendu de rentrer les données. D’autres encore améliorent la littératie alimentaire des utilisateurs en leur proposant des idées de recettes pour les ingrédients présents ou en les conseillant sur les pratiques de réduction du gaspillage. Les réseaux sociaux, mais aussi les appareils connectés (comme les frigos dits « intelligents »), peuvent être des compléments efficaces pour encourager les bons comportements et les rendre plus faciles à adopter. 

Les enseignements

Si des applications peuvent connecter rapidement et à faible coût des groupes et des individus pour redistribuer de la nourriture, cet article soulève d’autres questions concernant la fracture numérique. Un premier point est évident : l’accès aux technologies et aux réseaux est nécessaire pour que ces applications fonctionnent. Un autre point intéressant concerne la saisie des données permettant aux ménages de suivre l’état de leurs stocks alimentaires. Les applications simplifient le travail des utilisateurs en leur permettant de scanner les code-barres, ce qui exclut de facto la plupart des produits achetés dans les circuits de proximité. Et lorsque quelqu’un cherchera à exploiter les données massives générées par ces applications, ces circuits passeront encore une fois sous le radar. Faut-il s’en désoler ou s’en réjouir ? À chacun de juger.

pdf N°23, fiche n°5 – septembre – octobre 2022

Fiche n°5, Bulletin n°23 – septembre – octobre 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.