Cette note résume des concepts soulevés lors de la 2e phase du processus de recherche-action « Aller du bord de l'exclusion » effectuée par COSMOSS entre 2013 et 2015, dans le but de proposer des moyens et outils pour mieux rejoindre les personnes vulnérables et éloignées des services de soutien.

Des stratégies directes favorisent l'approche de proximité auprès des personnes visées. Ceci peut s’exprimer par des déplacements sur le territoire, des présentations dans les lieux qu’elles fréquentent, l’offre d’activités dans leurs milieux de vie, ou encore la visite de lieux de rassemblement et d’affluence dans les communautés. Les intervenants sont invités à faire partie intégrante de la communauté en s’impliquant et en participant aux évènements du milieu, même si cela suppose de moduler leur horaire pour travailler le soir et les fins de semaine.
Privilégier les contacts personnalisés
Être présent là où elles se trouvent permet de faire connaissance, de les aborder – avec doigté et respect – et de poser les premiers jalons d’une relation qui, éventuellement, procurera la confiance nécessaire à un accompagnement conduisant à des changements favorables.
Pour les répondants, il s’agit de se « déplacer sur le territoire », de les relancer par « un coup de téléphone », de « faire partie des comités », de « participer aux différentes activités qui sont offertesdans la communauté » :
💬 « On peut se déplacer sur le territoire, dans les CLSC la plupart du temps, pour rencontrer la clientèle pour les consultations individuelles, et on fait aussi des rencontres de groupes […] ». (Entrevue 10)
💬 « C’est vraiment de faire partie intégrante du milieu, de faire partie des comités qu’il y a […] C’est d’appeler le président du comité : “est-ce que je peux venir sur le comité avec vous?” ». (Entrevue 7)
💬 « Je vais aussi essayer de cibler les évènements dans un village. Par exemple, l’organisme X fait des cuisines collectives. Donc, je prends les dates de ces cuisines […] ». (Entrevue 2)
Recruter les personnes là où elles se trouvent
Qu’il s’agisse d’offrir la possibilité de s’intégrer à une démarche de création artistique, de participer à un programme de formation, de s’associer aux discussions d’une table de concertation, ou simplement d’engager la conversation dans l’optique d’établir un lien à plus long terme, une condition gagnante pour recruter les personnes visées consiste à se présenter dans les lieux qu’elles fréquentent. Dans le cas par exemple d’un projet d’intégration destiné à des jeunes, le recrutement s’est effectué dans les endroits où ceux-ci se retrouvent.
Dans le même ordre d’idées, un répondant rapporte la trajectoire d’une intervenante en employabilité, spécifiquement rattachée à des jeunes de 16–24 ans, qui « allait prendre un café au resto dans le village du jeune » où elle y croisait également d’autres jeunes. Cette initiative, abandonnée à la suite d’un changement de direction de l’organisation qui l’employait, générait des bénéfices importants.
Choisir d’offrir des cours dans les résidences pour personnes aînées, ou opter pour la tenue de rencontres de concertation dans les endroits où ces dernières vivent, met en place des conditions facilitantes pour rejoindre les personnes concernées. Ces façons de faire commandent cependant des ajustements en conséquence.
💬 « Au lieu de faire nos réunions entre nous, on les fait dans les résidences. Quand on fait laréunion dans la résidence, ils sont là, ils viennent! On est obligé de parler fort, obligé de tous sevoir. Y’a des gens qui viennent avec leur canne, des chaises berçantes, etc. On a des salles totalement vivantes! » (Entrevue 6)
💬 « Ça implique de fonctionner autrement […] Je parlais d’échéance, tout le monde a dû ajuster des choses si on voulait travailler tout le monde ensemble […] C’est pour ça que les outils… Il faut qu’il y ait des outils, pas juste des outils. Il faut qu’il y ait des personnes qui l’aient un peu développé dans leur pratique. Ça demande de travailler autrement ». (Entrevue 9)
Faire partie intégrante du milieu
Les répondants signalent l’importance de s’intégrer dans la communauté afin d’en devenir des éléments familiers et connus, de « faire partie du paysage ». Dans le cas d’un projet-pilote dont les services sont destinés à un groupe cible spécifique, le processus d’acclimatation est clairement identifié :
💬 « La première année, c’est s’intégrer dans le milieu. La deuxième année, c’est faire partieintégrante du milieu, et la troisième année, c’est vraiment la récolte des résultats, compiler lesrésultats des trois ans ». (Entrevue 7)
Si une participation active dans les évènements de la communauté ne se traduit pas à tous les coups par un échange direct avec les personnes visées, cela s’avère néanmoins fréquemment fructueux, ne serait-ce que par les opportunités qu’elle offre d’élargir les contacts et d’encourager l’effritement des barrières avec les gens :
💬 « […] participer aux différentes activités qui sont offertes dans la communauté, la fête desvoisins, des choses comme ça, quand c’est possible. J’y vais pour m’intégrer. Que je fasse partiedu paysage […] ». (Entrevue 11)
💬 « Implique-toi là, tu vas voir, ils vont tous être là, ou ils vont te donner les contacts pour aller lesvoir. Souvent, c’est de l’implication dans le milieu ». (Entrevue 4)
En outre, les moyens utilisés varient selon les conditions dans lesquelles évoluent les personnes àrejoindre. Par exemple, lorsqu’elles vivent dans des milieux où chacun des membres se connaît, ilest souhaité de recourir à des stratégies garantissant, dans la mesure du possible, la confidentialité et l’anonymat de la relation.
Effectuer des visites à domicile
L’aperçu des stratégies mises en place pour atteindre les personnes serait assurément incomplet sans l’évocation de visites à leur domicile. Dans certains cas, les praticiens se rendent chez les personnes dans le cadre d’un programme spécifique :
💬 « C’est facilitant de faire des suivis à domicile dans ce genre de suivi ». (Entrevue 16)
Parfois, il s’agit simplement de cogner à la porte des gens afin de les informer sur les activités et les services offerts :
💬 « Je suis rentrée dans toutes les maisons, toutes celles dont on m’a ouvert la porte, où qu’il yavait quelqu’un, et j’ai laissé des dépliants sur les services [de l’organisation] au niveau des boîtes ». (Entrevue 13)
💬 « Ça, je pense que c’est la priorité, que les gens soient au courant du service, simplement d’aller visiter [les résidences], pas forcément parler de ce qui ne va pas. Mais ça, de faire ça, ça amène les gens à s’ouvrir et de dire que ça va pas bien ». (Entrevue 7)
« Par exemple, je vais chez quelqu’un, mais qu’il n’ouvre presque pas la porte : “non, je veux pas parler”. “Bon, c’est bon, je vous donne ma carte, monsieur”. Deux semaines plus tard, je vais le rappeler, ce monsieur-là : “comment ça va, aujourd’hui”? “Oh, ça va bien”. Il va ouvrir un peu plus, puis ça reste comme ça. Je sais que ce monsieur a un besoin, puis je le rappelle encore une fois, deux semaines plus tard. Là, il est plus ouvert, il va commencer à dire : “j’avais envie de t’appeler la semaine passée”. C’est vraiment petit peu par petit peu ». (Entrevue 7)
Le fait d’être accueillis dans l’espace personnel des gens donne l’opportunité aux intervenants de prendre le pouls exact du « contexte dans lequel ils vivent », tout en posant un « geste de dignité » envers eux.
Sortir durant les même plages horaires
Ainsi que l’ont évoqué des répondants, l’approche de proximité que sous-tendent les moyens cités précédemment ne peut s’instaurer sans un certain réaménagement des horaires et de la structure du travail :
« Il s’en passe des affaires dans ce grand territoire! […] Y’a des activités de soir aussi et de fin de semaine ». (Entrevue 11)
« Quand tu réussis pas, c’est que tu as pas pris le bon chemin, moi je pense ça. Il faut quequelqu’un à quelque part soit capable d’atteindre cette personne. On a pas pris le bon chemin, les bons horaires […] ». (Entrevue 15)
« Par exemple, après des funérailles, y’a plein de plats qui restent, je vais les porter chez une famille, mais des fois, c’est le soir, etc. En tout cas, faut le faire, et c’est pas tout le monde qui est prêt à le faire, mais ça fait partie de ma tâche ». (Entrevue 14)
Des actions comme « sortir le samedi soir », « bruncher le dimanche midi », « passer deux heures » au restaurant avec une personne et s’impliquer dans des réunions qui se terminent « à minuit » sont quelques exemples où les intervenants doivent disposer d’une marge de manœuvre en termes d’aménagement de travail.

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