PETIT MANIFESTE À LA FAVEUR DE LA MUSIQUE

Si l’agriculture est vitale, et en cela la démonstration n’est pas à faire, la musique, elle, est essentielle à la vie bien que nous devions encore, hélas, en débattre.

En ce sens, avant de partager avec vous mon rêve quant à la place que pourrait occuper encore davantage la musique dans le paysage camillois, j’étaierai la thèse de mon rêve, tout aussi invraisemblable que cela soit quand même étayer la thèse d’un rêve…, en faisant appel à trois sources d’univers distincts soit le domaine des arts, de la science et de la législation qui témoigneront, il va sans dire, en la faveur de mon partie pris pour la musique.

En référant au milieu des arts, tout d’abord, voici ce qu’affirmait le metteur en scène François Girard lors de l’entretien qu’il accordait il y a quelques mois à la revue l’Opéra.1

« Je conçois la musique comme un lieu de rencontre. Un lieu où l’humanité se retrouve. La musique n’est-elle pas le véritable espéranto ? »

Et il poursuit…

« C’est une forme d’expression qui traverse les frontières et touche les cœurs, qui nomme les choses que ni le français, ni l’anglais, ni le mandarin ne peuvent nommer. La musique demeure le plus puissant des langages. »

En ce qui a trait à la science, j’appellerai maintenant à la barre, Isabelle Peretz, cofondatrice du laboratoire international pour la recherche sur le cerveau, la musique et le son, situé à Montréal,  et titulaire de la chaire de recherche du Canada en neurocognition de la musique. En fait, son témoignage prendra la forme de sept assertions glanées dans « Apprendre la musique » qu’elle a fait paraitre en 2018

1. À l’égal du langage, la musique existe dans toutes les formes de sociétés humaines que l’on a pu retracer jusqu’à ce jour. p 5
2. La pratique musicale raffine l’activité cérébrale. p 44
3. La musique procure un plaisir qui n’a pas d’égal, p 9
4. Car oui, c’est anormal de ne pas aimer la musique. p 83
5. Certains pensent même que le chant choral est une grande caresse collective qui libère des endorphines dans le cerveau et diminue les hormones de stress. Plus la chorale est large, plus le plaisir est grand et le sentiment d’appartenance renforcé.  p 90
6. Chanter dans une chorale, bouger ensemble au son de la musique, ou encore faire de la musique d’ensemble favorisent la cohésion sociale. p 100 »
7. « Ce plaisir de communion que procure la musique nous ramène probablement à la raison d’être de la musique. » p 100

Je reviendrai plus loin à propos de l’idée de « communion ».

Sur le plan législatif, cette fois, tournons vers la Suisse. Quant on pense que chez nous, il y a encore qq mois, on annonçait la disparition de l’institution que représente Les Petits chanteurs du Mont-Royal, il faut se rappeler qu’en 2012, la Suisse, elle, érigeait en droit fondamental l’éducation musicale pour chaque enfant en inscrivant tel quel ce droit dans sa constitution.

Voilà pour tenter de convaincre de la valeur essentielle de la musique.

Plus personnellement, je dirai que le partage de la musique constitue pour moi l’un des plus puissants moments de communion qui soit. Et cette communion, ressentie, constitue, toujours selon moi, une pierre d’assise de l’identité, de l’altruisme, de l’harmonie et donc du bien vivre ensemble. Et ces occasions existent déjà à Saint-Camille.

Ainsi, comme dans des centaines d’écoles à travers le Québec, vendredi dernier, à Saint-Camille, la musique était indissociable de la marche pour la Terre. Au départ, les enfants du primaire ont donné le ton en interprétant Nous avons marché d’Elisapie Isaac sur le parvis de l’église. Puis, cette marche a pris fin avec BRAVO MONSIEUR LE MONDE de Fugain que toutes les personnes présentes ont pu chanter, ensemble, dans un même souffle, une même vibration.

Et quand au Marché de Noël, sur la galerie du P’tit Bonheur, nous entonnons l’un après l’autre les chants de circonstance, nous témoignons de notre appartenance à la même communauté, nous nous ouvrons l’un à l’autre, nous éprouvons le bien-être du vivre ensemble.

Et il en est à nouveau de même lorsqu’entre parents, amis et voisins nous passons une soirée à vibrer ensemble en chantant, en marquant le rythme avec nos mains, nos pieds, nos corps entiers, tandis que tout objet devient percussion.

Il y a deux ans, lors de la Journée des Cordes3, nous avons créé une chorale éphémère accompagnée par un orchestre de trente musiciens sous la direction d’un chef réputé. Ici même, dans cette enceinte, enfants, parents et grands-parents, amis, voisins et inconnus mêlent alors leurs voix et leurs cœurs le temps d’une chanson devant un public médusé tout autant que les choristes eux-mêmes. L’an prochain, nous serons 40 et d’ici peu, plus de 100, c’est promis, je ne rêve pas.

Mais je rêve encore que nous trouvions les moyens d’offrir aux élèves de notre école primaire le bonheur d’assister à un concert par année. Un concert de musique classique créé à leur intention afin de leur permettre de découvrir ce répertoire désormais absent de notre environnement. L’idée n’est pas d’en faire des fans de Chostakovitch : nul n’est besoin d’aimer la musique classique au sens large, et c’est moi, mélomane fini qui le dit. L’important c’est la musique en général. Mais nous avons le devoir de permettre aux enfants de découvrir Bach, Mozart, Beethoven, Ravel et les autres afin de permettre à celles et ceux qui vibrent à ce type de répertoire  puissent en faire seulement la découverte. L’année dernière, à la sortie d’un concert, une mère m’a confié à propos de son fils qu’à la fin d’une pièce de musique celui-ci lui avait dit : « Maman, le  violoncelle, il chante dans mon ventre! ». Moi, la seule pensée qu’un enfant ait pu éprouver cette sensation, me chavire. Cet été, encore, lors de la Journée des Cordes, un autre petit bonhomme emporté par la musique, bien installé derrière le chef d’orchestre battait avec extravagance la mesure en suivant avec passion le moindre geste de celui-ci. Oui, nous avons le devoir de permettre aux enfants d’éprouver émotions semblables.

Je rêve aussi qu’un jour, 3 samedis sur 4, jeunes et moins jeunes puissent vivre une complète journée dans l’univers de la musique où il serait possible de suivre un atelier selon l’instrument de son choix, un atelier de musique d’ensemble, un atelier de chant choral, un atelier de solfège, etc.

Je rêve enfin que chacun, chacune, selon ses talents, ses intérêts, indépendamment de son milieu social, de ses revenus, de son niveau de scolarisation, puissent s’exprimer à travers la musique, entrer en relation avec les autres par le biais de la musique, découvrir et ressentir le monde au son de la musique. 

Jean-Pierre Harel

jeanpierreharel@hotmail.com

Atelier des Savoirs partagés, Saint-Camille, 04 10 19

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En ouverture : projection d’une photo prise le 26 setpembre j2019, à Saint-Camille, lors la marche pour le climat, par Sylvain Laroche

En fermeture : projection d’un extrait du rassemblement  d’une foule hétéroclite dans un hangar, à Toronto et qui chante Hallelujah de Leonard Cohen animé par Rufus Wain wright https://www.youtube.com/watch?v=xJCi-7wohBw (03 :15 à 05 :42)

[1] François Girard, entretien accordé à Daniel Turp et Gabrielle Prud’homme., L’Opéra, Revue québécoise d’art lyrique. » p. 13, no 20-  ÉTÉ 2019

[2] Peretz, Isabelle, Apprendre la musique, nouvelles des neurosciences, Éd. Odile Jacob, 2019, 156 pages

(3) Depuis 2015,  la Journée des Cordes a lieu à la mi-août et rassemble des cordistes amateurs et professionnels de tous âges et de partout à travers le Québec pour le plaisir de jouer ensemble du répertoire classique. Le matin, il y a répétition. L’après midi, répétition publique et vers 16 h 30, un petit concert de 30 à 40 minutes. À cet ensemble se joint une chorale éphémère constituée.