S3.7 Cartes levier 4 (auto-organisation)

Par les différentes structures et modes d'organisation, individuels ou collectifs, que nous avons mis en place au fil du temps, un système complexe comme celui du logement a vocation à se perpétuer. Nous participons tous et toutes à sa stabilité dans le temps, le plus souvent sans le vouloir. Un système est par définition résistant au changement. Nous le savons bien, comme la "crise environnementale", la crise du logement ne date pas d'hier et toutes les solutions que nous essayons, depuis des décennies, pour la combattre, n'y changent visiblement pas grand-chose.

Le levier 4 ("Auto-organisation") regroupe des solutions qui nous amènent à être moins sur le pilote automatique ou dans l'attente que les solutions à nos problèmes viennent d'ailleurs. Il conforte nos capacités à nous débrouiller par nous-mêmes, à tirer partie des atouts particuliers d'un territoire et des évolutions de la situation, au fur et à mesure qu'elles interviennent, qu'elles nous soient favorables ou non.

Bref, les solutions de type levier 4 sont des solutions qui aident à liquéfier (un peu) le cristal qui nous enferme dans des fonctionnements de plus en plus comptables, déconnectés du réel et de la richesse de la vie. Ce sont des solutions qui nous aident à être "résilients".

La pandémie récemment vécue nous l'a bien montré, l'irruption de l'inattendu est toujours possible et, quand elle arrive, on peut bien tenter d'en tenir davantage compte pour s'en aller (un peu) ailleurs (*). Car prendre le risque d'essayer quelque chose de différent c'est la meilleure manière de se transformer pour se rapprocher des vraies solutions à nos problèmes de fond.

Ce type de levier devrait bien sûr requérir toute notre attention car des surprises nous en aurons, hélas, de plus en plus.

Ce n'est malheureusement pas ce que nous observons jusqu'à présent. Aborder la question du logement sans pour autant mettre de côté celle de la "transition", ne semble toujours pas aller de soi. Mais ça pourrait changer rapidement puisque "nécessité fait loi", paraît-il.

Aujourd'hui, confronté-es chaque jour davantage à nos imprévoyances (inondations, feux, tornades, vétusté accélérée, rareté des matériaux ou de la main d'oeuvre qualifiée, etc), nous espérons encore pouvoir échapper individuellement et collectivement à la "désorganisation" totale. Si nous y arrivons, c'est certainement que nous aurons réussi à rester pleinement vivants, c'est-à-dire aussi en prise que possible avec le réel, ni désorganisés ni figés dans des fonctionnements d'une époque qui n'est plus la nôtre.

L'espoir c'est que nous reconnaissions, individuellement et collectivement, que nous avons absolument besoin d'organisation mais AUSSI, et de plus en plus, de flexibilité et d'inventivité (auto-organisation). C'est notre conviction : l'engagement et la créativité citoyenne ne sont définitivement pas quelque chose dont nous pouvons nous passer dans les conditions très incertaines qui sont désormais les nôtres.

Comment pourrions-nous amplifier notre agilité individuelle et collective à nous loger/protéger pour rester pleinement vivants ?

Il faudrait se poser sérieusement la question. On peut penser en effet que ce ne sont pas seulement nos logements qui font et feront notre sécurité individuelle et collective mais bien AUSSI notre capacité à renouveler en continu nos modes d'habiter en sécurité. Quand on n'a plus de toit, ce qui protège c'est toujours nos réserves intérieures et nos liens avec d'autres, humains et non-humains. Un foyer ce n'est pas 4 murs mais un environnement favorable pour se ressourcer et pouvoir ainsi continuer à grandir.

La qualité de notre engagement personnel et notre capacité à tirer partie de l'intelligence collective sont donc plus que jamais essentiels. La première étape pour arriver à actionner davantage des solutions de niveau 4, c'est sans doute de ralentir pour regarder les choses d'un peu plus près et pouvoir prendre le temps de nouer de nouveaux liens.

C'est précisément ce que propose le jeu dans sa version gardien/gardienne.

DESCRIPTION DU LEVIER ET EXEMPLES

Levier 4 : L'auto-organisation. La capacité d'accroître, de modifier ou de faire évoluer la structure d'un système

Renouveler et soutenir les formes de réseaux de soutien :

  • Dans Ville-Marie, programmes permettant de trouver des logements ou garder dans leurs logements des locataires en difficulté pour leur éviter l'itinérance pilotés par la Mission Bon Accueil et la Maison du Père qui ont permis de sortir de la rue 400 personnes pour 11 000 $ par personne. Principe : on établit un lien de confiance avec des propriétaires y compris en leur offrant des garanties. On peut aussi rembourser les dettes de loyer impayé auprès des propriétaires. L’organisme concocte ensuite un montage financier pour permettre aux locataires démunis de payer leurs factures tous les mois avec un assemblage de subventions, comme les suppléments au loyer et l’aide sociale.
  • Mettre en place des réseaux d'entraide Universités-partenaires pour aider les étudiants à se loger comme au Saguenay Lac St-Jean.
  • Financement participatif lié au logement. Par exemple, comme en France, un groupe de citoyens finance pendant quelques années le loyer d'un demandeur d'asile.
  • Étendre les systèmes de protection de la jeunesse à la question des personnes aînés en difficulté (avec des compensations financières semblables). Idée du ministre responsable des services sociaux Lionel Carmant.

Soutenir l'auto-construction et la construction participative :

  • Tout ce qui permet de construire, aménager et réparer soi-même avec créativité.
  • Sur le modèle de la France (loi ALUR, 2014) et de l'Allemagne, soutenir l'auto-promotion. Le principe de l’autopromotion consiste à faire d’un groupe de citoyens les maîtres d’ouvrage d’un projet d’habitation. Le concept s’oppose donc au « clé en main». Les membres sont impliqués dans la réalisation des grandes orientations concernant le projet, en s’assurant qu’il réponde à leurs besoins, sans pour autant prendre en charge la construction. L’autopromotion permet de mutualiser les coûts de développement d’un projet et d’économiser sur certains services offerts par un promoteur privé (notamment la mise en marché). La démarche contribue également à créer des milieux de vie adaptés aux besoins des personnes qui l’occupent. Ce type de projet contribue aussi à bonifier la mixité sociale et d’usage (22/87).
  • Co-construction des projets par les parties prenantes sur le modèle de la Maison du développement durable ou du projet d'éco-quartier Louvain-Est. La mise en œuvre repose sur une structure de gouvernance partagée qui intervient tout au long du projet. Les acteurs communautaires agissent comme parties prenantes du projet tout au long de sa réalisation et non seulement à titre consultatif à certaines étapes ponctuelles (23/87).
  • Bureau de projet partagé entre les acteurs publics et les organismes locaux. Dans le cas du projet Louvain-Est, ce bureau rassemble l’organisme Solidarité Ahuntsic – qui milite depuis plus de 10 ans pour une requalification au profit du bien commun du site Louvain Est –, l’arrondissement Ahuntsic Cartierville et la Ville de Montréal (24/87).
  • Permettre de plein droit les unités d'habitation accessoires (UHA) et autres mesures de densification douce par et pour les habitants (33/87) et (85/87).
  • Développer l'habitat multigénérationnel pour s’adapter aux besoins évolutifs des gens et favoriser ainsi la stabilité résidentielle. La maison évolutive (Grow Home) est un modèle architectural de maison conçu par Avi Friedman (6000 unités à Montréal) afin d’offrir un espace de vie compact et évolutif pour les différentes étapes du cycle de vie d’un ménage dans un même logement. Permet aux gens de modifier eux-mêmes leur maison ou d'y ajouter un étage (81/87).
  • Développer le cohabitat, un regroupement de ménages mutualisant ses ressources pour concevoir, réaliser et financer ensemble leur logement, au sein d’un bâtiment collectif. Soutenu par des organismes comme https://villageurbain.org/ (depuis 2013) ou https://www.lykka.org/fr

Mieux repérer et soutenir les formes nouvelles d'habiter :

  • Toutes les mesures qui vont dans le sens d'une flexibilité de l'usage résidentiel et d'un maximum de confort dans un minimum d’espace (82/87).
  • Mesures facilitant l'habitat alternatif (par exemple un zonage micro-maisons...)
  • Mesures facilitant de nouveaux cohabitats (par exemple momunes, aînés/étudiants, aînés/fermiers...)

Soutenir la capacité d'utiliser et habiter l'espace public dans de meilleures conditions :

  • Lorsqu'on n'a pas d'autres choix, faciliter, sécuriser les campements au lieu de les détruire
    • Comme à Halifax depuis 2022, "emplacements désignés" permettant aux personnes dormant dans la rue d'y rester dans une tente ou dans un motorisé. À mesure que de plus en plus d’espaces d’hébergement intérieur et d’options de logement avec services de soutien sont disponibles, ces parcs ou emplacements sont fermés, déclassés et redeviennent des espaces destinés à tous. La municipalité s’assure également que chaque emplacement désigné ait des toilettes portables, une collecte des déchets, une distribution d’eau en bouteille et un entretien saisonnier, en plus de mettre en lien leurs résidants avec les ressources existantes.
    • Comme à Saskatoon depuis 2021, traiter de la même façon les personnes en situation d’itinérance et les sinistrés d’un incendie. 2 inspecteurs du service de police se consacrent à temps plein aux résidants des campements, avec un roulement des inspecteurs chaque semaine. Ces derniers établissent un lien de confiance avec les résidants, les mettent en contact avec les ressources nécessaires et s’assurent d’éliminer tout risque d’incendie au sein des campements. On met de l’avant la collaboration avec les résidants des campements en leur permettant d’y rester tant qu’ils acceptent d’accéder aux services proposés. Dans le cas contraire, une date est convenue avec eux pour qu’ils quittent les lieux. On s'assure que les personnes aient de l’eau potable et des collations. En cas de températures extrêmes, système de transport vers des endroits où il est possible de se réchauffer ou d’être au frais.
    • Comme en Colombie Britannique, à Peterborough, Halifax et Québec mise à disposition "d'unités de couchage/minimaisons/abris préfabriqués (type "Beacon House Shelter" , "Pallet Shelter Inc."...). Comme les refuges, ces unités sont louées avec des règles qui excluent toutefois certaines des personnes en situation d’itinérance. Ressources de soutien à examiner de près : travailleur social, conseiller en santé mentale disponibles quelques fois par semaine, bénévoles issus de groupes religieux et communautaires pour préparer des repas...
  • Mieux soutenir l'auto-organisation et les propres solutions des personnes en situation d'itinérance.
  • Donner accès à des cuisines collective, des adresses, des moyens informatiques de communiquer, des toilettes et douches, haltes chaleur et fraicheur et autres services comme ceux d'Exeko ... 

CONTINUER AVEC LE LEVIER SUIVANT - L'OBJECTIF (3)

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Note (*) : Pour illustrer ce propos, voici 2 notes documentant un exemple concret d'impact de la pandémie sur la capacité d'évoluer d'un service de la Grande Bibliothèque à Montréal : a) pousser à l'auto-organisation (2020) b) pousser à ouvrir son coeur à la différence et à accepter de s'aventurer avec d'autres en terrain inconnu (2023).

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Jeu "J'habite ici" - Centre-Sud/Hochelaga-Maisonneuve
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Intégré par Pascale Félizat, le 18 juillet 2024 09:25
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Solutions

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Publication

18 juillet 2024

Modification

12 décembre 2024 16:32

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Pour citer cette note

Pascale Félizat. (2024). S3.7 Cartes levier 4 (auto-organisation). Praxis (consulté le 19 janvier 2025), https://praxis.encommun.io/n/AVhz7rl3C5JiXAs4BPFzDMwW2u4/.

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