Il est devenu courant pour de nombreux acteurs et observateurs des systèmes alimentaires d’associer les termes « sains » et « durables » pour qualifier ce que devraient être les systèmes alimentaires à l’avenir. C’est en particulier le cas des sciences qui s’intéressent à la nutrition et qui font une promotion active d’une alimentation saine et durable. Dans cet article, des chercheuses et chercheurs en alimentation et nutrition, constatent d’une part que la durabilité des systèmes alimentaires est souvent abordée sous l’angle exclusivement économico-environnemental, et d’autre part qu’ils en savent bien peu sur le 3ème pilier : la durabilité sociale, principalement du point de vue des agricultrices et des agriculteurs, pourtant principaux acteurs d’une production alimentaire durable.
Cinq thèmes principaux ont émergé des entretiens avec 52 agricultrices et agriculteurs provenant de six provinces canadiennes. En premier lieu, ces personnes soulignent l’importance d’avoir un cercle social et une communauté bien établie afin d’y être représentées, entendues et soutenues. Ce lien fort avec sa communauté semble également pertinent pour le deuxième thème qui concerne les perceptions négatives que peuvent avoir les citoyens face à l’agriculture, un enjeu social très important pour les producteurs. En troisième lieu, les participant.es indiquent qu’un accès adéquat aux réseaux de télécommunication est essentiel à la durabilité sociale des activités agricoles, puisque cela leur permet d’être plus aisément en lien avec le monde extérieur et de briser l’isolement que plusieurs producteurs vivent. Le quatrième thème concerne l’une des particularités du métier d’agriculteur : la proximité étroite entre la vie personnelle et la vie professionnelle, un aspect social qui peut parfois se transformer en enjeu lorsque la frontière devient trop floue. Le cinquième thème abordé correspond aux enjeux de santé mentale que vivent les producteurs agricoles et qui sont exacerbés par les autres problématiques sociales auxquelles ils font face. Pour les auteurs, promouvoir un système alimentaire « sain et durable » suppose de bien saisir les perceptions des agriculteurs à propos de la durabilité sociale et de contribuer à les faire connaitre et comprendre auprès de la population.
Les enseignements
Liens communautaires et qualité de vie font partie des indicateurs couramment retenus dans les grilles d’analyse de la durabilité sociale en agriculture. Outre le stress attribuable aux incertitudes économiques et climatiques, la solitude et le sentiment d’être mal compris ou stigmatisé contribuent à créer un environnement social précaire où la distance se creuse entre les acteurs du système alimentaire. L’article ne mentionne pas l’agriculture de proximité, mais on peut rappeler que par sa vocation même, elle contribue à rompre l’isolement et s’inscrit de façon étroite et positive au sein de sa communauté. En revanche, l’interpénétration du professionnel et du domestique y apparait souvent plus forte, une dimension à avoir en tête lorsque, par exemple, on décide d’accueillir des clients à la ferme.
pdf N°33, fiche n°4, juin – juillet 2024
Rédaction : Marilou Ethier, Patrick Mundler
Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)
