Critique du solutionnisme dans la « résolution » des enjeux sociaux et environnementaux

Par Yann Pezzini | "Les milieux de l’impact et du systems change sont (...) limités par deux impératifs paradoxaux: celui de générer de la transformation sociale profonde ; et celui de générer des solutions « apolitiques », pragmatiques et jugées comme efficaces par le(s) système(s) actuel(s). Transformer, mais sans faire de vague, et sans sortir de la rationalité dominante (c’est-à-dire la manière de penser dominante, ce qui est considéré comme raisonné, raisonnable, logique, voire naturel).

Critique d’une idéologie du perfectionnement

  • Pour les acteurs des systèmes dominants: l’heure est à l’action et aux solutions
    • ​" En résumé : il y a des crises, et on veut les « résoudre » ou les « gérer ». Comment ? En accélérant le déploiement de solutions. Quelles solutions ? Celles qui sont les plus efficaces, pragmatiques, raisonnables, rassembleuses."
  • "Ce cadrage révèle une idéologie gestionnaire (ou managériale), techniciste, déconflictualisée et supposément apolitique des enjeux
    • [qui] sont traités avec les codes/outils de la gestion et de l’innovation, dans un univers où l’expertise, le pragmatisme et l’efficacité permettent d’évacuer le politique"
  • "Or, les enjeux sociaux et environnementaux sont politiques
    • Il y a de la conflictualité et des choix de société qui sous-tendent le passé, le présent et le futur de ces enjeux. C’est la première chose à reconnaître."
  • "l’idéologie solutionniste masque la dimension conflictuelle et politique des enjeux, et empêche la délibération sur les choix de société que l’on est en train de faire à travers ces solutions."
    • "les acteurs dominants « solutionnent » les crises sans avoir à expliciter les choix, arbitrages, positionnements, idéologies et visions du monde qu’ils défendent. Nul besoin d’ouvrir ce débat, car on souhaite simplement régler des problèmes, réaliser des interventions techniques "
  • L'idéologie solutionniste donne l'illusion qu'il faut (et qu'on peut) réparer ou sauver le système actuel 
    • "cela donne l’illusion qu’il y a quelque chose à réparer ou à corriger dans le système actuel, alors que non, [le système actuel] fonctionne parfaitement selon les logiques qui lui sont propres"
  • Or nous avons besoin de changer les logiques fondatrices de nos sociétés
    • "nous sommes dans une impasse et nous avons besoin de sortir de la trajectoire actuelle, et de changer certaines logiques fondatrices de nos sociétés qui détruisent et compromettent la vie sur terre (notamment ses logiques d’appropriation et d’administration du vivant). C’est la deuxième chose à reconnaître."
  • "Gérer" la crise VS "bifurquer" vers une autre société
    • "En résumé : on veut tous atténuer les crises écologiques en cours, mais certains veulent « gérer » ces crises et continuer à perfectionner notre modèle de société ; tandis que d’autres veulent rompre avec cette idée et bifurquer vers une société solidaire, sobre et émancipée. 
  • Nous avons besoin de débattre ouvertement et de laisser place aux différents
    • "Cela requiert notamment d’abandonner la recherche hâtive du consensuel et du rassembleur, et laisser plus de place au dissensus et aux divergences. C’est là que se révèle ce qui est en jeu, réellement."
  • Nous avons besoin de remettre l'incertitude au coeur de la démocratie
    • "Pour Bruno Latour —qui propose de « cartographier les controverses », c’est-à-dire de décrypter « les points de friction dans notre vie collective, […] et suivre les coalitions qui se forment (et se déforment) au gré des débats —, il s’agit de « replacer l’incertitude au cœur de la démocratie, en sortant de la dissociation artificielle entre la science (qui serait en charge de dire le vrai) et la politique (qui serait en charge de dire le bon) »"

Éléments de réflexions pour les acteurs de changement

  • L'auteur propose quelques pistes de réflexion pour prendre du recul face à certains éléments de discours couramment entendus, tels que
    • « Ici, on ne parle pas politique »  
    • « Nous, on est pragmatiques »
    • Faire plus ? Faire partie de la solution ?
    • Des solutions rassembleuses ?
    • Des grandes solutions ?
    • Miser sur son chapeau professionnel (vs citoyen) ?

3 éléments de repères pour les acteurs de changements

  • "faire preuve d’humilité, en reconnaissant que les réponses proviennent aussi (et surtout) des sphères non professionnelles"
  • "être solidaires avec les luttes citoyennes, contribuer à dé-techniciser et la démocratiser le débat sur le « monde d’après »"
  • "laisser de l’espace à des pluralités radicalement différentes du modèle dominant et consolidé"

Éviter le piège du solutionnisme

  • "ce n’est pas « ne rien faire ».
  • C’est « être, apprendre et agir ensemble » dans un horizon de sortie des logiques responsables de la destruction/oppression massive.
  • C’est construire des alternatives en lesquels on croit, décider ensemble de ce que nous voulons, mais en continuant de se battre contre l’idée d’un système optimal, englobant, centralisateur"

http://innovationsocialeusp.ca/crits/blogue/critique-du-solutionnisme-dans-la-resolution-des-enjeux-sociaux-et-environnementaux?

bookmark Terme(s) relié(s)

padding Carnet(s) relié(s)

file_copy 102 notes
Métamorphose socioécologique - Enjeux, leviers et stratégies
file_copy 102 notes
person
Intégré par Équipe En commun, le 28 mars 2023 14:54
category
Bouleversement et urgence climatique, Réfléchir

Auteur·trice(s) de note

forumContacter l’auteur·trice

Communauté liée

Transition socio-écologique

Communauté Passerelles

Profil En commun

forumDiscuter de la note

Publication

19 octobre 2022

Modification

24 août 2023 15:04

Historique des modifications

Licence

Attention : une partie ou l’ensemble de ce contenu pourrait ne pas être la propriété de la, du ou des auteur·trices de la note. Au besoin, informez-vous sur les conditions de réutilisation.

Visibilité

lock_open public