Le Groupe du coin: pour un financement communautaire

Objectif du projet

Le Groupe du coin est une forme de financement communautaire qui a été initiée par des citoyen·nes de Saint-Camille. L'objectif est d'acquérir des bâtiments stratégiques du village, lorsqu'ils sont mis en vente, afin de s'assurer que leur usage demeure au bénéfice de la communauté. Le Groupe du coin n'opère pas les projets, mais il offre du temps (de quelques mois à quelques années) pour permettre aux groupes citoyens de s'organiser et d'aller chercher du financement.

Émergence du projet

Devant la détérioration du magasin général, situé au coeur du village, un groupe a eu peur que la bâtisse soit achetée par n’importe qui. Le Groupe du coin s'est alors constitué pour acqérir le bâtiment patrimonial et ainsi, s'assurer qu'il demeure au service de la collectivité.

Au départ, ce sont donc 4 personnes qui se sont mobilisées pour acheter le magasin. Ils ont repris l’hypothèque en réalisant un investissement initial de 1200$ chacun. Par la suite, de nouvelles personnes se sont jointes au groupe. Le Groupe du coin nous n'est pas un opérateur, mais il soutien le démarrage des projets, il initie des idées en attendant qu'un OBNL prenne en charge les opérations.

Retombées

Création du P'tit bonheur

Le P'tit Bonheur est aujourd'hui un espace multigénérationnel à vocation communautaire et culturelle.

Sauvegarde l'épicerie du village

Le Groupe du coin a demandé à la MRC de créer un schéma d’aménagement qui permettrait d'améliorer la situation du village. Cette démarche a permis de reconnaître le cœur du village comme un élément important du patrimoine bâti du territoire. Cette reconnaissance a été un élément important pour la survie de plusieurs bâtiments, et notamment, de l'épicerie dépanneur: Épicerie Sonia

En effet, ce dernier avait des caractéristiques patrimoniales et c'est la mise en place de cette reconnaissance qui a assuré la conservation de son aspect patrimonial.

Sauvegarde du presbytère et la création d'une coopérative d'habitation pour aîné·es

Le Groupe du coin a récupéré l'ancien presbytère du village à un prix modique. Ils en ont pris soin pendant 2 ans afin de laisser le temps à la communauté de s'organiser pour transformer le lieu en coopérative d'habitation pour personnes aîné·es.

Avec le soutien du CLD, une coopérative de solidarité a été fondée. Le financement a été assuré par une participation substancielle de la communauté ainsi que par la Caisse populaire Desjardins qui a fourni des fonds importants pour animer un groupe d’entrepreneurs. En plus du presbytère, ce sont 5 nouveaux bâtiments qui ont été construit, et ce, en respectant l’aspect patrimonial du presbytère.

Aujourd'hui, la Coopérative de solidarité La Corvée permet de loger 20 à 30 personnes (principalement âgées) et assure une implication active des personnes aîné·es dans la vie du village.

Émergence de Culture'Innov

La coopérative Cultur'Innov se spécialise dans le développement de cultures innovantes et émergentes au Québec et a été soutenu initialement par le Groupe du coin.

Éviter des guerres de clans

Des initiatives comme le Groupe du coin, permet d’éviter les guerres de clan, parce que les projets ont le temps de se construire avec la communauté.

Facteurs de succès

• Refuser la fatalité
• Changer de paradigme
  • Arrêter d'attende après l'État et se prendre en mains
• Accepter les idées qui nous viennent d’autres personnes
• Acheter rapidement
  • Si on n'avait pas acheté rapidement, on aurait perdu plusieurs bâtiments
• Donner du temps aux projets
  • Pour finaliser une idée, ça prend du temps, parfois des mois, voire des années
  • Il faut être capable de supporter le temps, de supporter le crédit
• Développer un rapport de force face à l'État
  • Il ne faut pas avoir peur de refuser des petites subventions pour attendre et exiger un financement global et structurant.
  • Quand on négocie avec un État, il faut travailler le rapport de pouvoir dès le départ, montrer dès le départ que tu ne négocieras pas sur certains éléments clés.

Conseils et recommandations

La révolution tranquille a été nécessaire, mais l’État nous a infantilisés et nous a fait perdre notre réflexe de se débrouiller avec ce qui était autour de nous. 

Nous avons besoin de nous autonomiser de l'État. Les États ne sont pas bons pour gérer la micro-économie. C’est à nous à se prendre en main.

Nous avons besoin de se réapproprier notre capacité à s'organiser nous-mêmes. Combien d’entre-vous connaissez les forces des gens qui vous entourent? Ce qui n’est pas fait, il faut le faire avec les outils qu’on a autour de nous.

Il faut commencer par faire un inventaire de l'ensemble de la population:

• Qu'est-ce que tu fais?
• Qu’est-ce que tu sais faire?
• Qu’est-ce que tu voudrais faire?

Quand on connait nos ressources, on peut se mobiliser et bâtir ensemble.

Période de questions

Quelle est la forme juridique du Groupe du coin?

On a créé une compagnie privée: donc on n'a pas besoin de faire 40 tours de roue pour prendre une décision. Cette agilité nous permet de bouger rapidement quand une opportunité se présente.

Comment les ententes sont-elles prises avec les OBNL-opérateurs?

Nous prenons des ententes à l’amiable avec les OBNL-opérateurs. Le prix de vente est fixé à partir de l’évaluation municipale. Le but n’est pas de faire de l’argent (ce n'est pas d’en perdre non plus !). Le prix de vente est fixé selon le prix d’achat + les investissements réalisés + 1-2% pour compenser le temps de soin. 

Quels sont les critères pour choisir un projet?

Il doit y avoir un minimum de possibilités de réussite du projet. On prend un risque calculé. Ce ne sont pas tous les projets qui ont fonctionnés. Par exemple, dernièrement il y a eu un projet de garderie qui n’a pas fonctionné. Néanmoins, le Groupe du coin n’a pas été perdant, car il va revendre la maison acquise à une nouvelle famille qui arrive au village.

Pourquoi ne pas supporter des entreprises privées?

Parce que pour l'instant, ça ne nous a pas été demandé.

Comment vous avez procédé pour recruter d’autres gens? Comment la logistique fonctionne quand le nombre d’actionnaires change?

Pour entrer dans le groupe on dépose 1200$, quand on quitte on récupère 1200$

Quel est votre capacité d’investissement?

C’est l’addition du pouvoir d’emprunt de chacun des membres. Autrement dit, la capacité d'investissement équivaut à la somme des cautions personnelles de chaque actionnaire. Chaque membre porte ses actifs en garanti dans le groupe.

On constate que ça devient de plus en plus difficile d'emprunter. Au départ, cautionner un prêt était facile. Avec Desjardins, on doit maintenant mettre le double de caution. Plus une organisation est grande, plus elle devient déconnectée de la réalité.

Comment se passe la gouvernance du groupe? Comment vous prenez des décisions?

Ça dépend des projets. Parfois, un projet se présente à nous avec une demande. Parfois, on achète, pis on se dit que y’a un projet qui va se faire. On se parle. Ça se fait assez vite. C’est ça l’avantage d’une compagnie privée.

Il y a beaucoup d’intuition, comment on sent le projet, est-ce qu’on a confiance dans le porteur, est-ce que la communauté va bien recevoir le projet.

Dans mon coin, il y a peu d’envie pour le risque, peu de capitaux. La municipalité devient la seule organisation qui peut prendre du risque ou avancer des capitaux. Est-ce que les municipalités doivent en faire plus?

Oui, elles doivent en faire plus. Il faut supporter l’émergence d’initiatives et des porteurs de projets. C’est beaucoup plus facile aujourd’hui de faire des emprunts pour agir.

À Saint-Camille, il y avait un consensus autour de tous les projets. D’un projet à l’autre, au fil des années, la confiance s’est construite.

Témoignage des participant·es

Jacques Proulx j'ai bien apprécié le personnage. J'ai trouvé ses propos très inspirants!

"Faire l'inventaire de la population" j'ai trouvé ça vraiment intéressant. Aller voir ta communauté et demander à chacun "Qu'est-ce que tu sais faire?" "Qu'est-ce que tu as envie de faire ?" et de se servir de ça pour créer un répertoire des ressources potentielles d'une communauté.

"Faire de l'extraordinaire avec du banal" en créant un fond communautaire citoyen qui permet de protéger et des mettre des bâtiments à la disposition de la collectivité. Alors qu'on manque d'infrastructures collectives, c'est un moyen d'aller de l'avant et de s'organiser sans attendre après nos gouvernements.

- Marie-Ève Lavoie

Pour en savoir plus:

Larose, Gaëtane (2019). ‘Investisseurs à vocation humaniste’, Le Babillard, Municipalité de Canton de Saint-Camille, Septembre, octobre, novembre 2019, p.5. En ligne :  https://saint-camille.ca/wp-content/uploads/2020/07/babillard_sept-oct-nov_2019_-_projet-2-compresse_0.pdf

Plus largement, sur la contribution du Groupe du Coin au développement de Saint-Camille:

Champagne, Christine (2012). « Développement écovillageois et renouvellement de l'habiter rural : le cas de Saint-Camille au Québec », Mémoire. Cahier du CRISES TM1201, pp.120-122.

Dufresnes, Caroline (2014). « Une communauté apprenante, innovante et solidaire : le cas de Saint Camille comme modèle porteur dedéveloppement rural », Mémoire, Cahier du CRISES TM1401, pp.47-50.

Langlois, G. (dir. J.-P. Girard et B. Lévesque). (2004). La Coop de solidarité en soins et services de Saint-Camille et son impact sur la cohésion sociale. Cahiers du CRISES ES0409.