La rencontre de la communauté de pratique (CoP) en santé mieux-être au travail du Bas-Saint-Laurent a permis de discuter des enjeux liés aux risques psychosociaux (RPS) en milieu de travail. La présentation de Denis-Alexandre Nadeau, de la CNESST, a mis en lumière l'importance de reconnaître et de prévenir ces risques, dont l'impact est de plus en plus ressenti dans les milieux professionnels.
Les RPS: une réalité croissante
Les risques psychosociaux sont des facteurs invisibles mais omniprésents qui influencent la santé globale des travailleurs. Les conséquences de ces risques peuvent varier d'une personne à l'autre en fonction de leurs réactions face à des événements. La violence, qu’elle soit physique ou psychologique, l'exposition à des évènements potentiellement traumatique et le harcèlement au travail (qu'il soit conjugal, familial ou sexuel) ont été identifiés comme étant les 3 risques prédominants.
Le harcèlement se définit par ces 5 critères:
- une conduite vexatoire
- des comportements répétitifs ou grave
- non désirés ou hostiles
- portant atteinte à la dignité ou à l'intégrité de la personne
- créant un environnement de travail néfaste.

Facteurs de protection
La prévention des RPS passe par plusieurs leviers, dont la gestion de la charge de travail, la reconnaissance, le soutien social, l’autonomie décisionnelle, et la justice organisationnelle. Et en amont, le climat de sécurité psychologique est considéré comme un facteur primordial dans la prévention des RPS.
Un autre outil intéressant à développé pour la gestion des RPS est le maintien d’un registre des incidents. Un tel registre (idéalement anonyme et accessible, par exemple via un code QR), permet de retracer les événements, de suivre les victimes et de mettre en place des mesures préventives. Ce suivi vise à assurer non seulement la sécurité immédiate des employés, mais aussi à travailler sur la culture de prévention à long terme.
Obligations légales
D’ici le 6 octobre 2025, plusieurs obligations légales doivent être respectées par les employeurs. Cela inclut
Obliger l’employeur à prendre les mesures nécessaires sur les lieux de travail pour contrer la violence physique ou psychologique
Sur les lieux de travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de la travailleuse ou du travailleur exposé à une situation de violence physique ou psychologique, dont une situation de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. Dans le cas d’une situation de violence conjugale ou familiale, l’employeur est tenu de prendre ces mesures lorsqu’il sait ou devrait raisonnablement savoir que le travailleur est exposé à cette violence.
L’employeur doit désormais s’assurer d’inclure, dans son programme de prévention ou dans son plan d’action, les risques psychosociaux liés au travail pouvant avoir une incidence sur la santé des travailleuses et des travailleurs.
Cette démarche s’inscrit dans les mécanismes de prévention que sont le programme de prévention et le plan d’action en prévention. Le représentant en santé et en sécurité devra également faire des recommandations associées à ce type de risques.
LNT et projet de loi 42
- la mise en place d'une politique contre le harcèlement (LNT 2018)
- la désignation d’une personne responsable de la gestion des situations de harcèlement psychologique et de violence à caractère sexuel (Projet de loi 42 Déjà en vigueur depuis le 27 mars 2024)
- la protection contre les représailles (Projet de loi 42 Déjà en vigueur depuis le 27 mars 2024)
- programmes de prévention qui ciblent spécifiquement l’identification, la correction et le contrôle des risques liés au harcèlement et à la violence. (Projet de loi 42 Déjà en vigueur depuis le 27 septembre 2024)
- Séances d’informations ou de formations offertes aux employés afin de les sensibiliser aux risques psychosociaux présents dans leur milieu de travail. (Projet de loi 42 Déjà en vigueur depuis le 27 septembre 2024)
Partages d’expériences
Les participants ont également partagé leurs expériences et initiatives en matière de prévention des RPS.
- Milieu A a mis à jour sa politique interne, organisé des formations et produit un article de sensibilisation. Une journée de formation en collaboration avec Unifor a été particulièrement bien reçue, notamment parce qu'elle venait du milieu syndical. Cependant, une initiative visant à promouvoir la santé mentale des hommes a été moins bien reçue, surtout après la remise d’une épinglette symbolique, qui a suscité des réactions négatives chez certains employés.
- Milieu B a travaillé en étroite collaboration avec Denis-Alexandre Nadeau pour développer des formations destinées aux chefs d’équipe. L’objectif est d’outiller ces leaders pour qu’ils soient mieux préparés à identifier et à gérer les RPS dans leur équipe.
- Milieu C dispose déjà de plusieurs comités, dont un dédié à la prévention de la violence à caractère sexuel. L’établissement met également à disposition des équipes psychosociales pour faire de l'accompagnement. Cependant, le sujet de l'incivilité a provoqué des réactions polarisées, certaines personnes estimant qu’on ne pouvait plus rien dire dans l’environnement de travail. Pour répondre à cette situation, un code de civilité a été développé.
- Milieu D a élaboré un programme de prévention accompagné d’un plan de formation et de sensibilisation.
Défis : briser le silence et oser intervenir
L’un des plus grands défis identifiés lors de cette rencontre est le caractère tabou des risques psychosociaux. La violence conjugale, en particulier, reste un sujet difficile à aborder. Les témoins hésitent souvent à intervenir, par crainte des représailles ou de l’inconfort de s’immiscer dans la vie privée d’un collègue. Cette réticence est particulièrement présente chez les hommes et chez les travailleurs plus âgés, souvent influencés par une culture du "ce qui se passe à la maison reste à la maison".
"Je ne pensais pas que ma joke était déplacée,"- employé anonyme
Le manque de confiance et la peur des conséquences liées à l’intervention directe sont des obstacles majeurs à surmonter. Pourtant, il est essentiel de ne pas avoir peur de signaler un comportement inapproprié, même si cela peut créer un malaise. Cette approche nécessite de la courage, de l’ouverture, et la conviction que les RPS doivent être discutés et traités de manière proactive.
La diligence raisonnable et le rôle des gestionnaires
Pour les gestionnaires, la gestion de la diligence raisonnable face aux RPS constitue un défi particulier. Les décisions ne sont pas toujours objectives et amènent souvent des questionnements qui se tournent vers les ressources humaines. La recherche d’une solution juste et équilibrée est cruciale, mais il reste encore beaucoup de zones d’ombre à éclaircir.
Enfin, un point a été soulevé sur la difficulté de porter plainte, un terme perçu comme ayant une connotation légale menaçant. Il est souvent plus facile de traiter directement une situation que de formaliser une plainte. L’objectif est de rendre les employés plus à l’aise pour parler, de manière informelle, des situations problématiques et de créer un environnement où ils se sentent soutenus.
Sensibilisation
Une suggestion pour renforcer la sensibilisation aux RPS a été d'utiliser les données d'actualité comme levier pour aborder ces questions de manière plus engageante. L'actualité, lorsqu’elle touche des événements récents, peut être un moyen efficace d’introduire des discussions sur les risques psychosociaux et de mobiliser les employés autour de ces enjeux essentiels.
"Si on a un code de conduite à l'école, pourquoi pas dans le milieu de travail?" - Denis-Alexandre
Cette rencontre a permis d’échanger sur les bonnes pratiques et les défis rencontrés par différents milieux de travail pour aborder les risques psychosociaux. Le chemin reste à tracer, mais il est clair que la sensibilisation, la formation et l’ouverture au dialogue sont des étapes fondamentales pour instaurer un environnement de travail plus sain et plus sécuritaire pour tous
Ressources
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Violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel
Harcèlement psychologique ou sexuel au travail - Notre expert vous informe