Contexte: Il y a quelques mois, j'ai reçu comme mandat d’agir à titre de conseillère en mobilisation de connaissances chez Présâges, un organisme communautaire du milieu aîné. Cette expérience agi comme catalyseur pour réfléchir à différents aspects liés à la mobilisation des connaissances (MdC) en contexte communautaire.
À ces réflexions j'ai voulu ajouter un petit outil concret. J'ai donc tenté d'élaborer une série de questions pour orienter la démarche d'un organisme communautaire qui souhaite revoir ses pratiques de partage et de mobilisation des savoirs. J'ai regroupé ces questions dans un document que voici. Je n'ai pas testé le contenu du document, mais si le contenu peut s'avérer utile à un organisme, tant mieux!
Introduction
Le partage des savoirs n’a rien de nouveau pour les organismes communautaires. Depuis toujours, ils ont développé des pratiques de partage des savoirs, qu’elles soient formelles ou informelles. Cette dynamique du partage, ancrée solidement dans les pratiques communautaires, peut prendre la forme d'une conversation entre intervenant·es lors d'un atelier, d'une participation à une table de quartier où sont présentées des pratiques inspirantes, d'activités de formation, de l'organisation d'un forum, etc.
Ces formes de mobilisation et de partage de savoirs restent reste parfois invisibles aux yeux des autres producteurs de savoirs comme les chercheur·es ou les acteur·rices institutionnel·les. Cette invisibilité s’explique, tout au moins en partie, par une absence de (re)connaissance des modalités particulières de mobilisation des savoirs dans les milieux de pratique. Il est pertinent de rappeler leur existence et de revendiquer des espaces pour les mettre en valeur.
Tout en reconnaissant la vitalité et la pertinence des activités de transmission des savoirs dans le communautaire, certains organismes communautaires souhaitent toutefois réfléchir à leurs pratiques de partage des savoirs. C’est dans ce contexte que j’ai élaboré le présent document. Les questions qui s’y trouvent ont pour objectif de mettre en lumière et de valoriser les pratiques existantes de partage des connaissances, tout en invitant les organismes qui le souhaitent à réfléchir à la manière de les renforcer ou de les redéployer.
À travers plusieurs axes de questionnement, ce document invite les organismes à se pencher sur 1) leur pratique actuelle de partage des savoirs, ainsi que sur leur capacité à : 2) mobiliser les savoirs à l’interne; 3) créer des opportunités de partage à l’externe; 4) mobiliser autrement que par la simple diffusion de contenus; 5) pérenniser une stratégie de mobilisation durable et collective.
Les questions suivantes ne constituent pas un cadre rigide à suivre, elles servent plutôt de point de départ pour inspirer les échanges et les réflexions. Chacun·e peut ainsi les adapter selon ses besoins. Bien sûr, on n’a pas à toutes se les poser non plus! Et on peut aussi en ajouter!
1. CULTURE ACTUELLE DE PARTAGE DES SAVOIRS
- Comment est compris le partage des savoirs dans l’équipe? La mobilisation des connaissances? Quels sont les modèles de partage qui inspirent l’équipe?
- Est-ce que l’équipe a déjà le réflexe de documenter les apprentissages issus des pratiques et des projets, même de manière informelle?
- Est-ce qu’on a mis en place des façons de faire, des formats simples mais qui permettent de documenter et partager les projets, les savoirs?
- Quelles ressources sont disponibles pour rendre accessibles nos projets, expériences, savoirs? Par exemple, infolettre, site Web, organisation de colloque, encadrement de stagiaires, participation à des comités, etc.
- À ce moment-ci, est-ce que l’organisme est satisfait de ses façons de faire? Est-ce qu’il y a un souhait de modifier les pratiques de partage de savoirs? Si oui, qu’est-ce qui amène l’organisme à vouloir revoir ses pratiques?
2. PARTAGE DES SAVOIRS À L’INTERNE
- Comment décririez-vous actuellement le partage des connaissances au sein de l’équipe? Quels sont les dynamiques, les facteurs qui facilitent ou entravent (freinent) le partage des savoirs entre les membres de l’équipe?
- Est-ce qu’il y a des membres de l’équipe qui assument un leadership formel ou informel en lien avec le partage des savoirs? Comment se vit l’entraide dans l’équipe?
- Est-ce que les membres de l’équipe ont des espaces ou des moment dédiés pour partager et échanger des informations? Leurs expériences? Questionnements? Etc.
- Est-ce que ça se passe surtout en réunion d’équipe? À d’autres moments?
- Est-ce que vous avez des protocoles, des façons de faire pour formaliser les informations ou savoirs partagés? Par exemple, tenir un cahier de notes sur tel ou tel thème cher à l’équipe? Créer un document Word sur les démarches faites auprès de vos partenaires en lien avec tel ou tel enjeu? Etc.
- Avez-vous observé des obstacles au partage des savoirs (ex. hiérarchie, manque de ressources financières, manque de temps, de confiance, etc.)?
- Est-ce qu’il y a des moments ou des lieux où les membres de l’équipe sont encouragé·es à partager leurs expériences, leurs compétences, une nouvelle idée, etc.?
3. PARTAGE DES SAVOIRS À L’EXTERNE
- Est-ce que l’organisme joue déjà un rôle dans la création et le maintien d’activités de partage des savoirs à l’externe?
- Quels sont les moyens utilisés pour échanger avec des acteurs du milieu (gestionnaires, bénévoles, militant·es, intervenant·es, etc.) sur les pratiques, les préoccupations, les aspirations? Ces moyens peuvent être, par exemple: événements réguliers, infolettre, balado, participation à une table de concertation, offres de formation, productions écrites, etc.
- Est-ce que ces moyens (ou lesquels parmi ces moyens) vous semblent bien répondre à vos besoins?
- Quelles ressources vous sont nécessaires pour maintenir en vie tous ces moyens? Si vous aviez à les prioriser, quel(s) choix feriez-vous? Pourquoi?
4. MOBILISER AUTREMENT QUE PAR LA SEULE DIFFUSION DE CONTENUS
- Parmi les outils ou moyens que vous utilisez pour partager des savoirs, mobiliser des connaissances, lesquels vous semblent le mieux contribuer à un partage des savoirs dynamique, favorisant des apprentissages mutuels?
- Avez-vous déjà eu l’occasion de construire du contenu ou de partager des savoirs en collaboration avec d’autres, en intégrant leurs expériences, leurs besoins, leurs vécus?
- Dans vos échanges avec les personnes (les publics, les partenaires) avec qui vous partagez vos savoirs, est-ce qu’il y a des moments où vous avez l’impression d’avoir autant appris que partagé? Avez-vous un ou des exemple(s)?
- Quand vous diffusez ou partagez des outils, des contenus, est-ce que vous proposez parfois des formes d’accompagnement pour aider les personnes à se les approprier, à les adapter à leur réalité? (Exemple d’accompagnement: ça peut aller d’une feuille avec quelques instructions à une fiche d’accompagnement plus détaillée, à une proposition de rencontres individuelles ou d’ateliers de groupe, etc.).
- Avez-vous une idée de comment les savoirs que vous partagez sont reçus, compris ou réutilisés par les personnes/publics à qui vous vous adressez?
- Est-ce que vous avez des espaces ou des opportunités où vous pouvez continuer d’échanger avec vos partenaires pour voir comment les savoirs partagés se transforment, évoluent avec le temps?
5. RESSOURCES POUR PÉRENNISER/COLLECTIVISER UNE DÉMARCHE DE PARTAGE DE SAVOIRS
- Est-ce que vous disposez d’un réseau solide de partenaires et de collaborateur·trices avec qui vous pourriez co-construire et mettre en œuvre une démarche commune de MdC?
- Au-delà de la mise en œuvre initiale de cette démarche, serez-vous en mesure de la soutenir dans le temps? D’accompagner d’autres acteurs du milieu pour assurer une relève?
NB. Dans le cas d’un organisme qui souhaite assumer la coordination d’une stratégie de MdC pour plusieurs milieux de pratique, des questions liées à la légitimité de la démarche peuvent aussi être explorées. Par exemple : ancrage territorial; expertise reconnue dans le milieu; qualité des liens de confiance avec les partenaires; etc.
