Segment 2 du jeu - D Cartes modèles mentaux

Lorsqu'on creuse tout au fond des tendances et des structures en se posant la question du "pourquoi ?" on aboutit à ce que l'outil "Iceberg de la pensée complexe" appelle des "modèles mentaux" c'est-â-dire des phrases souvent toutes faites, apprises et transmises dès l'enfance et qu'on se répète à soi-même sans vraiment s'en rendre compte.

Nous n'avons pas vraiment conscience de l'existence de ces phrases toutes faites mais elles guident finalement nos actions pour le meilleur ou pour le pire.

Lorsqu'on les examine d'un peu plus près, on se rend souvent compte que ces phrases seraient peut-être à remettre en question. Par exemple une phrase comme "Je suis seul à assurer la constitution de mes ressources et leur fructification" peut être légitimement mise en doute. Ne serait-ce que parce que ces ressources sont le résultat de la contribution préalable d'autrui, humain ou non-humain et que nous sommes nous-mêmes issus de contributions, et en tous temps, bien plus dépendants les uns des autres que nous le pensons.

Sans parler du fait que, à un point donné de l'histoire, ces terrains et même ces maisons que nous possédons aujourd'hui, ont été pris à d'autres, humains ou non-humains, ou mises en valeur grâce l'exploitation ou le travail forcé de beaucoup d'autres, le plus souvent sans compensation. Au Québec, on peut dire comme Rich Harwood aux États-Unis "J'aime ce pays, et je l'aime si profondément que je n'ai pas peur de dire que nous avons été fondés sur des fautes originelles" (*).

Beaucoup de ces phrases intérieures invitent à la compétition et la surconsommation ("J'ai le droit de ne penser qu'à moi et de me protéger", "Plus j'ai d'argent plus ça sera facile","6000$ par mois c'est pas assez"...) ou à l'abandon ("J'en fait assez pour m'occuper en plus des autres","C'est comme ça", "tout le monde le fait", "Je n'ai pas le choix").

Identifier et requestionner ces phrases qui nous hantent, souvent bien malgré nous, est le moyen le plus puissant de combattre en profondeur un problème complexe comme la crise du logement.

En effet, cette crise intervient dans un contexte de multi-crises de plus en plus prononcées qui ont elles-mêmes des retentissements sur la question du logement. Des logements sont et seront détruits en conséquence des changements climatiques par exemple.

Selon les mots de Martine St-Victor, stratège en communication (Clinton Global initiative, 2023)

"Tout est interconnecté. L’urgence climatique, le manque de logements, les inégalités sociales, la pauvreté, l’isolement, la santé mentale, les menaces à la démocratie, la polarisation et les mauvaises décisions."

Il serait important de reconnaître davantage cette interconnexion. Au final, n'est-ce pas l'habitabilité de la terre pour tous qui est aujourd'hui menacée par la nature de nos modèles mentaux ?

Dans le cadre du jeu, nous pratiquons le partage de ces "modèles mentaux" au "je", après avoir réfléchi à notre propre implication individuelle, positive ou négative, dans la crise du logement.

Comme on doit toujours avoir le choix de réfléchir et de partager ou non ce que l'on pense, un ou une participante qui souhaiterait passer son tour peut, bien sûr, piger une sélection de 3 cartes (citations ou contributions des participants qui l'ont précédé-e) et en partager (ou non) l'une d'elle avec le groupe.

Les discussions permises par l'outil Iceberg, montrent, que nous sommes tous et toutes bien plus habité-es que nous l'avouons habituellement par le sentiment de notre propre responsabilité dans la crise en cours et que toutes nos prises de conscience personnelles, petites ou grandes, peuvent déjà aider à faire une différence ici et maintenant.

L'utilisation de l'outil Iceberg pour analyser et partager nos compréhensions du pourquoi de la crise prépare à l'utilisation de l'outil "12 leviers". Cet outil, également issu de la recherche sur les systèmes complexes, permet de "peser" les types de solutions apportées à la crise selon leur degré d'impact sur le système et d'aborder ainsi la question de l'efficacité de notre implication citoyenne en situation de temps et d'énergie limités.

(*) : Toward a more perfect union, Harwood Institute, 12 juillet 2024  :

"I love this country, I love it so deeply that I am not afraid to say that we were founded on original sins. What make us different is that we refuse to settle in this country. We keep trying to do better, to be better, to become a more perfect union".