Cette note collige les savoirs qui ont été récoltés lors de l'activité Bibliothèques publiques et démocratie, qui s'est déroulée lors de la Journée des savoirs ouverts 2024.
Résumé de l’activité
La présentation animée par Louise Guillemette-Labory a porté sur l’importance des bibliothèques publiques pour la société et la démocratie. Plus qu’un simple centre de savoirs, la bibliothèque est apparue comme une institution essentielle pour garantir un accès ouvert à l'information et au débat public.
1. Jalons historiques des bibliothèques
Louise Guillemette-Labory a d’abord fait un survol historique des bibliothèques, rappelant que celles-ci ont pris naissance avec l’invention de l’écriture, il y a plus de 5000 ans, depuis les collections de tablettes d'argile aux institutions publiques modernes.
Faisant référence au slogan «Brisons le paradigme du document» de Projet collectif, elle élargit le concept de la bibliothèque traditionnelle avec celui du Human Library, né à Copenhague au début du 21e sicècle. À ce titre, des philosophes tels Socrate et Platon, porteurs de savoirs, pourraient être identifiés comme des bibliothèques.
L’histoire des bibliothèques est aussi celle de leur destruction. Ces établissements, souvent attaqués au fil des siècles, représentent un pouvoir que certains cherchent à contrôler en limitant l'accès au savoir, car « un peuple instruit ne peut être gouverné » (Lucien X. Polastron dans Livres en feu).
2. Le développement des bibliothèques publiques
La réforme protestante et les guerres de religion, qui modifient le paysage politique et culturel de l’époque, contribuent, avec l’invention de l'imprimerie de Gutenberg, au développement d’une quête d'érudition généralisée. Celle-ci ouvre la voie à l'apparition de bibliothèques publiques, alors que les bibliothèques étaient jusqu’à maintenant réservées à l’élite (monarchique, religieuse ou autre). Une grande partie de la population mondiale étant totalement illettrée, il faudra toutefois attendre le milieu du XIXe siècle, avec les progrès de l’instruction publique, avant d’assister à une véritable démocratisation de l’accès aux livres.
Louise Guillemette-Labory évoque le rôle des philanthropes dans l’essor des bibliothèques publiques. À la fin du XIXe siècle, Andrew Carnegie a financé bon nombre de bibliothèques aux États-Unis et dans le monde anglo-saxon, dont au Canada. Bill Gates, avec sa fondation éponyme, a contribué à l’équipement informatique de bibliothèques dans les années 1980-1990, ici même au Québec. Ses contributions ont notamment permis aux citoyens de découvrir et d’apprendre les nouvelles technologies dans les bibliothèques.
Le développement des bibliothèques publiques va aussi de pair avec le développement de l’éducation publique, portée par Horace Mann, et l’avénement de l’école gratuite, ouverte à toustes peu importe le sexe, la race et la religion, et de la formation des enseignant·es. Le concept d’apprentissage tout au long de la vie se développe et la bibliothèque publique rend possible l’autodidaxie. La bibliothèque publique devient une porte d’accès de proximité à la connaissance qui rend possible l’apprentissage tout au long de la vie, un espace nécessaire à la vitalité de la société de connaissances et au partage de connaissances.
3. La bibliothèque publique d’aujourd’hui: le troisième lieu
Avec le concept de troisième lieu du sociologue américain Ray Oldenburg, l’accent est dorénavant moins focalisé sur les collections mais plutôt sur ce que les bibliothèques font. À ce titre, la bibliothèque publique se veut notamment un espace neutre, un second chez soi, un lieu créateur de communauté, un lieu beau et inspirant, un lieu propice au débat et un lieu qui procure une expérience unique.
On assiste dès lors à l’émergence de projets collaboratifs qui enrichissent le patrimoine collectif de savoirs, comme les Repair Cafés et le partage de semences. Cette vision citoyenne et collaborative des bibliothèques répond aux besoins modernes d’un espace inclusif et adaptable. Des initiatives québécoises démontrent que les bibliothèques peuvent aller au-delà de leurs fonctions traditionnelles pour offrir des services partagés, répondant ainsi aux besoins divers de la communauté.
4. Bibliothèques, démocratie et censure
Le niveau de littératie d’une population, à savoir la capacité à lire, comprendre et traiter de l’information, est primordiale pour une démocratie en santé. Il influence la capacité à prendre des décisions éclairées. Or, 50% des Québécois ont un faible niveau de littératie, une situation inquiétante dans le contexte actuel de remise en question des institutions démocratiques, de censure, de dérive des réseaux sociaux, d'hostilité des débats et d'intelligence artificielle.
Les démocraties sont en péril. Plus du tiers des élections dans le monde en 2024 ne répondent pas aux critères d’un véritable scrutin libre. Et les bibliothèques font périodiquement face à la censure. La cancel culture et la pression de groupes de citoyens qui cherchent à influencer les collections des bibliothèques, a pour effet de faire disparaître des milliers d’ouvrages. Ces exemples témoignent de la nécessité de maintenir une liberté d’accès à l’information.
5. Bibliothèques publiques au secours de la démocratie
Avec leur capacité à démêler le vrai du faux, leurs ressources d’information vérifiées, leurs activités organisées comme les débats respectueux, et des projets en partenariat avec la communauté, les bibliothèques sont des outils précieux pour faire face aux défis modernes de la démocratie et pour lutter contre la désinformation et renforcer la démocratie.
Enfin, Louise Guillemette-Labory a abordé le rôle des bibliothèques comme espaces neutres ouverts aux débats citoyens, qui soutiennent la revitalisation de la langue et de la culture nationale, comme ce fut le cas des bibliothèques en Finlande. Dans cette vision, les bibliothèques incarnent à la fois un lieu de liberté d’expression et de diversité, essentiel pour l’inclusion et la cohésion démocratique.
En conclusion, la présentation de Louise Guillemette-Labory a mis en lumière le rôle fondamental des bibliothèques publiques : bien plus que des lieux de lecture, elles sont des piliers de savoirs, d'inclusion sociale, et de renforcement des valeurs démocratiques. Leurs missions se révèlent d’autant plus essentielles aujourd'hui, face aux enjeux de désinformation et de déclin démocratique, où elles sont appelées à jouer un rôle clé pour une société équitable et informée.
Plusieurs aspects relatifs à l’apport des bibliothèques à la démocratie habitent Louise Guillemette-Labory qui invite le public à réfléchir à ces questions :
- Ma présentation des bibliothèques publiques correspond-t-elle à votre expérience et/ou à votre opinion des bibliothèques publiques?
- Les faits ont leur place en bibliothèque mais qu’en est-il des opinions?
- Comment la bibliothèque publique peut contribuer à lutter contre la désinformation et ses différentes facettes?
- La bibliothèque publique peut-elle occuper l’espace laissé vacant par les média traditionnels dans la communauté de proximité? Si oui, comment?
- Comment protéger la liberté d'expression dans un contexte de polarisation du débat public et de risque de culture du bannissement?
- La démocratie a-t-elle encore un avenir? Si oui, doit-on y apporter des changements et lesquels?
- Comment la bibliothèque publique peut-elle contribuer au renouvellement démocratique?