Date : 25 février 2025 Invité-e : Nancy Larose, CRIA, médiatrice accréditée de l’IMAQ et fondatrice de Solunance
La dernière rencontre de notre communauté de pratique a permis d’aborder le thème de la civilité et du savoir-être dans le milieu de travail. Cette session a permis d’explorer des situations concrètes, les défis rencontrés et les pratiques à adopter pour favoriser un environnement respectueux et sain.
L’incivilité au travail : un sujet sensible
À quel genre d’incivilité faisons-nous face au travail? Parfois, cela peut se traduire par des paroles condescendantes sur un-e employé-e n’étant pas présent-e dans une réunion, ce qui peut occasionner un bris de confiance au sein de l’équipe. Une autre situation pourrait être d’entendre des commentaires péjoratifs entres collègues sur l'identité et l’expression de genre. L'incivilité, souvent perçue comme des gestes ou paroles anodins (comme une blague déplacée ou une étiquette attribuée à une personne), peut pourtant laisser des traces bien plus profondes que ce que l'on imagine. Le fait d’ignorer ou minimiser l'importance du respect mutuel peut avoir des impacts importants sur une personne ou sur une équipe de travail et exerce une influence directe sur l'image que l'on renvoie en tant qu'organisation. Cela peut rapidement miner le moral et la cohésion des équipes.

Les difficultés face à l'incivilité
Les discussions ont aussi tourné autour des défis liés à la gestion de l’incivilité. Les participants ont souligné plusieurs aspects particulièrement difficiles :
- La gestion des émotions face à une situation d’incivilité.
- La confrontation de valeurs, notamment celles liées au respect et à la dignité de chacun-e.
- Le sentiment d’impuissance, accentué dans un contexte professionnel où les rapports de pouvoir et les hiérarchies jouent un rôle important.
- Le temps de réaction : dans de nombreux cas, il est difficile de réagir instantanément, surtout lorsqu'on est pris par surprise ou que la situation dégénère rapidement.
La question qui s’est posée à plusieurs reprises était : comment réagir efficacement face à des comportements irrespectueux pour préserver un environnement professionnel serein ?
La majorité des conflits par d'un élément banal qui n'a pas été adressé - Nancy Larose
Stratégies et pratiques à adopter
Au cours de cette rencontre, des pratiques ont été partagées pour prévenir et gérer l’incivilité de manière constructive :
- Laisser un temps de recul avant d’intervenir, idéalement 24 heures, afin d’éviter une réaction impulsive. Cette pause permet de mieux analyser la situation et d’y répondre de manière réfléchie.
- Créer des espaces sûrs (safe spaces) où chacun-e se sent libre de s’exprimer sans crainte de jugement ou de répercussions.
- Adopter une approche de responsabilisation, en aidant la personne fautive à prendre conscience des impacts de son comportement sur les autres et en invitant les personnes touchées à en parler.
- Utiliser des ressources externes, comme des médiateurs ou des conseillers en gestion de conflits, pour faciliter la résolution des tensions.
- Encourager la direction à prendre position clairement contre l’incivilité, en énonçant des attentes précises et en soutenant les actions de leurs équipes.
- Développer l'introspection, en les incitant les employé-es à évaluer régulièrement leurs comportements et leur impact.
Il a été également suggéré que les employeurs mettent en place des guides ou engagements clairs à l’embauche, définissant les comportements attendus et les actions à prendre en cas d’incivilité. Une telle démarche offre à tous et toutes un cadre précis sur la façon d’agir et de réagir en cas de comportements inappropriés.
La responsabilité partagée
L’incivilité ne relève pas d’une seule personne : elle doit être considérée comme une responsabilité partagée. Si une personne est victime de comportements irrespectueux, il lui revient de signaler la situation. Cependant, les employeurs ont un rôle crucial en observant et en agissant en amont pour prévenir les conflits. Il a été également rappelé que l’ouverture au dialogue et la remise en question sont des éléments clés pour maintenir un climat de travail sain.
Les pièges à éviter
Plusieurs pièges peuvent alimenter la perpétuation de l’incivilité. Parmi ceux-ci, la victimisation, où une personne se conforte dans une position passive sans chercher à intervenir ou à exprimer ses besoins. De même, la posture de censure, où des membres de l’équipe se taisent par peur de représailles ou de stigmatisation, peut renforcer une culture d’inaction face à des comportements inappropriés.
Un autre défi réside dans les normes culturelles. Dans certains milieux, l’humour, parfois teinté de machisme ou d’humour noir, est perçu comme une norme, ce qui peut rendre difficile la dénonciation de comportements dégradants. Il est donc crucial de sensibiliser et de remettre en question ces pratiques.
L’incivilité et le genre : différences et impacts
Les discussions ont également abordé les différences de perception et d’expression de l’incivilité en fonction du genre et de la personnalité. Il a été observé qu’en milieu principalement féminin, les interactions peuvent être plus bienveillantes, mais parfois aussi marquées par des comportements plus insidieux (commérages, sous-entendus). À l'inverse, les hommes sont parfois perçus comme étant plus directs dans leurs approches. Les conflits liés au genre et aux différences culturelles sont également des facteurs qui alimentent les tensions et doivent être traités avec une attention particulière.
- Bin là, on ne peut pu rien dire aujourd'hui! - un employé offusqué
- Ce n'est pas qu'on ne peut pu rien dire, c'est que les mœurs, les valeurs et les coutumes changent! -un collègue bienveillant
Conclusion
Pour clore la rencontre, il a été convenu que la tolérance à l’incivilité varie d’une personne à l’autre, et même d’un environnement à l’autre. Cependant, les valeurs partagées par l’organisation doivent toujours être au centre des
actions et des décisions. Il est essentiel de mettre en place des mécanismes clairs pour intervenir en cas de comportements irrespectueux et d’adopter une culture de respect mutuel, où chaque individu se sent soutenu et valorisé.
Ressources
- lien de la CNESST qui explique plusieurs éléments concernant le harcèlement psychologique : https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/prevention-securite/milieu-travail-sain/harcelement-au-travail/harcelement-psychologique-sexuel-au-travail
- L’article 81.18. : Pour l’application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique de la personne salariée et qui entraîne, pour celle-ci, un milieu de travail néfaste. Pour plus de précision, le harcèlement psychologique comprend une telle conduite lorsqu’elle se manifeste par de telles paroles, de tels actes ou de tels gestes à caractère sexuel. Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour la personne salariée.