Les défis et enjeux sont nombreux lors de l’établissement en agriculture. Les capacités de survie et de croissance des nouvelles entreprises sont tributaires d’une multitude de facteurs, dont les stratégies de mise en marché adoptées. À partir des données du recensement agricole effectué par l’USDA entre 2007 et 2017, un chercheur américain a évalué les impacts d’une mise en marché directe sur le taux de survie et sur la vitesse de croissance de nouvelles entreprises.
Les entreprises en activité depuis dix ans ou moins ont été classifiées en deux catégories selon leur chiffre d’affaires annuel. Le premier groupe est composé des petites entreprises réalisant moins de 250 000 $ US de revenu brut et le second groupe des entreprises de plus grande taille réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 000 $ US. Afin d’évaluer l’influence de la mise en marché directe sur la survie et la croissance des entreprises, le chercheur a formé un groupe comparatif composé de jeunes entreprises ne pratiquent pas une telle mise en marché. L’analyse des données a permis d’observer une corrélation positive entre la mise en marché directe et le taux de survie d’une nouvelle entreprise, du moins lors de ses cinq premières années d’activités. Ce lien est d’autant plus vrai pour les petites entreprises qui subissent moins de volatilité dans leurs revenus que celles qui commercialisent leurs produits en circuits longs. Une corrélation négative a cependant été observée entre la mise en marché directe et la vitesse de croissance des fermes, tant au niveau de la valeur des actifs que de la valeur de ses ventes. L’auteur suggère que ce résultat pourrait être lié au fait qu’une entreprise qui pratique la vente directe présente souvent de moins bonnes performances financières et doit assumer des coûts d’emprunt plus élevés, deux facteurs qui limitent sa capacité de réinvestissement.
Les enseignements
Il subsiste de nombreuses interrogations concernant la pérennité des fermes au cours de leurs premières années d’existence, notamment pour celles dites de « première génération », c’est-à-dire ayant été créées par leurs propriétaires, ce qui est beaucoup le cas en agriculture de proximité. Nous avions signalé l’existence d’une étude canadienne montrant qu’au Canada, seule la moitié des fermes ayant démarré leurs activités dans les 5 dernières années, étaient encore présentes lors du recensement suivant. Dans un contexte où la population agricole vieillit, l’enjeu de la survie des fermes est très important. Cette recherche est intéressante, parce qu’elle relie pour la première fois les modes de mise en marché et la pérennité des entreprises, en montrant notamment que ces fermes souffrent moins de la volatilité des revenus que celles inscrites dans les filières plus longues. La situation semble donc favorable pour les fermes en circuits courts, même si la question de la lenteur de leur croissance mérite que l’on s’y intéresse de près. Cette croissance plus lente vient-elle du choix délibéré des propriétaires de maintenir une production à petite échelle ou d’un endettement qui freine les investissements ? Les auteurs attribuent cette plus faible croissance à une moindre performance financière, mais il serait tout aussi pertinent de se pencher sur les stratégies de croissance des entreprises.
pdf N°33, fiche n°1, juin – juillet 2024
Rédaction : Marilou Ethier, Patrick Mundler
Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)