Creuse pas dans mon Caxton : résistance citoyenne et protection du territoire

Photo des membres du comité Creuse pas dans mon Caxton, le 31 mai 2023, prise par Sylvain Caron. De gauche à droite : Christiane Forcier, conseillère municipale, Jessica Bertolacci, étudiante en biologie et écologie à l’UQTR, Charline Plante, mairesse, Robert Matteau, Sylvain Caron, Claude Ouellette, Gilbert Guérin et Guy Picard. Participe maintenant au comité: Normand Longpré, président de Développement Saint-Élie-de-Caxton et ont aussi participé Roseline St-Onge, conseillère municipale, Nicolas Martel et Julie Gagnon.

👉 Contexte : Cette note fait partie du carnet Cartographie des initiatives inspirantes s'inscrivant dans la Transition socioécologique, réalisée dans le cadre des Ateliers des savoirs partagés en 2023-2024

👉 Intention : Cette note vise à présenter la mobilisation Creuse pas dans mon Caxton en tant qu'initiative inspirante en Démocratie, particiation et résistance citoyenne, s'inscrivant dans la TSÉ. Elle présentera une description du projet, son émergence, les éléments facilitateurs, les difficultés rencontrées par ses porteurs ainsi que les liens avec la TSÉ.

Description de l'initiative

En avril 2023, le territoire de Saint-Élie-de-Caxton, Saint-Mathieu-du-Parc et Saint-Boniface, dans la MRC de Maskinongé en Mauricie, était couvert par 200 claims miniers appartenant à 5 compagnies d’exploration minière et un géologue. Un claim minier est un droit exclusif d’exploration sur un territoire de 59 hectares qui est accordé à une compagnie ou un prospecteur.

Le Conseil municipal a contacté Gilbert Guérin, un Caxtonien qui avait réussi, avec l’aide de quelques autres citoyens et de la municipalité, en 2011, à faire reculer une compagnie de Vancouver qui détenait 116 claims et à protéger la presque totalité du périmètre urbanisé. La municipalité voulait mieux connaître les enjeux liés aux mines et les options possibles pour la défense du territoire. Gilbert Guérin a répondu à l’invitation et a amené avec lui quatre autres Caxtoniens inquiets de la menace des projets miniers.

Les citoyens ont proposé à la municipalité la création du comité citoyen.ne.s-municipalités Creuse pas dans mon Caxton. Le comité n’a pas de statut légal comme tel. C’est un comité conjoint qui permet aux citoyen.ne.s, aux élu.e.s et au personnel de la municipalité de travailler en étroite collaboration dans une stratégie commune de défense du territoire : veille stratégique, information de la population, production d’un mémoire, mobilisation citoyenne, affichage public, pression politique. Il vise également à créer un espace de dialogue constructif autour de cet enjeu. Le comité est composé de 7 membres citoyens et de 2 élus municipaux, la mairesse et une conseillère municipale. Le comité est dirigé par un président, Claude Ouellette, un vice-président, Robert Matteau et un porte-parole, Gilbert Guérin.

Le comité travaille en collaboration avec les comités citoyens des 2 autres municipalités, à Saint-Boniface et Saint-Mathieu-du-Parc.

En parallèle, la mairesse de Saint-Élie-de-Caxton, Mme Charline Plante, a initié en juillet 2023 la création d’un comité intermunicipal, réunissant des élus des 3 municipalités. Les objectifs : à court terme bloquer tout projet d’exploration et d’exploitation minière dans les 3 municipalités et la MRC de Maskinongé et contribuer à obtenir du gouvernement le statut de Territoire incompatible avec l’activité minière (TIAM) pour la MRC, ce qui assurerait une protection d’une portion du territoire à perpétuité.

Émergence et grandes étapes de l'initiative

Dès 2011, lors du lancement de l’alerte suite à la circulation d’un hélicoptère de prospection, des citoyen.ne.s ont proposé de travailler avec la municipalité et de créer un espace de dialogue autour de cet enjeu. Il y a alors eu mise sur pied d’un comité citoyen.ne.s-municipalité. 

La lutte et la militance pour la réappropriation du sous-sol et pour le droit à un développement choisi de ‘’Creuse pas dans mon Caxton’’ a reposé sur trois types d’acteurs, trois pivots importants : les citoyen.ne.s, les élu.e.s et les journalistes. L’apport de la presse est à souligner puisqu’il a permis de sortir cette lutte de l’ombre, de lui donner de la visibilité et d’inspirer d’autres communautés à s’affirmer sur cet enjeu. Les citoyen.ne.s ont aussi participé à cette visibilité en placardant leur terrain à l’effigie de la lutte.

Les membres citoyen.ne.s du comité, toutes et tous bénévoles, se sont fortement impliqués depuis un an, pour mener une stratégie de mobilisation citoyenne qui a porté fruit, inspiré d’autres régions et attiré l’attention de médias étrangers. « Il y avait beaucoup d’inquiétude au départ. Alors plutôt que de faire peur aux gens, nous les avons bien informés et mobilisés. En somme, nous avons transformé l’inquiétude en mobilisation ».

Saint-Élie-de-Caxton est reconnu pour être une communauté créative et dynamique. Nous avons réussi à le démontrer, en ajoutant la solidarité.

Aperçu des réalisations de Creuse pas dans mon Caxton :

Mobilisation et action:

  • Création du comité citoyen.ne.s-municipalité à Saint-Élie-de-Caxton;
  • Rencontre avec les comités citoyen.ne.s de Saint-Mathieu, Saint-Boniface, Shawinigan (Saint-Gérard-des-Laurentides) pour partager des pistes d’action et des façons de travailler avec les élu.e.s;
  • Instigateur de l’achat de claims miniers par les citoyens pour protéger leur territoire (plus de 200 claims achetés);
  • Instigateur du rachat de 43 claims actifs dans la municipalité appartenant à une compagnie d’exploration minière et à un géologue.

Alliance :

Pression politique :

Information et veille stratégique:

  • Présentation lors de 2 soirées d’information publique;
  • Envoi de courriels à une liste de citoyen.ne.s mobilisés pour les informer des menaces du secteur minier dans différentes régions;
  • Organisation d’une conférence d’Alain Deneault à Saint-Élie sur le concept de biorégion;
  • Présentation du film MALARTIC à Shawinigan; 4 projections dont une suivie d’une discussion avec le réalisateur.

Visibilité de la lutte :

  • Réalisation d’un kit citoyen (avis aux propriétaires et lettre de refus à adresser aux compagnies); 2000 lettres ont été transmises aux 4 compagnies par les citoyen.ne.s des 3 municipalités (voir le site de la municipalité de Saint-Boniface pour quelques exemples d’outils) ;
  • Production de 320 pancartes « Saint-Élie-de-Caxton incompatible avec l’activité minière » : 10 grosses pancartes ont été installées aux endroits stratégiques et 200 pancartes ont été achetées par des citoyen.ne.s et installé.e.s devant leur propriété;
  • Multiples entrevues dans le journal Le Nouvelliste, à Radio-Canada, à TVA, dans Le Devoir, le Journal de Montréal et le Journal de Québec, le Globe and Mail, le journal Le Monde, l’Agence France Presse, Radio-France Internationale.

Facteurs de succès

Sa réalisation a été facilitée parce que nous avions mis en place un coffre d’outils en 2011, alors que nous avions eu la collaboration du comité citoyen.ne.s Mine de rien de Saint-Camille, qui lui-même avait bénéficié de la collaboration du comité citoyen.ne.s de Malartic et de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine. En fait il y a eu une chaîne de collaboration entre Malartic, Saint-Camille, Saint-Élie-de-Caxton et Sainte-Adèle. (Pour plus d’Information sur cette période : https://www.pressegauche.org/Amendements-au-projet-de-loi-14-nettement-insuffisants-des-regroupements-de).

Il y a eu une grande ouverture de la part du conseil municipal et une grande générosité de la part des citoyen.ne.s bénévoles et des partenaires que sont le conteur Fred Pellerin, l’organisme à but non lucratif Développement Saint-Élie-de-Caxton, les associations de lacs, la cheffe de chœur Julie Hamelin, le Centre d’interprétation Grandeur Nature à Saint-Mathieu-du-Parc, notamment.

La municipalité compte un nombre important de bénévoles et une tradition d’initiatives citoyennes qui se poursuit depuis 20 ans.

Défis rencontrés

« Il faut constamment se méfier de la rumeur, qui courre plus vite que nous dans le village. Il faut toujours rappeler à la population que la menace est toujours présente tant que des compagnies minières détiennent des claims actifs sur notre territoire ou à proximité ». 

Les partenaires actuels de l'initiative

  • La municipalité de Saint-Élie-de-Caxton, le conteur Fred Pellerin, l’OBNL Développement Saint-Élie-de-Caxton, les associations de lacs, les comités citoyen.ne.s et les municipalités de Saint-Boniface, Saint-Mathieu-du-Parc et Saint-Alexis-des-Monts.
  • Fred Pellerin a acheté des claims et a avancé l’argent nécessaire pour le rachat de 43 claims miniers.
  • Développement Saint-Élie-de-Caxton a procédé au rachat des 43 claims, a joint le comité et pris en charge la campagne de financement, le site web et la page Facebook « creusepasdansmoncaxton ».
  • La municipalité participe au comité, a fourni de l’aide financière, fournit des locaux et des équipements, contribue à l’affichage et à l’information de la population, a géré l’envoi du kit citoyen.
  • Les associations de lacs contribuent à l’information des citoyen.ne.s, à l’affichage et à la mobilisation.
  • Les comités citoyen.ne.s se conseillent et s’appuient mutuellement.

Une menace persistante

Tel que mentionné précédemment, la menace est toujours présente tant que des compagnies minières détiennent des claims actifs sur notre territoire ou à proximité.

Il reste 140 claims miniers actifs qui appartiennent à 5 compagnies.

Nous pouvons être des éclaireurs pour les médias et rendre visible plusieurs enjeux. En tant que citoyen avisé, on peut être à l’affut des incohérences du système et aviser les médias lorsqu’on dénote des anomalies. Le gouvernement a ses outils de communication; le Plan stratégique sur les mines 2023-2027 (Ministère des ressources naturelles et des forêt) visait à ‘’éduquer’’ les gens sur les mines et créer de l’acceptabilité sociale. Mais les citoyen.ne.s ont beaucoup à montrer sur la puissance citoyenne, en s’alliant notamment à la presse. Par exemple quand on a vu que seulement 15 jours après une large consultation publique sur le « développement harmonieux de l’activité minière », le gouvernement a annoncé sa volonté d’appuyer la création de 28 mines au cours des 4 prochaines années au Québec, il y avait de quoi s’interroger sur les processus en place.

Projet de loi 63 : la vigilance demeure de mise

Le projet de loi 63, modifiant la Loi sur les mines qui a été déposé le 28 mai 2024 sera discuté en commission parlementaire à l’automne 2024.

Celui prévoit que :

'' Est soustraite à la prospection, à l’exploration et à l’exploitation minières toute substance minérale faisant partie du domaine de l’État située dans une terre du domaine privé qui n’est pas comprise dans un périmètre d’urbanisation, à l’exception des substances minérales situées dans une terre faisant l’objet d’un droit minier en vigueur ou d’un avis de désignation sur carte reçu avant le 28 mai 2024''.

Une autre exception : les terrains privés où il y a eu des travaux après le 24 octobre 1988.

Pour le moment, il y aurait un gain important pour les citoyens.

Cependant, les terrains privés ne représentent que 8% du territoire québécois.

Un risque énorme persiste. Si l’exploration et éventuellement l’exploitation d’une mine est permise près d’un cours d’eau faisant partie des bassins versants qui coulent vers le fleuve Saint-Laurent et ses affluents, c’est une grande partie du territoire du Québec habité qui serait menacé de contamination de ses ressources vitales telles que l’eau potable.

La vigilance et la mobilisation citoyenne restent au programme.

L’outil que représente le TIAM pour repousser l’activité minière

Un territoire incompatible avec l’activité minière (TIAM), au sens de la Loi sur les mines, est un territoire dans lequel la viabilité des activités (urbaines, résidentielles, agricoles, etc.) serait compromise par les impacts engendrés par l’activité minière, que ces territoires soient situés en terres privées ou en terres publiques. Il s’agit d’un outil mis à la disposition des MRC en 2016 qui leur permet d’empêcher la vente de claims sur une portion de son territoire.

Bien que la MRC de Maskinongé soit en processus de demande de TIAM, ce qui implique un moratoire de 6 mois pendant la période de la demande qui porte sur 46% du territoire, cette démarche peut prendre jusqu’à 2 ans pour bien monter un dossier et le déposer au gouvernement du Québec. Et le pari n’est pas gagné puisque certaines MRC se sont faites refusées leur demande. Il s’agit d’un conflit de visions entre protection des milieux de vie vs développement économique.

Les liens avec la transition socioécologique...

Nous nous intéressons à la notion de biorégion, parce que notre communauté est très liée à un écosystème naturel, culturel et communautaire.

Le dossier minier nous a reconnecté avec la nature et fait prendre conscience de la fragilité de notre territoire d’une part et de l’existence d’une communauté d’appartenance qui dépasse les limites des territoires municipaux, englobant en plus de Saint-Élie-de-Caxton, Saint-Mathieu-du-Parc, Saint-Boniface, Charette, Saint-Alexis-des-Monts, Saint-Paulin.

Nous protégeons notre population, nos savoirs et savoir-faire, nos lacs, nos rivières, nos bassins versants, notre flore et notre faune. Nous manifestons le pouvoir citoyen. Ensemble nous avons une force incroyable.

Pour en savoir plus...

Sur ''Creuse pas dans mon Caxton'' :

Sur le TIAM :

Sur l’industrie minière :

Source: Cette note a été rendue possible grâce au partage de Gilbert Guérin, porte-parole du comité « Creuse pas dans mon Caxton »

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Publication

19 juin 2024

Modification

21 juin 2024 11:17

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Pour citer cette note

Christine Champagne, Caroline Dufresne, Marie-Ève Lavoie. (2024). Creuse pas dans mon Caxton : résistance citoyenne et protection du territoire. Praxis (consulté le 5 juillet 2024), https://praxis.encommun.io/n/I8qicS1if6cCzX1uRFC3MVsDkWM/.

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