Cette note rassemble des idées et interventions partagées lors de la conversation « Les bibliothèques publiques au secours de la démocratie? » co-organisée par Projet collectif et l'ABPQ, à laquelle ont pris part une soixantaine de participant·es en janvier 2025.

Faits vs. opinions
Il est crucial de distinguer les faits des opinions. Les bibliothèques doivent aider les usager·es à comprendre cette distinction et à s’appuyer sur des faits pour formuler leurs opinions. La mission des bibliothèques n’est pas de donner des opinions, mais plutôt d’outiller les individus pour qu’ils et elles puissent analyser une situation de manière critique et prendre des décisions éclairées.
Les participant·es ont également réaffirmé l’importance des faits, qui restent une priorité pour les professionnel·les des bibliothèques. Cependant, comme les bibliothèques sont perçues comme des agoras modernes, des espaces où les opinions peuvent s’exprimer, il devient confrontant de collaborer avec des citoyen·nes qui favorisent les opinions. Comment, alors, y trouver un terrain commun ? : Les bibliothèques doivent questionner les opinions, demander d’où elles viennent et sur quelles bases elles reposent.
Gestion des opinions
Les bibliothèques sont perçues comme des lieux idéaux pour exprimer des opinions, échanger avec des proches ou des concitoyen·nes, et participer à des débats constructifs. Pour que ces échanges soient fructueux, il est essentiel de créer un cadre respectueux et sécuritaire, où chacun·e se sent à l’aise de participer ou de simplement écouter afin de se forger sa propre opinion. Ce cadre permet d’aborder des sujets sensibles ou « tabous », tout en maintenant un climat de confiance. En établissant des limites claires à la liberté d’expression tout en encourageant la participation, les bibliothèques peuvent jouer un rôle essentiel dans la construction d’une société plus éclairée.
Intolérance aux discours haineux
Les bibliothèques doivent éviter la censure, surtout lorsqu’elle est motivée par des malaises personnels ou des préjugés. Cependant, elles ont la responsabilité de ne pas tolérer les discours qui font la promotion de la haine, de la discrimination ou de la violence. Cette position équilibrée permet de défendre la liberté d’expression tout en protégeant les valeurs fondamentales de respect et de sécurité.
Médiation
Face à des sujets controversés, les bibliothèques ont un rôle de médiation à jouer. Elles peuvent ramener le débat vers les faits lorsque nécessaire, tout en permettant l’expression d’une multitude d’opinions. Cette diversité d’idées est essentielle, car les débats et les opinions font avancer la société. Priver les bibliothèques de cette dimension pourrait être dangereux, car cela limiterait leur rôle de plateforme démocratique. Elles ont la responsabilité de promouvoir des échanges constructifs et de favoriser la réflexion critique, notamment en organisant des conférences, des tables rondes ou des événements sur des sujets parfois polémiques.
Au cœur des collections
Le développement des collections doit refléter une diversité d’opinions tout en évitant les biais et l’autocensure. Les bibliothèques doivent s’appuyer sur des politiques claires, fondées sur leur mission d’accès à l’information. Par exemple, dans le domaine de la littérature sur la santé, la présence d’un livre en bibliothèque ne signifie pas nécessairement qu’il est d’une qualité absolue. Les usager·es doivent être encouragé·es à consulter plusieurs sources et à se tourner vers des professionnel·les en ce qui concerne des sujets complexes.
La conversation sur la place des opinions en bibliothèque a mis de l'avant plusieurs idées clés, soulignant à la fois l’importance de la liberté d’expression et la nécessité d’un cadre respectueux et sécuritaire pour les échanges. En s’appuyant sur des valeurs fortes comme la liberté intellectuelle et en adoptant une approche médiatrice, elles peuvent devenir des espaces où les débats constructifs contribuent à l’évolution de la société.
💡 Une proposition
Former les citoyen·nes à la « netiquette », c’est-à-dire aux bonnes pratiques sur les réseaux sociaux. Cette formation pourrait sensibiliser les usager·es à l’importance de réfléchir avant de publier, d’éviter les jugements hâtifs ou les propos blessants, et de favoriser des échanges constructifs. Cette initiative pourrait s’étendre aux débats en bibliothèque, renforçant ainsi leur rôle éducatif.
📝 En résumé
Les échanges lors de cette conversation participative ont mis en lumière le rôle élargi des bibliothèques municipales, qui va bien au-delà de la simple diffusion des savoirs : elles doivent continuer à transmettre des savoirs tout en s’affirmant comme des espaces de dialogue, de rencontre et d’inclusion. La question des opinions en bibliothèque semble trouver sa réponse dans cette vision élargie, où les bibliothèques deviennent des lieux de débat et de cohabitation. Les participant·es ont souligné que les bibliothèques sont des espaces en transformation, où les faits et les opinions peuvent coexister, à condition que leur mission soit clairement définie et adaptée aux besoins actuels de la société.