Mémoire présenté à la commission des finances publiques portant sur le projet de loi no 28

Mémoire présenté à la commission des finances publiques portant sur le projet de loi no 28 : Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 4 juin 2014 et visant le retour à l’équilibre budgétaire 2015-2016

Par le Réseau québécois de développement social, 4 février 2015


1- RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS

Recommandation 1 : Reconnaître le développement social

Qu’il soit ajouté dans le PROJET DE LOI No 28 et dans le PACTE FISCAL 2016 AVEC LES MUNICIPALITÉS ainsi que dans les pactes fiscaux des années subséquentes, que les MRC et les Conférences de préfets reconnaissent et s’engagent à soutenir le développement social, tant au plan des territoires de MRC qu’au plan régional.

Recommandation 2 : Pérenniser les actions en développement social

Que des budgets supplémentaires soient accordés aux MRC dans le PROJET DE LOI No 28 et dans le PACTE FISCAL 2016 AVEC LES MUNICIPALITÉS ainsi que dans les pactes fiscaux des années subséquentes, pour disposer des moyens nécessaires à l’atteinte de leurs responsabilités en matière de développement social.

Recommandation 3 : Favoriser une cohésion régionale

Qu’il soit inscrit dans le PROJET DE LOI No 28 et dans le PACTE FISCAL 2016 AVEC LES MUNICIPALITÉS ainsi que dans les pactes fiscaux des années subséquentes, que les MRC d’une région s’engagent à mettre en place une instance régionale de collaboration et de concertation visant un développement régional intégré, dont entre autres en matière de développement social, et que pour ce faire, elles disposent des moyens nécessaires à sa mise en œuvre.

Recommandation 4 : Stimuler et maintenir la participation citoyenne

Qu’il soit consigné dans le PROJET DE LOI No 28 et dans le PACTE FISCAL 2016 AVEC LES MUNICIPALITÉS ainsi que dans les pactes fiscaux des années subséquentes, que les MRC et les Conférences de préfets détiennent la responsabilité de permettre la participation de la société civile à l’intérieur de balises établies, dans le but que les citoyens et les organisations non-gouvernementales prennent part aux décisions qui les concernent.

2- PRÉSENTATION DU RÉSEAU QUÉBÉCOIS DE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

Le développement social est celui qui met les personnes au cœur même de la vision du développement. Il veut les mobiliser pour améliorer leurs conditions de vie et celles des communautés où elles vivent.

Les principaux enjeux du développement social portent entre autres sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, l’accès au logement, la sécurité alimentaire, le transport collectif, l’économie sociale, les saines habitudes de vie, la persévérance scolaire, les conditions de vie des aînés, la participation citoyenne, la revitalisation de quartiers, l’itinérance, l’égalité, la conciliation famille-travail, les personnes handicapées, l’insertion socioprofessionnelle et la régionalisation de l’immigration.

Ceci sans compter que le concept de développement durable associe sous forme de complémentarité les développements social, économique et environnemental. Au Québec, le développement durable s’entend d’ « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement.1 »

Dans les régions du Québec, existe des démarches régionales en développement social, dont seize d’entre elles sont membres du RQDS. Pour la majorité, ces démarches ont été mises en place dans le cadre des travaux du Forum sur le développement social de 1998, commandé par le Ministre de la Santé et des Services sociaux de l’époque. Elles réunissent des organismes privés, publics et communautaires d’une région, dans le but de se concerter et de se mobiliser pour faire progresser les interventions régionales en réponse aux besoins sociaux formulés dans la région. Leurs actions visent à améliorer les conditions de vie individuelles et collectives des citoyens, en soutien au développement local. À titre d’exemples, les démarches régionales en développement social constituent des lieux où se développent des projets concrets concertés et intersectoriels2 en vue d’améliorer les conditions de vie dans les communautés (logement accessible, transport collectif, sécurité alimentaire, etc.), des plans d’action communs, de la formation, du soutien financier, des recherches ou des indicateurs. De par leurs travaux, ces démarches régionales en développement social favorisent le partage d’outils, des expériences et de l’information, des arrimages entre les organisations et les territoires des Municipalités régionales de comté (MRC) comprises dans une région, le développement d’une vision élargie sur différents enjeux sociaux et du soutien sous diverses formes.

Le Réseau québécois de développement social (RQDS), regroupant 16 de ces démarches régionales en développement social du Québec, a une mission de communauté de pratique en développement social : il soutient ses membres et fait la promotion du développement social. Les intérêts communs de ses membres sont l’amélioration des pratiques et la progression des démarches de développement social. Cela se traduit notamment par le partage d’une région à l’autre des informations, des outils et des connaissances, par la mise en commun des expériences et des pratiques, par le réseautage et les coopérations entre les régions, par la participation à des formations et des séminaires, par l’ouverture à l’innovation.

3- MISE EN CONTEXTE DU MÉMOIRE DU RQDS

Le RQDS reconnaît le bien-fondé de la démarche entreprise par le Gouvernement du Québec en vue d’assainir les finances publiques. Il s’inquiète cependant des conséquences de certaines dispositions du chapitre VIII du PROJET DE LOI No 28, chapitre portant sur la NOUVELLE GOUVERNANCE MUNICIPALE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT LOCAL ET RÉGIONAL. Le RQDS souhaite déposer à la Commission des finances publiques un mémoire soulevant ses préoccupations à ce sujet et faisant état de quatre recommandations concernant le chapitre VIII, afin d’alimenter la réflexion des députés membres de la Commission et bonifier le PROJET DE LOI No 28.

4- ENJEUX POUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

4.1 Importance du développement social

Le chapitre VIII du PROJET DE LOI No 28 abolit les Conférences régionales des élus et installe une gouvernance de proximité, dans laquelle les MRC voient leur rôle grandement accru par le déplacement des prises de décisions vers les préfets de MRC. L’accent y est mis sur des collectivités territoriales fortes grâce à l’exercice direct par les MRC des compétences en matière de développement économique.

Le RQDS fait cependant le constat qu’aucune référence n’est faite au développement social dans le texte du PROJET DE LOI No 28, ni dans celui du PACTE FISCAL TRANSITOIRE CONCERNANT LES TRANSFERTS FINANCIERS AUX MUNICIPALITÉS POUR 2015 ET UNE NOUVELLE GOUVERNANCE RÉGIONALE. Or, si l’on veut réellement renforcer le rôle des MRC dans le développement local et régional, il nous semble indispensable d’intégrer les enjeux d’ordre social à leurs responsabilités. Les facteurs non économiques, tels que par exemple la réussite éducative, le cadre de vie, la vitalité des milieux et la concertation entre les partenaires, sont tout aussi essentiels au développement des communautés. Et c’est aux niveaux municipal et des MRC, plus proches des citoyens, que le développement social prend racine à travers des décisions des élus ayant des impacts sur les jeunes, les familles, les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale, les aînés ou les personnes issues des communautés culturelles. À cet égard, la plupart des démarches régionales de développement social comprennent entre autres dans leur membership des agents de développement ruraux ou locaux qui coordonnent des tables de développement social municipales ou de MRC.

D’ailleurs, la modification de la LOI SUR L’AMÉNAGEMENT ET L’URBANISME adoptée le 2 juin 2010 indique que les MRC doivent se doter d’un énoncé de vision stratégique de leur développement, dont l’une des dimensions citées est le développement social. De plus, des chercheurs québécois ont établi que le développement social est lié de près à l’action municipale dans tout ce qui touche « à l’aménagement du territoire et l’urbanisme, le transport, le logement social, le sport, le loisir et la vie communautaire, la culture, la sécurité, l’économie, l’environnement, la vie démocratique.3 » Nous tenons enfin à le redire, le développement social constitue l’un des trois piliers complémentaires du développement durable, avec le développement économique et l’environnement.

Le RQDS déplore donc l’absence de la notion de « développement social » dans les discours entendus, dans les écrits publiés et dans les transferts financiers prévus aux MRC. Avec l’abolition des Conférences régionales des élus instituée par le PROJET DE LOI No 28, il devient impératif que les MRC et les tables des préfets portent les préoccupations du développement social dans leurs responsabilités, dans leurs pouvoirs et dans leurs décisions.

Recommandation 1 : Reconnaître le développement social

Qu’il soit ajouté dans le PROJET DE LOI No 28 et dans le PACTE FISCAL 2016 AVEC LES MUNICIPALITÉS ainsi que dans les pactes fiscaux des années subséquentes, que les MRC et les Conférences de préfets reconnaissent et s’engagent à soutenir le développement social, tant au plan des territoires de MRC qu’au plan régional.

4.2 Capacité d’agir des MRC en développement social

Dans la foulée de la décision d’abolir les Conférences régionales des élus par le PROJET DE LOI No 28, toute une série de « dommages collatéraux » portent atteinte de façon plus spécifique au développement social. Ainsi, la période se situant entre mars 2015 et mars 2016 verra la fin des ententes régionales en égalité (condition féminine), en immigration, sur les aînés, en économie sociale, en loisir, sur la lutte au décrochage scolaire, sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, et par conséquent l’abandon des projets liés à leur financement. De même, plusieurs Forums jeunesse régionaux logés dans les Conférences régionales des élus devront se trouver un autre modèle. Enfin, l’ensemble des démarches régionales en développement social qui s’activaient dans les régions administratives du Québec seront balayées de la carte, ou du moins très durement fragilisées, au cours de l’année 2015. Les nombreux besoins auxquels les ententes régionales, les projets et les démarches régionales en développement social répondaient ne prendront certainement pas fin avec l’abolition des Conférences régionales des élus.

Afin de pouvoir exercer adéquatement leurs nouveaux rôles, le transfert de responsabilités aux MRC doit évidemment être accompagné d’un transfert de ressources financières. Or, avec la réduction dans les budgets – de l’ordre de 50 %, soit 300 M$ – annoncée au nouveau fonds de développement des territoires dans le PROJET DE LOI No 28 et dans le PACTE FISCAL 2015, le RQDS craint que les sommes disponibles ne permettent malheureusement pas aux MRC de disposer des outils et des ressources humaines nécessaires au déploiement de leur plein potentiel. Il nous apparaît plutôt que les MRC auront des choix financiers déchirants à exercer durant la période de transition de 2015 et qu’elles ne pourront pas accorder les montants nécessaires pour des interventions locales ou sur des territoires de MRC en développement social.

Cette situation les amputera de leurs moyens d’agir et se traduira par des effets néfastes sur l’ensemble des organismes socioéconomiques et communautaires des collectivités. La dévitalisation risque d’être d’autant plus dramatique pour les municipalités de petite taille ou encore pour les MRC rurales, dévitalisées ou éloignées de centres urbains, qui risquent de se voir vidées d’une expertise spécialisée permettant aux élus municipaux de prendre des décisions éclairées.

Recommandation 2 : Pérenniser les actions en développement social

Que des budgets supplémentaires soient accordés aux MRC dans le PROJET DE LOI No 28 et dans le PACTE FISCAL 2016 AVEC LES MUNICIPALITÉS ainsi que dans les pactes fiscaux des années subséquentes, pour disposer des moyens nécessaires à l’atteinte de leurs responsabilités en matière de développement social.

4.3 Cohésion régionale

Si les MRC seront maintenant reconnues en tant que gouvernance de proximité, il est clair qu’elles ne peuvent définir à elles seules les enjeux et problématiques transversaux couvrant plus d’une MRC ou une région entière, ni réaliser des actions structurantes pour des enjeux socioéconomiques qui outrepassent leurs frontières : par exemple, en transport collectif, en sécurité alimentaire, en habitation, en conciliation famille travail, en lutte contre la pauvreté et pour des projets d'économie sociale supra-territoriaux.

Les MRC qui font partie d’une région ont besoin d’un espace commun afin de se concerter entre elles et avec d’autres acteurs sectoriels, privés et communautaires. Ce lieu leur permet de bâtir une vision partagée de la région, de cibler ensemble les priorités sur lesquelles travailler et de mobiliser les forces du milieu, pour faire en sorte que les initiatives convergent en réponse aux particularités de la région. C’est ce qu’on nomme le développement intégré, qui a fait ses preuves depuis plusieurs années au Québec et dans beaucoup d’autres sociétés avant-gardistes à travers le monde.

Cela va d’ailleurs tout à fait dans le sens de la STRATÉGIE GOUVERNEMENTALE D’OCCUPATION ET DE VITALITÉ DES TERRITOIRES, voulant que se forgent une cohésion et l’intégration des priorités locales, territoriales et régionales aux priorités gouvernementales. Ce palier régional de dialogue, offert par les Conférences régionales des élus avant leur abolition décrétée par le PROJET DE LOI No 28, restera essentiel dans le futur pour permettre aux élus municipaux d’exercer des responsabilités de coordination requérant une vision régionale.

Comme nous le disions précédemment, le RQDS reconnaît l’importance de l’enjeu du retour à un équilibre budgétaire. Ce qu’il faut cependant savoir et comprendre, c’est que l’abolition des Conférences régionales des élus a comme conséquence majeure un dommage inattendu important, soit le fait que dans les différents partenariats établis par les ententes régionales, les Conférences régionales des élus étaient les fiduciaires et partenaires de celles-ci. Leur abolition laisse les autres partenaires du développement social (Agences de Santé et Services sociaux, Centraide, corporations de développement communautaire, démarches régionales en développement social, tables régionales en condition féminine, tables régionales des aînés, pôles d’économie sociale, tables de réussite éducative, universités, et d’autres selon les régions) avec moins de moyens pour préserver les travaux en cours ainsi que l’héritage de dizaines d’années de développement concerté et intégré.

Recommandation 3 : Favoriser une cohésion régionale

Qu’il soit inscrit dans le PROJET DE LOI No 28 et dans le PACTE FISCAL 2016 AVEC LES MUNICIPALITÉS ainsi que dans les pactes fiscaux des années subséquentes, que les MRC d’une région s’engagent à mettre en place une instance régionale de collaboration et de concertation visant un développement régional intégré, dont entre autres en matière de développement social, et que pour ce faire, elles disposent des moyens nécessaires à sa mise en œuvre.

4.4 Participation citoyenne

Par ailleurs, le Québec possède un historique en matière de développement social riche de partenariats et d’une approche intersectorielle mettant le citoyen au cœur des processus de décision. Sa puissance réside dans un modèle axé sur une vision partagée des priorités que se donnent les élus, les citoyens et les organisations non- gouvernementales (la société civile) d’un même territoire afin d’en arrimer les forces vives. Cette approche favorise un dynamisme de même que la prise en charge des communautés dans les enjeux qui les concernent.

Le PROJET DE LOI No 28 concentre les décisions entre les mains des élus municipaux. Plusieurs maires et préfets sont acquis à la valeur ajoutée du travail avec les citoyens. Mais pour certaines communautés, le RQDS croit qu’il y a risque de diminution ou de perte totale de participation citoyenne dans les lieux décisionnels des municipalités qui, rappelons-le, sont au service des populations.

Recommandation 4 : Stimuler et maintenir la participation citoyenne

Qu’il soit consigné dans le PROJET DE LOI No 28 et dans le PACTE FISCAL 2016 AVEC LES MUNICIPALITÉS ainsi que dans les pactes fiscaux des années subséquentes, que les MRC et les Conférences de préfets détiennent la responsabilité de permettre la participation de la société civile à l’intérieur de balises établies, dans le but que les citoyens et les organisations non- gouvernementales prennent part aux décisions qui les concernent.

5- CONCLUSION

Ces propositions veulent assurer que la réorganisation actuelle ne se réalise pas au détriment d’acquis précieux de la société québécoise et des inestimables efforts déployés durant les 30 dernières années pour assurer une cohérence dans le développement des territoires. Donner la capacité aux milieux d’agir ensemble représente un investissement dans les infrastructures sociales. De tout temps, ces dernières ont démontré qu’elles se conjuguent aux efforts de redressement des finances publiques. Elles sont ses alliées!

Comprenons que le développement social vient en soutien au développement des territoires en respectant leurs particularités et qu’il représente une opportunité de réunir des partenaires de provenances diverses pour travailler ensemble des enjeux sociaux communs.

Le développement social est complémentaire au développement économique. Terminons en citant une phrase du Forum de développement social de 1998 restée célèbre : « Le développement social et le développement économique ne sont que les deux faces cachées d'une même médaille. »

Pour information :

Christiane Lussier, coordonnatrice
418.528.6601
c.lussier@rqds.org
www.rqds.org

1 Loi sur le développement durable, Gouvernement du Québec, Avril 2006

2 L’intersectorialité est une dynamique de travail ensemble de différents secteurs, permettant à chaque acteur de sortir de son champ traditionnel pour concourir à la réalisation d’objectifs communs, de manière à moduler son intervention et à favoriser la pérennité des actions et des engagements.

3 ARUC-ISDC, Mars 2009

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4 février 2015

Modification

1 novembre 2024 12:14

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Pour citer cette note

Véronique Larose, Emily Mack, Joël Nadeau, Anne-Sophie Thomas, Gédéon Verreault. (2015). Mémoire présenté à la commission des finances publiques portant sur le projet de loi no 28. Praxis (consulté le 17 mai 2025), https://praxis.encommun.io/n/Jmld3DwijDMcfAIa4Ao5fiSpUTg/.

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