Retour sur la Nouvelle vague municipale, rendez-vous du 13 septembre 2024

Hier, j'ai participé au premier rendez-vous de la "Nouvelle vague municipale", qui a rassemblée près de 200 personnes, dont une centaine d'élu.e.s, des fonctionnaires, des chercheurs et plusieurs militant.e.s de la société civile. C'était une convergence de gens portant des orientations écologistes et progressistes, près des milieux d'économie sociale, du développement des communautés, de la transition socio-écologique.

Philippe Deschamps

Parmi les figures plus connues de la rencontre, il y avait l'ex-maire de Gatineau Maxime Pedneau-Jobin, l'ex-maire de l'arrondissement Rosement-La-Petite-Patrie François-William Croteau, le maire de Laval Stéphane Boyer, la mairesse de Sherbrooke Evelyne Beaudin et la nouvelle mairesse de Gatineau Maude Marquis-Bissonnette. Mais il y a avait aussi des figures très inspirantes et moins connues comme le maire de Prévost Paul Germain, la mairesse de Sainte-Anne-des-Lacs Catherine a Hamé, Laure Letarte-Lavoie qui est conseillère municipale à Sherbrooke, et Philippe Pagé, maire de Saint-Camille.

Il y avait des gens qui se qualifiaient de "réformateurs pressés", d'"idéalistes pragmatiques", même de "municipalistes", voulant opérer une transformation profonde du monde municipal québécois. On parlait de justice sociale, de petits changements mais aussi de réformes radicales, de crise du logement, de lutte aux changements climatiques, d'adaptation aux catastrophes naturelles qui se multiplient. On parlait de politique, de conflits, de tensions entre le pouvoir des élus et celui de l'administration publique, de résistance au changement, de solutions pour dénouer ces enjeux et propulser la transition.

Ce qui m'a le plus surpris, c'est que les élu.e.s n'avaient pas la langue de bois ou des discours préfabriqués qu'on entend souvent; on se confiait d'emblée sur les difficultés de la vie politique, les doutes et moments de découragement, mais aussi sur les désirs et élans qui font que les choses bougent et que des transformations très tangibles contribuent à revitaliser les communautés et changer la vie des gens.

Bien qu'il n'y a pas ici un "réel réseau" ou "structure politique" rassemblant tout ces gens pour le moment, je sens qu'un mouvement de gauche écologiste se consolide à travers tout le Québec à l'échelle locale. Au rendez-vous de la Nouvelle Vague, il y avait des élu.e.s de Montréal, Laval, Longueuil, Gatineau, Sherbrooke, mais aussi d'une série de petites municipalités d'une douzaine de régions du Québec. Qui plus est, loin d'être un événement organisé exclusivement d'élu.e.s, 50% des personnes venaient de la société civile, avec une grande porosité dans les interactions, les idées et les approches.

Dans mon livre À nous la ville! (2017), je rêvais d'une sorte de réseau d'action municipale visant à accélérer la transition socioécologique et la démocratisation des institutions à l'extérieur des structures corporatistes comme l'Union des municipalités du Québec (UMQ) et de la Fédération québécoises de municipalités (FQM). Or, hier fut le premier événement politique du genre à rassembler autant d'élu.e.s d'une même "famille idéologique" à l'extérieur de de l'UQM et la FQM. Ce n'est pas rien.

Suite à la Vague écologiste au municipal de 2021 à laquelle j'ai contribué, il y a eu près d'une centaine de nouvelles personnes qui se sont fait élire avec une orientation claire en terme de transition socio-écologique. Cette "première vague" a notamment donné naissance au Caucus écologiste municipal, créé en 2022, qui rassemble maintenant plus de 600 élu.e.s locaux. En 2025, qui sait si la "Nouvelle vague" fera en sorte que les forces progressistes deviendront hégémoniques dans les institutions municipales à la grandeur du Québec?

Pour ma part, je trouve que l'énergie présente hier, l'enthousiasme et le sérieux des gens qui ont participé à ce premier rendez-vous me donne espoir pour la suite. La gauche québécoise est en train de se recomposer, à l'extérieur de Québec solidaire notamment, bien que plusieurs solidaires étaient présents à l'événement. Mais il avait aussi des figures plus près du PQ, NPD, ou Parti vert, des gens sans affiliation partisane ou dont j'ignore les allégeances.

Mais ça faisait du bien de voir que des gens peuvent se parler, se comprendre et nouer des solidarités malgré si des divergences plus grandes peuvent se manifester au niveau des autres paliers de gouvernement. C'est à la fois la beauté, le défi et la fragilité des coalitions hétéroclites propres à la politique municipale, surtout que les appareils partisans ne sont pas organisés à tous les niveaux comme en Europe.

Pour finir, j'aimerais inviter mes ami.e.s progressistes et camarades à prendre au sérieux le renouvellement de la politique municipale québécoise et l'émergence d'une gauche hétéroclite à cette échelle, surtout dans un contexte où les appuis solidaires stagnent depuis un long moment. Pour le moment, le point de gravité de cette nébuleuse se tient au centre-gauche de l'échiquier politique, avec une forte opposition au gouvernement Legault et aux idées conservatrices en général. Si on additionne l'ensemble des habitant.e.s des territoires gouvernés par des mairies progressistes au Québec, on doit se rapprocher de 40% de la population québécoise. C'est énorme.

Philippe Deschamps

Un dernier élément à ne pas négliger non plus; la "gauche municipale" de l'administration Plante depuis 2017 a notamment déçu beaucoup de gens pour diverses raisons, malgré plusieurs accomplissements importants qu'on oublie trop souvent. Or, tout se passe comme si les contradictions et limites rencontrées par Projet Montréal, avaient été interprétées comme un "échec" du réformisme municipal en général, alors qu'il se passe beaucoup de choses hyper-inspirantes ailleurs au Québec.

Regardons Gatineau, Longueuil, Saint-Camille, Petit Saguenay, et même Laval, qui vient tout juste d'annoncer un nouvel écoquartier sans-voiture sur un terrain de propriété publique à 100%, avec 50% de logement social et abordable dans une première phase. Je suis particulièrement fier de cette ville où j'ai passé la moitié de ma vie, qui va bientôt lancer des assemblées de quartier pour renforcer la participation citoyenne locale, qui a fait un grand ménage dans son administration après des décennies de corruption, qui a créé un bureau de l'innovation sociale et la transition socio-écologique, et qui semble bouger beaucoup plus vite que Montréal qui a une administration municipale encore plus lourde. Une "petite révolution" se passe à Laval, sous le radar, tout comme dans dizaines de municipalités au Québec.

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Intégré par Joël Nadeau, le 21 septembre 2024 18:46
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Municipalisme

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Publication

14 septembre 2024

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30 septembre 2024 09:45

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Pour citer cette note

Jonathan Durand Folco. (2024). Retour sur la Nouvelle vague municipale, rendez-vous du 13 septembre 2024. Praxis (consulté le 22 mai 2025), https://praxis.encommun.io/n/OCYfMxwZj1fPUC2FVlz3W_fB1yw/.

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