
Cette note collige les savoirs qui ont été récoltés lors de l'activité Abundant Intelligences: Construire des connaissances au-delà des frontières | Building Knowledge Across Bounds, qui s'est déroulée lors de la Journée des savoirs ouverts 2024.
Résumé de l’activité
Cette conversation, animée par Robert Marinov et Ceyda Yolgormez, a exploré comment les systèmes de connaissances autochtones peuvent enrichir le développement de l’intelligence artificielle (IA) pour en faire un outil plus respectueux et inclusif. Le projet de recherche Abundant Intelligences rassemble un réseau interdisciplinaire de chercheur·euses, dont 65 % sont autochtones, avec une approche axée sur la régénération, la réciprocité et la générosité.
1. Le projet Abundant Intelligences
L’initiative vise à intégrer des savoirs autochtones dans les modèles d’IA afin de soutenir les communautés autochtones tout en développant des applications d’IA bénéfiques pour tous·tes. Ce projet comprend 47 collaborateur·rices répartis dans six pôles internationaux. L’équipe du projet aborde les impacts sociaux de l’IA, soulignant que ces systèmes influencent profondément les structures sociales et culturelles.
Les trois questions à la base du projet de recherche :
- Comment pouvons-nous intégrer et adapter les méthodes informatiques avancées existantes aux systèmes de connaissances autochtones?
- Comment pouvons-nous développer de nouvelles pratiques informatiques dans des contextes autochtones pour soutenir l’épanouissement des communautés autochtones?
- Comment pouvons-nous utiliser les connaissances que nous générons pour contribuer à orienter le développement de l’IA en général vers un avenir plus humain?
2. Les sept clés pour une recherche interdisciplinaire et interculturelle
Les deux intervenant·es ont présenté les fondements méthodologiques de leur approche, en sept thématiques, pour conduire une recherche respectueuse et transversale, en combinant perspectives autochtones, interculturelles et interdisciplinaires :
- Faire du team building (renforcement d’équipe)
- Définir les problèmes / situations
- Comprendre le type de recherche à mener
- Reconnaître le rôle clé du leadership et du soutien / supervision
- Partager des épistémologies, des méthodes et des cultures
- Favoriser une participation active entre les disciplines et les acteur·rices
- Prôner la réciprocité et l’évaluation des collaborations
3. Autres projets liés à l’IA et aux connaissances autochtones
Plusieurs initiatives sont également en cours, telles que Abundant Memory, Relational Intelligence: Dialogue-Based Methodologies for Indigenous AI Project Design, de Migueltzinta Solís, Envisioning Indigenous Methods in Artificial Intelligence (EIMAI), d’Ashley Cordes, et FLAME: Fire and Land Management Enhanced by AI and Indigenous Expertise, d’Éliane Ubalijoro, chacune visant à intégrer des perspectives autochtones pour des applications d’IA mieux adaptées aux besoins des communautés.
Discussion et échanges : surmonter les frontières et établir la réciprocité
La période d’échange a permis d’aborder les défis des projets interculturels et interdisciplinaires. Les participant·es ont partagé leurs expériences de collaborations respectueuses, en soulignant l'importance de bâtir des liens de confiance et de prendre en compte les réalités communautaires.
Questions du public et réponses des animateur·rices
- Bounds vs Boundary : La distinction entre les limites (« bounds ») comme points d'interface, et les frontières (« boundary ») plus strictes, a été discutée pour clarifier la nature des collaborations interculturelles.
- Collaborations avec des partenaires diversifiés : Les animateur·rices ont rappelé la nécessité d'une communication continue, d’une concertation et d’un travail soutenu pour concilier des perspectives très différentes.
- Inclusion des artistes et des minorités dans l’IA : Le parallèle a été fait avec d’autres communautés marginalisées, soulignant que l’IA, formée sur des données provenant de la majorité, ignore souvent les cultures minoritaires, y compris les cultures autochtones.
Réflexions et défis soulevés
Les participant·es ont échangé sur la façon de garantir une approche respectueuse en se demandant ce que signifie un « succès » dans ce type de projet. Quelques idées clés ont émergé :
- La création de liens : Le succès d’un projet repose sur le temps consacré à construire des relations de confiance, un processus reconnu comme crucial mais encore peu valorisé dans le milieu académique. Il faut y aller petit à petit et reconnaître que bâtir des liens de confiance est un travail de longue haleine.
- Intentionnalité et réciprocité : Les collaborations doivent aller au-delà de la collecte de données et des bénéfices académiques. Des cadeaux symboliques et des pratiques de réciprocité sont essentiels pour respecter les gardien·nes des savoirs dans les communautés autochtones. Toutes les parties prenantes doivent être impliquées dès le démarrage du projet.
- Respect des besoins des communautés : Ce sont les communautés qui définissent les enjeux prioritaires; les chercheur·euses jouent un rôle d’accompagnement.
En conclusion, les animateur·rices ont encouragé une approche de collaboration dans laquelle les systèmes de connaissances variés peuvent coexister et s'enrichir mutuellement, même sans une compréhension totale et réciproque. Le projet Abundant Intelligences incarne cet idéal de pluralité des savoirs, visant à repousser les limites de l’intelligence artificielle en intégrant des visions diversifiées et ancrées dans les réalités autochtones.