L'Occident vote contre le reste du monde

Cette publication provient originalement du profil Facebook de Jonathan Durand Folco

Outre l'Afrique du Sud qui a lancé une requête à la Cour de justice internationale concernant le génocide à Gaza par Israël, il y a la Turquie, la Malaisie, l'Indonésie et l'Organisation de coopération islamique (qui représente 57 États de trois continents) qui ont appuyé cette initiative. En Amérique latine, des pays comme la Colombie, le Chili et la Bolivie ont rompu leurs liens diplomatiques avec Israël dans le premier mois du conflit.

On peut ainsi constater l'immense fossé qui sépare les pays du Nord et du Sud global sur cet enjeu, ou de façon plus nette encore, l'écart énorme entre l'Occident et le reste du monde.

On peut y voir ici la présence de l'impérialisme américain qui sert d'appui direct au génocide du peuple palestinien via la vente d'armes, les pressions politiques et diplomatiques pour protéger l'État israélien, mais aussi l'appui tacite de pays comme le Canada, le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne qui ne font guère pression pour stopper le génocide en cours.

Il s'agit là d'une faute importante sur le plan moral et juridique, car la Convention de Genève stipule que tous les États ont une obligation de prévention et de répression du crime de génocide. L'Occident a échoué à prévenir le présent génocide, en raison de l'absence d'interventions préalables vis-à-vis Israël qui a systématiquement ignoré les décisions des Nations unies depuis des décennies, a mis en place un régime d'apartheid et une occupation des territoires palestiniens qui bafouent le droit international.

L'impunité dont jouit Israël, qui n'a jamais eu à se conformer aux règles du droit international, fait en sorte que le gouvernement d'extrême droite de Netanyahu se sent autorisé à massacrer des dizaines de milliers de civils et de faire ce qui bon lui semble, croyant qu'il se trouve au-dessus des lois, tel un tyran. Les États-Unis sont directement complices de cet État voyou, car sans leur aide sur le plan financier, diplomatique et militaire, Israël serait en pénurie de bombes et d'armement depuis un bon moment déjà.

Mais les autres États occidentaux, regardant passivement Israël commettre d'innombrables crimes de guerre et de crimes contre l'humanité à l'endroit du peuple palestinien, sont également complices de cet état de fait, à l'instar d'une bande d'enfants qui laissent un "bully" ou un intimidateur tabasser un autre enfant vulnérable au milieu de la cour d'école, sans agir ni porter plainte, soit par peur, soit par lâcheté, soit par soumission, et/ou par adhésion à cet état de fait.

Cette culture du silence, de l'indifférence, de la déshumanisation, du fait de se fermer les yeux devant les pires atrocités contre l'humanité, représente l'échec moral de l'Occident. Il s'agit d'un aveu d'impuissance, de complaisance, de complicité, à incarner un idéal de respect, de dignité, de protection des droits humains, de tolérance et de démocratie, que l'Occident prétend incarner par ailleurs.

Après de longues tergiversations, certains souligneront que la plupart des pays occidentaux, comme le Canada, la France et d'autres pays européens, ont enfin adopté une motion de cessez-le-feu. Fort bien, mais c'est trop peu et trop tard, car il s'agit là encore de mesures symboliques, qui resteront impuissantes tant que le Canada continuera d'exporter des armes vers Israël, et tant que des pays comme la France, le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas, la Norvège et l'Espagne privilégieront de former une coalition internationale avec les États-Unis pour assurer la circulation des marchandises dans la Mer rouge face aux attaques du Yémen (lequel fait pression en appui au peuple palestinien).

Quand des containers valent plus que des vies humaines, on peut y déceler l'échec moral des pays soit-disant libres et démocratiques.

Le pire dans tout ça, c'est que lorsqu'il sera temps de barrer la route aux populismes d'extrême droite et au fascisme dans nos pays respectifs, les gouvernements "libéraux" auront épuisé leur légitimité morale et leur capital de sympathie. Aux États-Unis, Joe Biden est activement complice du génocide à Gaza ; au Canada, Trudeau ne fait preuve d'aucun leadership et continue de se fermer les yeux face au génocide; en France, bien que Macron ait changé de position face à Israël, il a voté une loi de déchéance de double citoyenneté appuyée par l'extrême droite; au Royaume-Uni, le premier ministre Rishi Sunak devient ami avec la néo-fasciste italienne Georgia Meloni avec qui il partage des affinités en matière de lois anti-immigration.

Un autre exemple du fossé Occident/reste du monde se trouve du côté de l'Assemblée des Nations unies du 7 novembre dernier, où les États ont voté diverses résolutions liées à la promotion d'un ordre international juste et démocratique, à la protection des droits humains et la diversité culturelle, l'usage de mercenaires et de sanctions dans le cas de violation des droits humains, etc. Le fossé entre l'Occident et le reste du monde est on ne peut plus évident.

Enfin, je ne dis pas ici que l'Occident se trouve du côté du Mal, ni que le reste du monde se trouve du côté du Bien; il existe bien des autocraties, dictatures et régimes totalitaires du côté non-occidental, à l'instar de la Russie, la Chine, la Turquie, la Corée du Nord. Mais je crois que l'idée selon laquelle l'Occident serait doté d'une supériorité sur le plan moral, culturel ou démocratique ne tient pas la route. Chaque pays doit être jugé au cas par cas, en fonction des idées présentes dans la société et des actions concrètes adoptées vis-à-vis différents enjeux sur le plan social et politique.

Aujourd'hui, l'appui, l'indifférence ou la résistance face au génocide du peuple palestinien à Gaza sert de baromètre sur le plan éthique, de boussole morale pour déterminer où se situe chaque pays face au pire crime contre l'humanité.

Le niveau de "développement moral" de chaque pays peut être déterminé en fonction de la manière dont les gouvernements traitent leur propre population, mais aussi comment ces mêmes gouvernements traitent les minorités en leur sein, ou encore les autres peuples et civils ailleurs dans le monde.

Au final, ce qui compte est comment chaque État traite l’humanité à l’intérieur ET à l’extérieur de ses frontières.

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Intégré par Marie-Soleil L'Allier, le 10 janvier 2024 09:40
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10 janvier 2023

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10 janvier 2024 10:12

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