La santé mentale des personnes racisées: de la violence au quotidien

Lorsque nous abordons la question de la santé en tant que personnes racisées, on nous rétorque assez souvent: “ce n’est pas pour nous”.  Pourtant notre quotidien est composé de micro-agressions et de violence qui chaque jour affectent un peu plus notre santé mentale,  mettre des mots dessus nous permet de mieux comprendre notre situation face à cela.

Le traumatisme racial: entre histoire et expériences

Le traumatisme racial connaît deux dimensions: l’expérience du racisme et la transmission des traumatismes de nos aïeux et aïeules ( guerres, les violences liées à la colonisation ou encore l’esclavage). En ce qui concerne la transmission, cela est de plus en plus étudié en biologie à travers notamment l’épigénétique.  Il y a donc une dimension transgénérationnelle, tout cela se transmet notamment via une modification des gènes.

Nous avons des études au sujet de la transmission des traumastismes des survivants de l’Holocauste ou encore de guerres, d’ailleurs nous pouvons retrouver le témoignage de plusieurs scientifiques confirmant ce postulat. Par la suite, les expériences du racisme constituent des traumatismes supplémentaires qui s’ajouteront peut-être  aux traumatismes passés. Par ces expériences qui peuvent être verbales, physiques ou même symboliques, nous pouvons observer des symptômes de stress post-traumatique dans certains cas d’après Deanne SIMMS Docteur en psychologie.

Au-delà du racisme dans sa forme la plus violente, il y aussi ces micro-agressions, le nano-racisme comme peut le nommer Achille Mbembé ces petites remarques qui prises isolément peuvent paraître anodines mais qui cachent tout de même un racisme, leur accumulation joue sur notre santé mentale. Achille Mbembé définit le nano-racisme comme “une forme narcotique du préjugé de couleur qui s’exprime dans les gestes apparemment anodins de tous les jours, au détour d’un rien, d’un propos en apparence inconscient, d’une plaisanterie, d’une allusion ou d’une insinuation, d’un lapsus, d’une blague, d’un sous-entendu et, il faut bien le dire, d’une méchanceté voulue, d’une intention malveillante, d’un piétinement ou d’un tacle délibérés, d’un obscur désir de stigmatiser, et surtout de faire violence, de blesser et d’humilier, de souiller celui que l’on ne considère pas comme étant des nôtres “ 

Une accumulation quotidienne qui pèse mais si l’on souhaite souligner le problème de ces petites interactions violentes, on va nous rétorquer que nous n’avons pas d’humour ou que ce n’est rien délégitimant ainsi  nos émotions. 

 

Le poids de la charge raciale

Le terme “charge raciale” est notamment évoqué par Rachid Bagaoui et également Maboula Soumahoro en s’inspirant des travaux de W. E. B. Du Bois avec la notion de double conscience abordé en 1903 dans son ouvrage Les Âmes du peuple noir (The Souls of Black Folk) ou encore de Frantz FANON qui aborde sans cesse le rapport qui peut avoir entre les blancs et les non-blancs dans un contexte colonial. En se regardant à travers les yeux d’une société blanche cela entraîne une pression supplémentaire qui nous pousse à anticiper ou “adapter” notre comportement afin de subir le moins de violence possible: 

  • Checker si un pays est raciste avant de réserver ses vacances,
  • Sourire plus souvent pour éviter “d’effrayer” une personne 
  • Faire en sorte d’être extrêmement présentable pour éviter une discrimination 
  • Garder son calme pour éviter que l’on nous reproche notre côté agressif, ou tout simplement aller à l’encontre des stéréotypes à l’égard de notre communauté afin de ne pas les confirmer, plus communément appelé  la menace du stéréotype. 

En tant que personnes racisées nous prévoyons des éventualités afin d’éviter des situations de violence. Comme a pu le préciser Maboula SOUMAHORO dans son essai  Le Triangle et l’Hexagone: Réflexions sur une identité noire,  la charge raciale c’est également  une   “tâche épuisante d’expliquer, de traduire, de rendre intelligibles les situations violentes, discriminantes ou racistes”.Nous devons sans cesse expliquer en quoi une situation est problématique et en quoi cela peut nous affecter, dans le meilleur des cas la personne en face nous comprend et prend en compte nos émotions, au pire nous faisons face à une personne complètement hermétique à notre discours en invoquant l’humour ou notre sensibilité… 

* Il est à noter que le texte a été écrit et réfléchi dans une contexte français, mais qui peut retrouver des similitudes avec le contexte québécois et canadien. 

Pour lire la suite du texte

padding Carnet(s) relié(s)

file_copy 141 notes
Santé - Enjeux, leviers et stratégies
file_copy 141 notes
person
Intégré par Samantha Lopez Uri, le 22 avril 2024 13:30
category
Approche inclusive, autochtone, féministe, Réfléchir (rapport, analyse, veille, opinion), Décoloniser la thérapie, Santé mentale, Fragilité du système de santé, Refondation du système de santé

Auteur·trice(s) de note

forumContacter l’auteur·trice

Communauté liée

Santé

Communauté Passerelles

Profil En commun

forumDiscuter de la note

Publication

22 avril 2024

Modification

24 avril 2024 14:50

Historique des modifications

Licence

Attention : une partie ou l’ensemble de ce contenu pourrait ne pas être la propriété de la, du ou des auteur·trices de la note. Au besoin, informez-vous sur les conditions de réutilisation.

Visibilité

lock_open public