Eco-anxiété et bibliothèques

AVAAZ a récemment financé une enquête sur l'eco-l'anxiété auprès de 10 000 jeunes dans 10 pays (Note 1). Elle est alarmante et nous pousse à l'action. J'en profite donc pour faire le point sur l'apport actuel et potentiel des bibliothèques à ce sujet et pour valoriser Éco-Motion, l'un des tous premiers collectifs à avoir pris le taureau par les cornes au Québec. Selon Avaaz, l’éco-anxiété, c’est la préoccupation, la frustration, la tristesse et même la colère que l’on peut ressentir face à la réalité de la crise climatique mais aussi face à l’échec répété de nos gouvernements à la résoudre. Il ne s'agit pas de “faire disparaître” l’anxiété, mais bien d’apprendre à vivre avec.

A cet égard, il serait urgent que les bibliothèques prennent davantage conscience de leur pouvoir d'agir et confortent avec davantage de force les bonnes volontés - comme Éco-motion - qui existent déjà. À travers leur facette fonctionnelle " Filet de protection sociale ", les bibliothèques aident en effet déjà la santé psychique en offrant des lieux de calme et de sécurité et divers ateliers (yoga, méditation, occasions de bouger et d’exercer sa créativité) accessibles gratuitement.

Toutefois, on dirait bien que les bibliothèques sont encore peu présentes mondialement sur le front de l'éco-anxiété. Une recherche avec « solastalgia » ou « eco-anxiety » dans les principales bases de données de recherche en bibliothéconomie (LISA ou LISTA) ne permet de sélectionner aucun article en dehors d’un éditorial de Rebecca Miller dans le Library Journal de décembre 2019, prenant acte de la difficulté à mettre des mots sur ce qui nous arrive collectivement et appelant les bibliothécaires à «ne pas attendre passivement que (les usagers) viennent nous demander de l'aide » et à « utiliser nos plateformes pour refléter et amplifier l'urgence que nous constatons et organiser la conversation ». La même recherche dans la base de données spécialisée en éducation (ERIC) fournit deux articles seulement discutant d’une part du retard du milieu scolaire lui-même à prendre action à cet égard au Canada (Acton et Saxe, 2020) et d’autre part du potentiel de l'art dramatique pour aborder le sujet avec des adolescents en Finlande (Lehtonen et Pihkala, 2021).

Il y a donc là, semble t-il, un énorme potentiel en dormance qui serait à explorer de toute urgence. Pour contribuer à protéger contre ce stress spécifique engendré par la crise climatique, il s’agit d’abord de faciliter l’expression et la conversation comme le propose par exemple Madeleine Charney en bibliothèque universitaire (note 2), mais aussi de contribuer davantage à offrir aux jeunes et moins jeunes des occasions de :

  • S’impliquer dans la communauté (et pour les bibliothèques il s’agit de contribuer à faciliter mais aussi valoriser cette implication) ;
  • Renouer les liens, y compris par la créativité et l’imaginaire, avec le milieu de vie, humain et non humain afin d’y retrouver la joie de rencontres impromptues, l’émerveillement envers le vivant et finalement contribuer à redonner du sens à nos vies ;
  • Retrouver le sentiment de communauté et la capacité à compter sur la solidarité de ses voisins et voisines ;
  • Reconstruire ses capacités à l’autonomie et à la responsabilité individuelle et collective.

Note 1 : Voici les principaux résultats de l'étude : Près de la moitié des jeunes interrogés dans le monde (45 %) affirment que l'anxiété climatique affecte leur vie quotidienne : leur façon de jouer, de manger, d'étudier et de dormir ; Plus de sept jeunes sur dix (75 %) pensent que "l'avenir est effrayant" - ce chiffre passe à 81 % chez les jeunes interrogés au Portugal et à 92 % aux Philippines. 58% ont déclaré que les gouvernements "me trahissent et/ou trahissent les générations futures", tandis que 64% ont déclaré que leurs gouvernements ne font pas assez pour éviter une catastrophe climatique. Près de quatre jeunes sur dix (39 %) ont déclaré qu'ils hésitaient désormais à avoir des enfants.

Note 2 : De nombreux outils existent pour faciliter l’expression positive des émotions et certains ont sans doute été déjà testés en bibliothèque. Par exemple le Cercle des préoccupations (30 minutes) proposée par https://ikigai.cri-paris.org/ qui permet aux participants d'identifier comment gérer leurs préoccupations en considérant ce qu’ils ou elles sont en mesure d'influencer et d'agir. Eco-Motion propose une offre complète à ce sujet. Avaaz propose également de partager son expérience en ligne.

Références

Acton, K. S., & Saxe, D. (2020). A Discussion of Critical Issues in Environmental Education : An Interview with Dianne Saxe. Journal of Philosophy of Education , 54 (4), 808‑816. https://doi.org/10.1111/1467-9752.12460

Lehtonen, Anna, Pihkala, Panu. 2021. Encounters with climate change and its psychosocial aspects through performance making among young people. Environmental Education Research 27(5):743‑61. doi: 10.1080/13504622.2021.1923663 .

Charney, Madeleine K. 2019. Climate Change Conversations in Libraries: A Sabbatical Training Adventure ». https://works.bepress.com/charney_madeleine/106/

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Réflexions d'une bibliothécaire qui veut en faire plus pour la transition
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Intégré par Pascale Félizat, le 15 mai 2023 14:11

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23 septembre 2021

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19 septembre 2023 09:53

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