Pourquoi la collaboration interdisciplinaire échoue et quelques pistes pour y remédier

Dans un monde où le changement fait office de nouveau permanent et où les secteurs d’activités changent à vitesse grand V, il est devenu impossible de tourner le dos à la collaboration entre des savoirs multiples.

Problème : la multiplicité des expériences et des personnalités vient ajouter une couche de complexité à une collaboration déjà contrariée dans les milieux professionnels.

Au mieux stérile, au pire conflictuelle, qu’est-ce qui fait que la collaboration entre profils divers ne fonctionne pas ?

Éclairage avec Aurélia Juif-Leclerc, consultante organisationnelle spécialisée dans le développement de la collaboration.

La collaboration : bien plus qu’un partage de tâches

L’action de collaborer fait souvent l’objet de nombreux raccourcis et amalgames qui viennent couper court à la coopération dès la première rencontre autour d’un projet. Les plus répandus : Collaborer = se séparer les tâches, bien s’entendre ou échanger de l’information.

En réalité, collaborer c’est :

  • L’action de contribuer à un projet commun en y apportant de la valeur complémentaire à celle des autres personnes.

  • Prendre sa part de responsabilité pour garantir de bonnes conditions de réalisation sur le plan humain et opérationnel.

Par essence, collaborer pousse donc au travail interdisciplinaire et suppose de mettre à l’œuvre des compétences au-delà de celles qui servent directement le projet au niveau opérationnel.

Par exemple, la capacité des équipes à comprendre des logiques de travail différentes des leurs (flexibilité mentale), à articuler des compétences diverses (créativité), ou à se responsabiliser soi-même pour aider l’action collective.

Le cœur du problème : on ne se comprend pas

La réalité de chaque métier repose sur un ensemble d’éléments complexes visibles (tâches, outils, compétences) et invisibles (interrelations entre des processus et des personnes, les forces, valeurs, aspirations, et style de communication de la personne).

Au lancement d’un projet, le tort est bien souvent de se limiter à la question « qui fait quoi ? ».

C’est négliger tout ce qui rend la collaboration possible : au lieu de coconstruire une trajectoire commune, on ne fait que segmenter et répartir des actions isolées.

Quoi faire ?

Pour que la collaboration interdisciplinaire fonctionne réellement, il est indispensable d’adopter une approche intégrative.

Cela suppose de ne plus penser en termes de rôles et de responsabilités isolées, mais de contributions au projet commun.

  • Impliquer les personnes concernées dès l’idéation du projet.
  • Se poser collectivement des questions telles que :
    • Comment pouvons-nous jouer avec nos complémentarités, nos expériences acquises et nos forces naturelles ?
    • De quoi chaque collaborateur.trice a besoin pour bien faire son travail et que doit-il/elle faire pour les autres ?
    • Qu’est-ce que chacun.e a envie d’apprendre de nouveau qui pourrait le motiver dans ce projet ?

Cette démarche ne doit plus être ponctuelle ou vue comme une « bibitte bizarre » mais intégrée dans les processus de travail : il en va de la performance et du bien-être des projets, des équipes et donc des organisations.

Le poids des jugements implicites (…ou pas !)

Un des grands tabous de la collaboration interdisciplinaire réside dans les jugements (souvent inconscients) sur la valeur perçue des métiers.

On oppose par exemple les décideurs pensants aux faiseurs opérationnels et on observe encore des discriminations liées à l’âge, au genre ou à l’ancienneté, etc.

Selon les secteurs, ces discriminations ne se feront pas dans le même sens.

Avant de collaborer efficacement, il faut donc souvent passer par une phase de déconstruction des représentations et de reconnaissance mutuelle de la valeur de chacun.e.

  • Pour une part, il s’agit de valoriser leur légitimité à agir de façon stratégique pour l’organisation (par exemple en les incluant dès le début des projets ou en explicitant clairement leur valeur).
  • Pour l’autre part, il s’agit d’adopter une posture d’humilité qui vise à faire entrer l’expertise et l’expérience des autres dans leur écosystème de valeurs.

Quoi faire ?

Puisque ces jugements de valeur sont systémiques, les changements doivent passer par la culture organisationnelle.

  • Intégrer des dispositifs de collaboration au sein même des processus projets et en dehors (va bien au-delà des initiatives de teambuilding).
  • Mettre des délais réalistes et prendre du recul sur la culture de l’urgence qui pousse à chercher des solutions rapides (mais souvent à la mauvaise place) plutôt qu’à bâtir des ponts entre les métiers.
  • Créer des temps de respiration pour couper la sur-surcharge de travail qui enferme chaque professionnel.elle, peu importe le niveau hiérarchique, dans son silo, ses habitudes et ses préoccupations.

Collaborer efficacement entre différentes disciplines, ce n’est pas chercher à devenir expert.e du métier de l’autre. C’est adopter une posture d’ouverture, de curiosité, et de complémentarité. C’est considérer l’organisation comme un écosystème où chaque personne, chaque équipe, joue un rôle essentiel.

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Publication

9 juin 2025

Modification

9 juin 2025 15:00

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Pour citer cette note

Aurélia Juif-Leclerc. (2025). Pourquoi la collaboration interdisciplinaire échoue et quelques pistes pour y remédier. Praxis (consulté le 22 juin 2025), https://praxis.encommun.io/n/TEW864_3YHGz2RiY_fCAUoCFJHE/.

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