JDSO 2023 - Qui est qui, dans les savoirs ouverts?

Crédit: Melanie Lambrick

Cette note est un témoignage de Alexandre Enkerli réalisé suite à sa participation à la Journée des savoirs ouverts 2023. Pour voir l'ensemble des témoignages, accédez au carnet Témoignages des participant·es à la Journée des savoirs ouverts 2023.

Cette première Journée des savoirs ouverts 2023 (#JDSO2023), c’était une occasion de se (re)voir, entre membres d’une certaine scène sociale au Québec. Dans ces salles du Robin des bois régnait une atmosphère somme toute assez conviviale, qui menait à des discussions diverses… tournant beaucoup autour de l’accès aux savoirs ouverts. Pas beaucoup de remous. 

Pour certaines personnes, c’était une journée qui portait trop sur l’intellect. Pourtant, un fort désir d’action animait de nombreuses interactions. Et, parmi les personnes attirées par l’événement, beaucoup qui se définissent comme activistes et/ou comme membre de groupes communautaires, selon certaines données recueillies au cours de l’événement.

Photo de l’exercice des fils et des pots selon le type de sphère d’action et le type d’action

Pour un organisme comme Projet collectif, une logique de communauté de pratique transparaît dans une façon d’établir des ponts entre divers groupes. Découvrir, approfondir et passer à l’action, à travers divers moyens (y compris des plateformes comme Passerelles et Praxis, les fameuses « Plateformes En commun » lancées officiellement la soirée-même).

Photo de l’exercice des fils et des pots selon le type de sphère d’action et le type d’action, plus spécifiquement: passer à l’action, approfondir, découvrir

C’est peut-être un peu le modèle des « Deux boucles », selon Deborah Frieze et Margaret Wheatley alors à l’Institut Berkana. Entre un modèle en déclin (le pic pétrolier, par exemple) et l’émergence d’un nouveau modèle (d’autres sources d’énergie), il y a une transition à soutenir qui passe beaucoup par des passerelles entre diverses initiatives. Comme ce modèle a influencé quelques parties prenantes dans la scène de l’innovation ouverte au Québec, le lien n’est peut-être pas trop abusif. Évidemment, il y en a plein d’autres.

Il y a aussi la question de « trouver les autres » (“Find the Others”), selon une citation de Timothy Leary, souvent utilisée par Douglas Rushkoff qui l’a reçue directement de Leary.

https://www.youtube.com/watch?v=tn_fdSyZFL0

Il y a (au moins) deux façons de comprendre cette citation. D’un côté, il y a les gens « comme nous ». Nos « semblables ». On pense alors aux groupes affinitaires de l’action sociale (“likeminded people”). En construisant, propulsant, maintenant et amplifiant une communauté de pratique, on tente souvent de trouver des alliances favorables, des gens avec qui mener l’action sans avoir à débattre de valeurs fondamentales. De tels groupes possèdent cette qualité ineffable qu’Hanifan  a nommé « capital social » dans un texte de 1916 repris par Robert Putnam depuis le début des années 1990 (acception bien différente de celle de Pierre Bourdieu). Dans une communauté, le capital social est un peu comme une confiance mutuelle qui permet aux membres d’agir en cohésion en se libérant du fardeau de la méfiance. Au Québec, certaines communautés régionales semblent mues par un grand capital social alors que d’autres sont peut-être fragilisées par un climat de méfiance. La solidarité pour se sortir du royaume du « voisin gonflable  »?

Donc, de ce côté de l’injonction de « trouver les autres », cette idée de se réunir entre personnes bien pensantes pour mener une action commune. Les savoirs ouverts portent vers une telle dynamique.

Très fort, comme impulsion.

Et cette force provient de passerelles établies entre sphères d’action.

Dans ce que j’ai pu comprendre suite à l’événement, les activistes pour la transition socioécologique ont peu l’occasion d’interagir avec des membres d’autres groupes. Pourtant, le succès de cette transition dépend d’une approche large, qui tire parti de nombreux savoirs. Il y a un grand intérêt à accepter que d’autres personnes détiennent des connaissances qui nous sont nécessaires. Par souci de justice épistémique (#EpistemicJustice), il est même important de se poser une question profonde: Qui décide de ce qui constitue une connaissance qui doit être diffusée? Parmi les partenaires du mouvement vers les savoirs ouverts, toute une reconnaissance des savoirs autochtones vise à dépasser la donnée, l’information et même la connaissance pour aller vers la sagesse.

En filigrane de l’événement, cette idée que nous croyons à l’importance de diffuser des savoirs de la façon la plus ouverte possible. Assez UNESCO, comme perception. Par exemple dans cette approche internationale (et non mondiale ou glocale) de la science ouverte. Ou dans la concentration, en lien à une partie de la sphère de l’éducation ouverte et libre, vers les ressources éducatives libres  (REL).

Au-delà de tout ça, il y a toute la sphère d’action vers la libération des savoirs dans leur création même. Diffuser les savoirs, depuis les hauts lieux du savoir vers la population la plus large possible… très légitime. Co-construire des savoirs divers sans tenir pour acquise la relation entre connaissance fondée et pouvoir social? Pas toujours évident. Pour décoloniser nos savoirs, faudrait déjà remarquer que nos modèles sont colonisés dans leur menu détail.

Enfin, toute cette parenthèse, c’est au sujet des « autres » qui participent à des sphères d’actions différentes tout en maintenant des valeurs communes avec l’ensemble du groupe. On prêche pour la paroisse… des savoirs libérés ou au moins ouverts.

Il y a aussi cette idée de trouver ces autres qui ne sont pas comme nous. Ces personnes qu’on ne côtoie que rarement, souvent par obligation. Ces parties prenantes qui entrent dans une dynamique d’altérité, que Buckles et Chevalier proposent de mobiliser selon l’analyse sociale CLIP (Conflit/Collaboration, Légitimité, Intérêts, Pouvoir; le texte du guide est disponible gratuitement en français sous une licence libre CC BY-NC 2.5 sur le site de SAS^2 Dialogue). Pour encourager des membres de la société à participer à un mouvement pour les savoirs ouverts, on se doit d’inclure des personnes qui ne partagent pas nos valeurs.

De telles personnes étaient-elles présentes à la première JDSO? Sans doute. Les avons-nous entendues ? Pas tant. Surtout qu’elles peuvent être difficiles à identifier. Les valeurs, on les porte peu sur nos visages.

Je me rappelle quand même une brève interaction, qui me porte à croire que certaines voix ont été moins entendues. Après un atelier qui (suite à un malentendu) s’est terminé par une courte présentation au sujet de BAnQ, quelqu’un demandait ce que les « personnes normales » pouvaient faire pour s’impliquer. Cette personne n’était pas intervenue au cours de l’atelier. Il y avait une certaine hésitation dans sa posture. Sans trop l’analyser, la mémoire de cette personne me rappelle l’importance de quelques « angles morts ». L’inclusion est toujours active, même si l’exclusion peut se faire sans effort particulier.

Qui donc fait partie du mouvement pour les savoirs ouverts ? Tout le monde, oui. Pas toujours de la façon à laquelle on s’attend. Et il y a plusieurs zones d’isolement, dans notre vaste réseau.

Il y a fort à parier que beaucoup des personnes présentes au Parc Lafontaine ont de nombreux contacts en commun avec la majorité des participantes. Les plateformes En commun permettront peut-être d’identifier la densité des réseaux de contacts, un peu comme on pouvait le faire sur LinkedIn à une certaine époque (avant l’achat de cette plateforme par une des entreprises désignées par l’expression « GAFAM », utilisée chez Projet Collectif comme si ces entreprises étaient unifiées et distinctes).

On saura alors « qui est qui » dans les savoirs ouverts.

Au Québec.

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Intégré par Alexandre Enkerli, le 11 décembre 2023 17:58

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Montréal, QC, Canada

Publication

11 décembre 2023

Modification

16 avril 2024 09:48

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