Comprendre les ressorts de la démarche d'expérimentation réglementaire de la Maison de l'innovation sociale
Cet atelier de l'Expo Montréal en commun a offert aux participant·es l'opportunité d'analyser les freins à l'innovation réglementaire dans un contexte de transition socioécologique, tout en identifiant des leviers pour transformer les cadres existants.
En s'appuyant sur des expérimentations concrètes issues de la démarche Montréal en commun (MeC), les participant·es ont pu repenser la réglementation comme l'expression de valeurs à concilier, plutôt que comme un cadre figé.
Cette expérience a été marquée par des échanges enthousiastes et des discussions riches. La participation active et ouverte des personnes présentes a créé une dynamique remarquable de partage des connaissances, où chacun·e a pu apporter son point de vue et son expertise.
📌 Cette note fait partie de la synthèse des ateliers de l'Expo Montréal en commun qui a eu lieu le 13 mars 2025 au Palais des congrès de Montréal.
👥 Présentation et facilitation
Malik Dahbi-Talbot, Greg Labrosse, Demi Bégin et Laurence Richard
Maison de l'innovation sociale (MIS)Nancy Giguère
Bureau de la transition écologique et de la résilience de la Ville de Montréal (BTER)Geneviève Baril
École national d'administration publique (ENAP)
🏢 Le projet collaboratif « Décarbonation des bâtiments»
Le projet présenté est mené par le Bureau de la transition écologique et de la résilience (BTER) et la Maison de l’innovation sociale (MIS), et vise à accélérer la décarbonation des bâtiments à Montréal. Ce projet illuste comment une démarche de coproduction et de prototypage peut permettre de dépasser certains freins réglementaires.
Objectifs du projet
Le projet avait pour but de :
- Mieux comprendre les freins réglementaires à la décarbonation des bâtiments et d'identifier où et comment ils pourraient être atténués;
- Concevoir et tester des solutions réglementaires concrètes, tout en peaufinant la méthodologie du LICER dans une optique de réplication.
Partenaires
Le projet de décarbonation des bâtiments est une initiative collaborative menée par le Bureau de la transition écologique et de la résilience (BTER) de la Ville de Montréal, en partenariat avec la Maison de l’innovation sociale (MIS), à travers sa démarche d’expérimentation réglementaire connue sous le nom de Laboratoire d’innovation pour la conciliation des enjeux réglementaires (LICER).
Contexte
Ce projet part d’un constat simple : les technologies qui réduisent les émissions liées aux bâtiments existent et évoluent rapidement, mais leur adoption est freinée par plusieurs facteurs, dont les coûts, la réglementation – notamment municipale – et la complexité des procédures administratives. La réglementation est souvent perçue comme un contexte rigide, alors qu’elle peut devenir un véritable levier de changement. Elle traduit les valeurs d’une société, et c’est justement là que réside l’enjeu : comment concilier des valeurs parfois en confrontation dans un contexte de transition socioécologique?
Une démarche en trois phases
1. Compréhension partagée et mobilisation
- Réunir des participant·es – au total 47 personnes mobilisées – provenant notamment des 19 arrondissements de la Ville de Montréal (urbanistes), ainsi que des architectes et des installateurs d’équipements.
- Construire une compréhension commune des freins et des leviers de changement.
- Amorcer la création d’une communauté de pratique pour faciliter l’appropriation et l’application des solutions à venir.
2. Cocréation des solutions réglementaires
- Organisation d’ateliers de prototypage réglementaire autour de cas concrets, comme l’installation de panneaux solaires.
- Précision des règlements à l’échelle des articles pour en examiner les possibilités d’évolution.
- Analyse du parcours utilisateur d’un demandeur de permis : identification des irritants, blocages, contradictions.
3. Mise à l'essai et apprentissages
- Mise en place d’un test de plateforme de simulation d’installation de panneaux, pour tirer des apprentissages sur l’expérience utilisateur et les obstacles réglementaires en contexte réel.
- Ce travail a permis de mettre en lumière les intentions derrière chaque frein réglementaire (ex. : sécurité, esthétisme, cohérence urbaine), et de questionner lesquelles de ces valeurs doivent primer aujourd’hui, et lesquelles peuvent évoluer.
Atelier participatif d'analyse des freins à l'innovation
À partir de cas concrets et à l'aide d'un gabarit, les participant·es ont identifié : les freins réglementaires rencontrés dans leurs milieux; les valeurs actuelles portées par les règlements; les nouvelles valeurs à intégrer; ce que le territoire aurait à gagner en innovant; ce qu’il serait pertinent de conserver des cadres en place.
💭 Réflexions transversales des participant·es sur l'exercice
- L’exercice a été jugé intéressant et stimulant par les participant·es. Les animateurs ont toutefois reconnu qu’il pouvait être difficile de s’y projeter pleinement, puisque les participant·es n’avaient accès qu’à un court extrait de la démarche réglementaire servant d'exemple pour stimuler la réflexion.
- Ont tout de même émergé des réflexions riches, des points de vue variés, et une compréhension commune de la complexité des freins, qu’ils soient réglementaires ou non.
- Plusieurs participant·es ont aussi relevé que certaines valeurs sous-jacentes, comme l’ordre ou la sécurité, reviennent souvent dans les règlements et renvoient à la question du « vivre ensemble ». Ces valeurs méritent d’être questionnées et mises en dialogue avec des valeurs émergentes dans un contexte de transition telles que l’accessibilité, la durabilité et la justice sociale.
- Il est difficile pour les citoyen·nes de savoir ou de comprendre ce que permettent réellement certains règlements, par exemple ceux liés au bruit. Qu’est-ce qui est autorisé ou non ? À partir de quand le bruit devient-il excessif ? Le manque de repères clairs ou faciles à consulter a soulevé des questions sur la façon dont les règlements sont communiqués et compris dans la vie de tous les jours.
💬 Apprentissages clés, valeurs et tensions
Lors de la plénière, les participant·es ont été invité·es à partager leurs apprentissages clés de l'atelier : qu'est-ce qui les a surpris? Qu'est-ce qui a changé leurs perspectives ou permis de se remettre en question?
🧱 Segmenter et comprendre les barrières
- À la table ayant travaillé sur la réutilisation des eaux grises, les participant·es ont apprécié le fait de partager des idées et de chercher à identifier les barrières à l’innovation.
- Iels mentionnent au passage la richesse des profils autour de la table – élu·es, urbanistes, représentant·es d’organisations, technicien·nes – a nourri la qualité des échanges et permis de croiser des points de vue complémentaires.
- Il a été noté qu’il est parfois difficile de localiser précisément la barrière : on ne sait pas toujours d’où elle vient.
- L’exemple discuté a révélé que les obstacles ne sont pas uniquement réglementaires, mais incluent aussi des enjeux d’acceptabilité, de coûts, et d’espace, en particulier pour les bâtiments existants.
- Le groupe a convenu qu’il y aurait beaucoup à gagner à rendre la récupération des eaux grises obligatoire dans les nouvelles constructions, afin de réduire la pression sur les infrastructures (aqueducs, égouts, usines de traitement) et de préserver l’eau comme ressource vitale.
- Discuter de sujets comme la préservation de l’eau revient à aborder des valeurs liées au bien commun.
⚡ Valeurs en tension dans les projets réglementaires
Concernant le règlement 16-049 sur l'espacement des collectes d'ordures :
- La valeur associée est celle de la propreté.
- Le souhait est de faire évoluer cette valeur vers une forme de responsabilisation citoyenne.
- Les effets attendus sont : diminution des déchets, réduction des émissions de CO₂ liées aux camions, tout en maintenant le respect des modalités de collecte.
Concernant les maisons secondaires en fond de lot :
- Les participant·es ont eu de la difficulté à identifier la valeur de départ de la réglementation. Une hypothèse évoquée : la sécurité.
- L’objectif serait d’aller vers plus d’accessibilité au logement, notamment pour les modèles bi-générationnels.
- Cette approche permettrait d’augmenter la densité, les revenus de taxes, et l’accès au logement.
- Cependant, des enjeux de viabilité des infrastructures et d’impact environnemental ont été soulevés.
🍃 Retour sur l'expérience du projet de décarbonation
Développé avec le Laboratoire d'innovation civique pour l'expérimentation réglementaire (LICER), cette période d'échanges à permis de mieux comprendre les tensions entre les valeurs et les conditions favorables à l'adaptation des règles dans une logique d'innovation publique.
Le projet de décarbonation des bâtiments mené avec le BTER s’est déroulé sur environ un an et demi de travail. Les arrondissements impliqués ont travaillé sur deux prototypes, aujourd’hui en deuxième boucle d’itération.
Malik Dehbi-Talbot a présenté comment, dans ce projet, les tensions entre différentes valeurs publiques ont été conciliées. À travers des exemples concrets, il a montré que le processus de coproduction a permis de transformer les freins réglementaires en leviers d’innovation, en intégrant les perspectives, l’expertise et la créativité des parties prenantes.
✉️ Une invitation est lancée!
Le plan d’urbanisme devant sortir en juin 2025, les arrondissements devront bientôt s’y conformer. C’est dans ce contexte qu’une invitation a été lancée : reprendre et adapter les prototypes développés dans vos plans d’urbanisme!
🤝 À retenir
Le fait de rédiger ensemble ajoute une valeur importante aux règlements, en les rendant plus solides et partagés.
🧩 Une approche reproductible
Au cœur du projet, la méthode LICER a permis de montrer qu’il est possible de transformer des règles perçues comme rigides en points d’appui pour l’innovation, en réunissant les acteur·rices autour d’une compréhension partagée des enjeux, et en travaillant à la précision réglementaire par le prototypage. Cette approche ouvre la voie à une révision constructive des règlements municipaux, dans un esprit de collaboration, de transparence et d’adaptation.
