Les ressources éducatives libres (REL) nous permettent-elles de sauver du temps?

En cette rentrée 2023, j’avais envie de démarrer la session du bon pied par une question philosophique qui semble si importante de nos jours : comment gagner du temps ? Et voulons-nous vraiment gagner du temps ? Notre temps est-il investi efficacement ? Depuis plus de 5 ans que je travaille à accompagner du personnel enseignant, des étudiants et étudiantes, des bibliothécaires et des conseillers et conseillères pédagogiques à créer des ressources éducatives libres (REL). Et la barrière que je rencontre le plus souvent : « Marilou, l’éducation ouverte semble intéressante et importante. Personne n’est contre la vertu ! Mais je n’ai pas le temps de faire des REL! ». Ce problème semble récurrent et ce que je constate c’est que peu de gens semblent vouloir travailler à trouver des solutions de fonds… car ils n’ont pas le temps. Pas le temps de trouver une solution à notre problème de temps… on semble tourner en rond 😊 Et si on prenait la responsabilité de s’obliger à ralentir pour analyser ce problème de temps et y trouver de réelles solutions?

Prenons la question qui nous concerne ici : comment arriver à sauver du temps dans la création de nos ressources éducatives pour nos étudiants et étudiantes, sans lésiner sur la qualité de ces ressources et sur le plaisir à les créer ? Et est-ce que c’est le bon objectif ? Est-ce bien là qu’il faut sauver du temps ? Et si on prenait le temps aussi de se mettre dans la peau de notre étudiant/étudiante pour comprendre ses besoins ? Est-il un simple récepteur de connaissances ? A-t-il des ressources financières infinies pour payer ses études ? Est-ce que tous les étudiants sont des hommes blancs sans besoins d’apprentissage particuliers ? On sait bien que non. Mais on se rappelle que nous n’avons pas un temps illimité pour créer ces ressources. Alors quels choix s’offrent à nous pour y arriver :

  • On crée notre ressource en visant rejoindre le plus d’étudiants et étudiantes possibles… mais c’est si difficile de rejoindre tout le monde, de prendre le temps de comprendre les besoins de tous nos étudiants et étudiantes. On se résigne alors à produire des ressources « légèrement » inéquitables… on manque de temps!
  • On ne crée pas de ressources mais on utilise plutôt des ressources existantes. Malheureusement, celles existantes en français sont plus limitées alors on choisit des ressources payantes, de plus en plus dispendieuses, parfois disponibles au format papier seulement. On sait que ça sera plus compliqué pour les étudiants et étudiantes à faible revenu qui devront prendre le temps d’aller à la bibliothèque tenter de mettre la main sur les quelques copies disponibles ou se numériser la copie en réserve sachant que ce n’est pas vraiment légal de numériser un livre au complet. Mais les étudiants et étudiantes ne sont pas non plus épargnés par le manque de temps, eux qui doivent travailler de plus en plus d’heures pour arriver à payer leurs études. On se résigne alors à leur offrir des ressources « légèrement » inéquitables… on manque de temps!

Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, la culpabilité monte en moi lorsque je sais très bien que ce que j’offre à mes apprenants n’est pas équitable… mais forcée d’admettre que j’ai mes limites.

La solution que j’ai fini par trouver, qui m’aide à me déculpabiliser et à sauver du temps : les ressources éducatives libres (REL). Mais bien sûr qu’au départ, ça demande un certain investissement de temps. Ce n’est pas magique. Mais la magie peut réellement opérer quand plusieurs personnes s’y mettent ensemble. Voici comment les ressources éducatives libres (REL) peuvent nous aider à augmenter la qualité tout en nous aidant à sauver du temps :

  • Le principe des REL c’est de ne plus travailler en silo. C’est de travailler ensemble dans un but commun : une éducation de qualité pour tous. C’est de laisser tomber la compétition. Nous sommes tous des alliés dans cet objectif. Nous payons tous le prix de nos mauvaises éducations.
  • Les REL sont faites pour être partagées, adaptées et modifiées et ce, gratuitement.
  • Le premier réflexe à développer c’est de vérifier si une ressource existe déjà avant d’en créer. Ainsi, on évite de réinventer la roue et on peut sauver du temps. Certains me diront que ça demande du temps de chercher des REL existantes car actuellement, il y a peu de répertoires centralisés, surtout en français au Québec. Et si on s’y mettait ensemble pour régler ce problème? On connaît les solutions. Il suffit d’une volonté d’une masse critique de gens pour y arriver.
  • Aujourd’hui, on demande au personnel enseignant l’impossible. La création de ressources éducatives telles que des vidéos ou des manuels exige plusieurs compétences : gestion de projet, expertise en édition, en médiatisation, en outils d’édition, en révision linguistique, en droit d’auteur, en gestion/dépôt/diffusion de documents, etc. Et si on demandait aux enseignants d’être principalement des pédagogues et experts de contenu et qu’on les encadrait adéquatement des outils et professionnels nécessaires pour tout le reste ? Quelle belle piste pour sauver du temps!
  • Sur le plan de la qualité, le principe des REL c’est que plus on met en commun nos différentes perspectives sur la connaissance, plus on peut espérer augmenter la qualité des savoirs produits. On peut y arriver de 2 façons : en partageant notre REL à tous, on invite les autres à bonifier la REL de leur perspective et la partager à leur tour ET/OU on peut cocréer notre REL avec différentes parties prenantes ayant différentes perspectives sur les savoirs. De plus, l’éducation ouverte nous invite à mettre en place des processus de cocréation et de validation de la qualité des REL. On nous invite aussi à être transparent sur les processus utilisés ou non afin d’aider l’utilisateur à faire ses choix d’informations. Bien sûr que cocréer une REL peut demander plus de temps si on ne sait pas cocréer de manière efficace. Mais si on se met ensemble pour apprendre à cocréer, c’est là que l’efficacité peut arriver plus rapidement! Et si on l’enseignait à tous nos étudiants et étudiantes en leur faisant créer eux-mêmes des REL ?
  • La pédagogie ouverte est pour moi une solution importante qui peut nous faire sauver du temps. La pédagogie ouverte nous invite à transformer nos apprenants en cocréateurs et cocréatrices de savoirs de qualité. Fini les travaux à jeter à la poubelle. On s’ouvre à cocréer avec eux le cours et les ressources éducatives libres (REL) du cours. On intègre leur perspective pour enrichir le cours. Et imaginez si tous les étudiants et étudiantes produisaient des REL de qualité pour tous, la quantité de REL disponibles exploserait! Et une fois leurs études terminées, ils pourront continuer à cocréer et partager leurs savoirs. Et en leur apprenant à cocréer, on les encadre à développer leur pensée critique. On ne leur demande plus d’être de simples récepteurs d’informations.
  • Et pour ceux qui se questionnent sur la place de l’intelligence artificielle dans tout ça, pour moi il faut justement apprendre aux étudiants et étudiantes à cocréer de manière efficace et éthique à l’aide des outils à leur disposition, incluant ceux de l’IA. Il est possible d’utiliser adéquatement les outils de l’IA pour utiliser, évaluer et cocréer des REL de qualité. Mais il faut enseigner ces nouvelles compétences à acquérir.  

Et un jour, peut-être, vivrons-nous dans une société où l’éducation ouverte sera la norme. Les savoirs éducatifs de qualité seront librement accessibles à tous, faisant de l’ombre à la désinformation actuelle. On ne perdra plus de temps à réinventer la roue, mais à réfléchir à partir des savoirs existants. On cessera de vouloir tout faire seul, en mode compétition et on saura cocréer avec l’expertise et la perspective des autres. Les institutions seront toutes équipées de laboratoires de création de ressources éducatives libres avec les outils et professionnels nécessaires pour encadrer les créateurs et créatrices. Les REL créées seront facilement accessibles et modifiables directement dans nos environnements technologiques que l’on connaît. Les savoirs scientifiques seront mieux compris de tous car il y aura un meilleur équilibre entre la production de communication savante VS de ressources éducatives libres vulgarisant ces savoirs pour tous. Il me semble qu’on dépasse ainsi nos nobles besoins de sauver du temps.   

padding Carnet(s) relié(s)

file_copy 10 notes
ÉDUCATION OUVERTE - Partage d'informations et de réflexions
file_copy 10 notes
person
Intégré par Marilou Bourque, le 30 août 2023 15:17

Auteur·trice(s) de note

forumContacter l’auteur·trice forumDiscuter de la note

Publication

30 août 2023

Modification

30 août 2023 15:17

Historique des modifications

Visibilité

lock_open public