Le métier de producteur agricole s’accompagne souvent de pressions financières, d’une lourde charge de travail et d’incertitudes considérables. Ces éléments sont souvent mis en avant pour expliquer comment se crée un environnement stressant dans lequel divers problèmes mentaux peuvent se développer et conduire à de la détresse psychologique. Des chercheurs belges ont réalisé des entretiens individuels et des discussions de groupe auprès de producteurs agricoles en 2019 afin de définir les facteurs de stress principaux qui affectent leur bien-être et d’en comprendre les causes profondes.
Deux facteurs sont principalement relatés par les participants : les réglementations et charges administratives ainsi que l’insécurité financière. D’abord, les aspects légaux et administratifs évoluent rapidement et se complexifient. Cela crée de nouvelles contraintes à la réalisation des activités agricoles, sans pour autant s’accompagner de bénéfices directs pour les producteurs. Ce facteur se manifeste par une charge de travail supplémentaire, de nouveaux besoins d’investissement, des frustrations et des incompréhensions. Entre autres, les normes et lois environnementales créent une pression énorme sur les producteurs, qui sentent parfois qu’on les tient pour principaux responsables de la dégradation environnementale. Le second facteur qui contribue largement à diminuer le bien-être des producteurs est l’insécurité financière créée par la volatilité des prix, le montant des dettes et les coûts d’investissement. Les producteurs dénoncent le fait que les produits agricoles ne soient pas rémunérés à leur juste valeur et ils associent cette problématique à un manque de considération de la société envers le métier qu’ils pratiquent. Parmi les conséquences de cette insécurité financière, les répondants soulignent qu’il leur est parfois impossible de rémunérer de la main-d’œuvre externe et que la charge de travail doit donc être assumée entièrement par eux-mêmes, ce qui contribue à l’épuisement et à l’isolement. Très clairement, les auteurs de cette recherche estiment que ces deux facteurs de stress trouvent leurs racines dans l’écart grandissant entre le monde agricole et le reste de la société. Les agriculteurs se sentent mal-aimés et se voient comme un groupe social de plus en plus marginalisé et de moins en moins autonome.
Les enseignements
L’intérêt premier de cette recherche sur la détresse en agriculture est de montrer comment les différentes pressions racontées par les agriculteurs témoignent au fond d’un climat social et politique qu’ils vivent comme étant « anti-agricole ». Les producteurs perçoivent que leur métier et les défis qui y sont associés ne sont pas pleinement reconnus ni par la population, ni par les gouvernements. Les relations entre les producteurs et celles avec les autres acteurs du système alimentaire, l’État et les membres de leur communauté s’affaiblissent. La sous-représentation de la population agricole au sein de de la population, l’isolement géographique et la distance cognitive contribuent à cet affaiblissement. Les agriculteurs en circuits courts ne sont pas distingués dans cette étude. Mais on peut rappeler que la reconnaissance sociale est l’une des sources de satisfaction régulièrement mise en avant par les agriculteurs de proximité.
pdf N°33, fiche n°5, juin – juillet 2024
Rédaction : Marilou Ethier, Patrick Mundler
Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)