Les conférenciers du dernier colloque de l’AQPERE L’éducation en transition ont insisté longuement sur le travailler ensemble dans toutes sortes de nuances qui m’ont donné à réfléchir. Il y a plusieurs raisons de s’engager résolument dans cette voie. Voici la première.

A partir de son vécu récent de leader du Pacte québécois pour la transition, Laure Waridel, a choisi la belle image des outardes qui se relaient à la tête du groupe pour illustrer son message : le combat sera long et nous devrons nous entraider dans le temps pour ne pas nous épuiser. Elle a aussi parlé de faire grandir la tarte : En collaborant, on n’a pas moins de ressources mais plus car on fait grandir le projet lui-même. Ces deux motivations sont les premières qui viennent à l’esprit : la collaboration permet d’avoir plus au final pour soi-même : plus de temps de repos, plus de subventions… Centré sur les moyens, le point de vue de Laure Waridel rejoint le concept de « Collective impact » du Center for the Future of Libraries de l'American Library Association : "Face à des ressources limitées et à des problèmes sociaux importants et persistants, les organisations de différents secteurs adoptent des programmes communs pour lutter contre les problèmes au sein de leurs communautés". On se met ensemble parce que le problème est trop gros pour y arriver tout seul avec ses seules ressources. Dis autrement c’est le « tout seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin ». C’est dans cet élan que s’est mis en place par exemple notre superbe mouvement des tables de quartier à Montréal et bien sûr nos très nombreux regroupements de bibliothèques dont les Réseaux BIBLIO ou Sofia, le récent catalogue commun aux 18 universités du Québec, deux fleurons de la bibliothéconomie québécoise.

C’est en effet un fait à redécouvrir tout particulièrement en temps de crise : À l’échelle individuelle, la loi du plus fort peut bien prévaloir par moments, à l’échelle du groupe c’est bien la loi de l’entraide qui assure le bien-être et la survie : Le groupe qui sait utiliser l’entraide aura plus de chances de survie que celui qui ne sait pas composer avec cette loi de la nature. Pablo Servigne (Note 1) a fait récemment un rappel salutaire des milliers de publications scientifiques qui attestent de « cette simple évidence que nous n’aurions jamais dû perdre : tous les êtres vivants s’entraident depuis la nuit des temps » à l’intérieur d’une même espèce et entre espèces. L’être humain est loin de faire exception, lui, dont la survie élémentaire est assurée – un exemple parmi bien d’autres – par les milliards de micro-organismes de son microbiote interne.

L’entraide, le travailler ensemble c’est une affaire de survie pour soi-même et surtout son groupe et sa descendance. On touche là au travailler ensemble entre générations : on survit bien plus surement grâce aux soins portés à nos enfants, à nos pairs et aux autres être-vivants de notre communauté que grâce à la richesse de notre mausolée. Nous délivrer de l’illusion que nous sommes tout puissants et immortels pour renouer avec l’idée bien plus féconde que nous sommes ces petites mailles, transitoires mais précieuses, dans le tissu vivant du monde est bien sûr plus que jamais d’actualité et j’appuie de tout cœur Parker J. Palmer qui écrit « Nous, les jeunes et les vieux, tenons l'avenir entre nos mains. Si nous voulons que notre vie commune devienne plus compatissante, plus créative et plus juste, il faudra un effort intergénérationnel. »

Apprendre la valeur de l’entraide, de la solidarité et ses conditions nécessaires, la patience et la maitrise du « je veux tout pour moi maintenant », est une aptitude encore et toujours à travailler. Les nouvelles de notre temps de pandémie en attestent, ce simple « travaillons ensemble » n’est pas partagé par tous de la même façon. Pour de multiples raisons qui parfois se comprennent, nous échouons nombreux à ce Test du Marshmallow qui conditionne, semble-t-il (note 2), notre capacité à avoir du succès : Savoir différer la récompense.

Note 1 : Servigne P., Chapelle G. (2019). L’entraide, l’autre loi de la jungle . Les liens qui libèrent.

Note 2 : Pour mieux saisir les subtilités d’interprétation de ce célèbre test de la Guimauve voir l’article de Misirlisoy E. (2019). The Ongoing Controversy Over the Marshmallow Test .

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Réflexions d'une bibliothécaire qui veut en faire plus pour la transition
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Intégré par Pascale Félizat, le 15 mai 2023 16:04

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3 janvier 2021

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17 février 2023 09:12

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