IPES Food est un panel d’expert.es réuni par Olivier de Schutter, rapporteur spécial de l'ONU sur le droit à l'alimentation de 2008 à 2014. Ce groupe publie régulièrement des rapports très documentés sur les enjeux agricoles et alimentaires dans le monde. Leur dernier rapport « Food from somewhere », montre que la situation alimentaire mondiale se dégrade et pointe les défaillances du système agroalimentaire industriel dominant, notamment face aux changements climatiques, à la pandémie et à la guerre en Ukraine. Ces évènements mondiaux créent un fort climat d’incertitudes et entraînent diverses conséquences : chaînes d’approvisionnement déréglées, volatilité des prix des aliments accentuée, dépendance accrue de la sécurité alimentaire à un petit nombre de cultures (blé riz et maïs) et d’exportateurs, etc. Ces conséquences fragilisent l’accès à l’alimentation et accentuent le climat d’insécurité alimentaire. Pourtant, rappellent les auteurs : partout dans le monde, ce sont les circuits courts et les marchés de proximité qui nourrissent les populations. En se basant sur ces constats, le groupe explore, dans cette nouvelle étude, les impacts de ce qu’ils appellent « les marchés territoriaux » sur la résilience des systèmes alimentaires et la réduction de l’insécurité alimentaire.
Selon leur rapport, les marchés territoriaux sont durables, résilients, équitables et constituent un moyen de lutter contre l’insécurité alimentaire. D’abord, ils améliorent l’accessibilité à une alimentation saine et suffisante pour les populations plus vulnérables. Cela a notamment été observé lors de la pandémie de COVID-19, où plusieurs initiatives locales ont permis d’offrir de l’aide alimentaire d’urgence. Les circuits de proximité montrent une capacité d’adaptation rapide face aux bouleversements. Les moyens de commercialisation, l’offre alimentaire, les stratégies de production et les modèles d’affaires sont diversifiés, et cette diversification renforce la résilience des marchés territoriaux. Cette résilience se traduit également par des conditions de travail plus équitables pour les producteurs qui s’inscrivent dans ces systèmes alternatifs : revenus plus réguliers, qualité de vie améliorée, valorisation accrue de la participation des femmes et des jeunes, etc. En renforçant les échanges entre producteurs et consommateurs, les circuits courts ont des répercussions positives sur le maintien des traditions alimentaires, sur la résilience climatique et sur les écosystèmes dans les territoires.
Les enseignements
Le rapport donne un bon aperçu de l’ensemble des bénéfices généralement attribués aux marchés de proximité. Mais il montre aussi, et surtout, que ces marchés évoluent dans un contexte qui leur est peu favorable. Les investissements publics continuent à soutenir l’agriculture industrielle et le soutien financier offert aux initiatives qui visent à mieux structurer les marchés territoriaux et à leur offrir des infrastructures adéquates reste lacunaire. Selon les auteurs, le rôle des marchés territoriaux pourrait être mieux valorisé en réorientant une partie de l’aide publique dans leur direction et en améliorant la visibilité de leurs retombées sociales. Les marchés territoriaux ont joué un rôle important pour l’offre alimentaire d’urgence au Québec durant la pandémie et un travail de maillage entre initiatives sociales et agriculture de proximité gagnerait à être développé dans la province.
pdf N°34, fiche n°3 – août – septembre 2024
Rédaction : Marilou Ethier, Patrick Mundler
Ce bulletin vous est offert avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ)