Comme il est gĂ©nĂ©ralement le cas pour les dĂ©marches de design collaboratif, la dĂ©marche du LICER dĂ©bute par un portrait global de la problĂ©matique Ă traiter. Cette phase avait pour but d’explorer en dĂ©tail les enjeux et les leviers d’action liĂ©s Ă la rĂ©glementation d’urbanisme en matière de dĂ©carbonation des bâtiments, afin de constituer une base de connaissances commune sur laquelle s’appuyer pour la suite du processus. Ce portrait a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© par JFLV inc., firme d’experts-conseils spĂ©cialisĂ©e en habitation, conservation des milieux naturels et dĂ©carbonation des municipalitĂ©s. Les apprentissages tirĂ©s de cette phase mettent en lumière des conditions essentielles au bon dĂ©marrage d’une dĂ©marche de coproduction rĂ©glementaire, ainsi que des angles morts Ă Ă©viter pour assurer que les solutions rĂ©pondent aux enjeux de façon inclusive et systĂ©mique.Â
Les activités
- Une veille des meilleures pratiques internationales tirées des villes de Bruxelles, New-York et Vancouver, complémentée d’entrevues auprès de responsables municipaux et de professionnels en décarbonation des bâtiments. La veille internationale a permis d’identifier comment ces villes ont adapté leur réglementation pour atteindre les objectifs de leur feuille de route en décarbonation.
- Une quinzaine d’entrevues auprès d’entrepreneurs privés en énergie renouvelable et construction écologique, chercheurs et membres de divers services et arrondissements de la Ville, afin de soulever les barrières rencontrées sur le terrain.
- Une analyse de la réglementation d’urbanisme à partir des données récoltées lors des entrevues, afin d’identifier des exemples concrets d’articles réglementaires dans les arrondissements qui freinent ou favorisent l’implantation de diverses technologies disponibles.
Les extrants générés
Ce portrait a constitué un socle solide de discussion tout au long de la démarche. Il a notamment permis au BTER de mieux définir la problématique et d’identifier des pistes d’actions concrètes. Plus précisément :
- Veille des meilleures pratiques internationales : Elle a inspiré à la fois le BTER et les participant·es de la démarche dans la recherche de solutions. Certains contenus ont été adaptés sous forme d’affiches afin de stimuler la réflexion lors des ateliers de prototypage. Ces affiches présentaient des solutions concrètes mises en œuvre dans différentes villes à l’international, telles que le zonage zéro carbone, l’utilisation de cartes de potentiel solaire ou encore la simplification des procédures administratives pour l’installation de thermopompes.
- Analyse réglementaire : Cette analyse a permis d’identifier 15 freins réglementaires à la décarbonation opérationnelle des bâtiments, regroupés en cinq catégories technologiques : thermopompes, géothermie, solaire, mesures passives et freins généraux. La démarche s’est structurée autour de ces 15 freins, avec pour objectif de concevoir des solutions permettant de les surmonter.
- Entretiens et freins terrain : Les entretiens menés ont révélé des obstacles supplémentaires, de nature péri-réglementaire [1], liés aux processus et aux réalités du terrain. Ces freins ont également guidé les participant·es dans l’élaboration de solutions adaptées, visant à répondre à ces défis concrets.

À quoi ressemble un frein réglementaire à la décarbonation des bâtiments ?
Exemple de barrière : Emplacement et visibilité des panneaux solaires
Dans plusieurs arrondissements, les panneaux solaires sont interdits s’ils sont visibles de la voie publique, notamment sur les toits à versants. Certains ajoutent des distances minimales à respecter par rapport aux murs extérieurs ou aux limites de propriété. Ces restrictions nuisent à l’orientation optimale des panneaux (idéalement plein sud dans l'hémisphère Nord), réduisant leur performance et leur rentabilité. Pourtant, les panneaux solaires ne génèrent ni bruit ni odeur, ce qui remet en question la pertinence de ces contraintes. Ces réglementations limitent ainsi l’adoption de cette technologie malgré son potentiel en matière de décarbonation des bâtiments.
Les apprentissages
Cette étape du projet nous a permis de tirer les enseignements méthodologiques suivants sur la phase de la démarche axée sur la recherche préliminaire :
- L’importance de l’étude préliminaire : L’étude de Jean-François Vachon a constitué un socle solide pour le projet et les phases subséquentes de la démarche, facilitant une compréhension commune et structurant les échanges avec les participants. La crédibilité de l’expert et la clarté du rapport ont favorisé l’adhésion dès le départ. En parallèle, l’analyse des pratiques d’autres villes a permis d'explorer des pistes de solutions et d’adapter des approches existantes au contexte local. S’appuyer sur ce type d’étude préliminaire serait sans aucun doute pertinent pour toute démarche de coproduction et d’expérimentation ayant pour objet la réglementation d’urbanisme, compte tenu de la dimension technique de ces enjeux.
- Limites des perspectives technologiques : La démarche adoptée manquait d’une perspective systémique, se concentrant principalement sur les solutions technologiques à la décarbonation des bâtiments. Cette approche a créé certains angles morts, notamment en ce qui concerne l’abordabilité des technologies, la remise en question de l’empreinte énergétique des citoyen.nes et des institutions, pour ne citer que ces deux exemples. En outre, des questions liées à l’acceptabilité sociale et à l’impact sur les inégalités ont été négligées. Intégrer ces considérations dès les phases qui suivent le portrait préliminaire, par exemple lors de la phase de conception, ou inclure des organismes spécialisés au sein du comité d’expérimentation, aurait permis d’anticiper plus efficacement ces problématiques et de développer des solutions plus complètes, adaptées et inclusives.
[1] Désigne des obstacles ou des enjeux qui ne relèvent pas directement du contenu des règlements eux-mêmes, mais qui sont liés aux processus d’application, d’interprétation ou d’opérationnalisation de ces règlements.