Quand le dialogue refaçonne le savoir

Crédit: Isadora Ayesha

Cette note est un témoignage de Léna Garreau réalisé suite à sa participation à la Journée des savoirs ouverts 2024. Pour voir l'ensemble des témoignages, accédez au carnet Témoignages des participant·es à la Journée des savoirs ouverts 2024.

Dans un automne saturé de bilans et de projets pressants, la Journée des Savoirs Ouverts a offert une parenthèse de liberté, un espace où le partage intersectoriel a pris tout son sens.

Dès mon arrivée, une atmosphère propre aux événements collaboratifs m’a enveloppée, mêlant visages familiers et nouvelles rencontres. Plus qu'une série de présentations, cette journée a favorisé  des discussions spontanées, où le plaisir était aussi de laisser les conversations divaguer et déborder des lignes des contenus préétablis. Ces échanges ont révélé l'importance de co-construire une connaissance vivante, où chacun.e peut y apporter ses « pièces de puzzle », à la fois des savoirs et des vécus, à la fois professionnels et personnels.

Parmi les ateliers marquants, la présentation d’Abundant Intelligences, animée par Robert Marinov et Ceyda Yolgormez, a exploré  la rencontre entre l’intelligence artificielle (IA) et les savoirs autochtones. Cette réflexion a permis de questionner les distinctions fondamentales entre différentes approches de recherche: en voici trois. En multidisciplinarité, plusieurs systèmes de savoirs se côtoient pour dresser une cartographie d’un sujet ; en interdisciplinarité, ils se croisent et se mélangent afin de partager concepts, méthodes et outils pour approfondir la compréhension. De son côté, la transdisciplinarité va plus loin : c’est un processus de co-création, où les disciplines se transforment au contact de l’autre répondant aux besoins de changement et d’innovation. Cependant, une convergence transdisciplinaire des savoirs soulève aussi une question de complexité : comment éviter qu’elle ne devienne une assimilation, où un savoir en étoufferait un autre, effaçant sa singularité et sa richesse ?

Un autre enjeu soulevé est celui des frontières de connaissance, à la fois de langage et de concepts, souvent révélées par les processus de vérification et d’approbation. Comment conjuguer des perspectives valorisant des facettes distinctes et n’ayant ni les mêmes critères de légitimité ni les mêmes méthodes de validation ? Là où un système de connaissance valorise une donnée comme connaissance à fin d’elle-même, par exemple des transmissions orales ou culturelles, un autre système de connaissance comme la science ne pourra pas la reconnaître comme légitime car elle n’est pas compatible avec le système de validation, comme la méthode scientifique. Dans ce cas, comment trouver une manière pour que ces frontières de systèmes de connaissances coexistent, sans créer de hiérarchie ? Pour en savoir plus sur ce sujet, je vous recommande le chapitre Mishkos Kenomagwen : les enseignements des plantes du livre Tresser les herbes sacrées par Robin Wall Kimmerer. Ces frontières existent aussi au sein d’un même système de connaissances : par exemple, la hiérarchisation occidentale entre sciences naturelles et sciences sociales peut parfois freiner la compréhension de problématiques complexes.

Un autre point critique abordé par Abundant Intelligences concerne la sensibilité culturelle des données autochtones dans un contexte d'IA. Utiliser ces données dans des systèmes d’IA requiert que ceux-ci soient transformés pour respecter la souveraineté et l'interprétation originelle des données, de manière à en préserver le sens initial. En d’autres termes, ce n’est pas seulement l’intégration des données qui doit être pluraliste, mais aussi la conception même de l’IA qui doit s’adapter aux valeurs et aux cadres culturels des connaissances qu’elle exploite.

Naviguer dans cette mosaïque de convergence des savoirs, d’après Robert Marinov et Ceyda Yolgormez, demande de la confiance : accepter les différences, parfois inconfortables, et reconnaître les rapports de pouvoir qui sous-tendent chaque système de pensée. Cela nous ramène à une dimension profondément humaine, celle de l’écoute et du respect, où l’autre est perçu non seulement comme porteur.euse de savoirs, mais comme un être avec des expériences et des sens uniques. Abundant Intelligences nous invite à repenser le succès dans une perspective de pluralité et de réciprocité, où les besoins des participants, bien que divers, se rejoignent dans une démarche commune.

De ma participation à la Journée des savoirs ouverts, je garde le plaisir d’avoir échangé au-delà des échos habituels de mon réseau immédiat, tout en partageant des valeurs communes et des visions transformatrices ancrées dans la diversité des savoirs. J’ai déjà hâte à la prochaine édition !

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Publication

12 novembre 2024

Modification

24 avril 2025 10:49

Historique des modifications

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Pour citer cette note

Léna Garreau. (2024). Quand le dialogue refaçonne le savoir. Praxis (consulté le 13 juillet 2025), https://praxis.encommun.io/n/ZnJvyFHWHNcmC2OQMScz1_2MH-s/.

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