RELATIONS. Comment se rencontrer vraiment, se tisser autrement, et porter ensemble le changement radical au niveau territorial ?

Parmi les conditions favorables à l'innovation territoriale identifiées dans notre laboratoire entrACTE : 4 conditions font référence aux relations. 

Condition 4 - Se « rencontrer », se relier, à créer une appartenance commune, à se transformer ensemble (et non pas à transformer les autres).

Condition 5 - Être en mesure d’avoir des conversations difficiles ensemble.

Condition 6 - Porter ensemble le changement (les problèmes, les échecs et les succès), sortir de l'individualisme et d'un certain héroïsme, agir comme un réseau d’allié.e.s.

Dans cette note, nous souhaitons apporter des éléments complémentaires qui ont émergé de nos discussions.

Contexte et défis 

Nos capacités à se rencontrer, à se relier, à créer une appartenance commune peuvent être teintées, dès le départ, par nos histoires ou nos habitudes. On reconnait qu'on va souvent vers des partenaires qu'on connait déjà par manque de temps ou par confort. Ce qui préexiste peut parfois conduire nos démarches sur la voie rapide, ou encore dans la détente de ce qui pourra très tôt être dit, être échangé en confiance.

De temps en temps, des «plis» (des mauvais comme des bons, d'ailleurs!) se sont installés entre nous, ce qui peut limiter notre capacité à emprunter ensemble de nouveaux sentiers. Le sillon est creusé. Nos pas côte à côte vont l'approfondir encore davantage. Que trouvera-t-on de neuf au «fond des choses»? Comment agrandir le sillon pour que l’histoire devienne autre?

On s'interroge aussi sur ces personnes ou ces groupes avec qui on n'entre pas en contact dans la pratique. On se demande de quoi on se prive. Comment savoir qu'on a privé la démarche d'un don qui l'aurait détendue, qui l'aurait agrandie?

Parfois, c'est le constat du travail en silos qui nous «force» à nous réunir autour d’un enjeu commun. Il semble que les premiers pas ensemble puissent faire peur, être malhabiles. Dans ce cas, on se «protège» derrière des murs, notamment dans nos egos. Qu'est-ce qu'on y gagne?

Parfois, on met beaucoup d’effort pour mener des démarches hautement participatives, mais on n’a pas l’impression qu’il se produise une véritable rencontre, on a peur d’instrumentaliser la participation citoyenne.

Dans ces contextes, nos questions sont simples : Comment se rencontrer vraiment ? Comment porter le changement ensemble ?

Pistes

Par rapport à ces questons, quelques pistes ont émergé. 

Au niveau individuel :

  • La réceptivité : faire preuve d’ouverture, d’empathie et d’humilité et/ou cultiver l’écoute de soi et des autres.
  • La vulnérabilité : se montrer vulnérable, parler de ses besoins et/ou accepter les erreurs commises (et s’excuser!).
  • Le soin : être en énergie, prendre conscience de nos fatigues ordinaires (et agir pour les amoindrir), se perdre, se désidentifier, se soigner et/ou soigner nos relations.
  • La «responsabilité» des premiers pas : se positionner comme «un moteur de départ» et/ou tendre des perches en cours de route.
  • La prise de risques : déposer les masques, quitter sa zone de confort, faire différemment, se détacher des habitudes, du corporatisme et/ou des historiques du passé qui s'infiltrent dans le présent, accepter de ne pas connaître l’issu des échanges et/ou accueillir sans savoir s’il y aura un bénéfice.

Au niveau relationnel :

  • La confiance : installer tôt le climat nécessaire (et le maintenir), s'investir dans la création de liens, créer des liens avant de construire des nouvelles connaissances, prendre le temps de discuter des postures souhaitées à travers la collaboration et/ou exprimer à l’autre quand sa contribution est pertinente et appréciée.
  • La bientraitance : mettre de l'énergie, de l’amour ou de la bientraitance dans le groupe et/ou honorer toutes «les couleurs individuelles» (les siennes, celles des autres ; ne pas exiger de fit in).
  • La flexibilité : éviter la sur structuration, choisir d'être flexible en fonction du contexte, adopter des nouvelles stratégies selon les mouvements des partenaires, modifier des prises de position initiales au contact des autres, s’accorder des marges de manœuvre dans nos rencontres, accorder son pas au collectif, avancer ensemble, demeurer flexible «tout en gardant le cap» et/ou élargir nos messages/perspectives pour faciliter une compréhension mutuelle.
  • Le rythme : reconnaître, accepter, respecter, concilier ou orchestrer des rythmes qui se rencontrent et/ou éviter des saisons/temps de l’année pour favoriser la participation confortables des partenaires qu’on convit ou des publics qu’on vise.
  • La rencontre : aller à la rencontre des personnes concernées dans des lieux déjà sécuritaires et confortables pour elles ; partir de leurs réalités et leurs mots. Ne pas séparer les espaces de « participation » des espaces de « décision ». Se rencontrer aussi sur le rapport au temps et à la construction de savoirs : accepter d’autres temporalités et d’autres manières de savoir. Se demander ce que cela prend comme étapes, pour mettre nos savoirs sur un pied d’égalité ?  Est-ce qu’il y a des éléments dans la structure qui empêchent la rencontre ?

Par extension, faire attention au point de bascule, au moment où les résistances diminuent, où les cœurs se lient et où on porte ensemble des messages nouveaux, courageux et déliés.

  • L'espace : laisser l'espace à la créativité, créer un espace de sécurité et de résonance, élargir les messages ou les perspectives pour les partager plus facilement, contribuer à quelque chose de plus large, créer des occasions, des canaux et/ou des espaces de rencontres, mettre en commun des ressources, décloisonner et inviter plus largement et/ou se détacher des représentations politiques ou du corporatisme.

Enfin, de manière plus pragmatique, on propose d’établir une stratégie de départ, de se rallier autour d’un enjeu commun, d’identifier des objectifs clairs, de brosser un portrait des parties prenantes, de déterminer «les carrés de sable» de tout le monde, d’animer les échanges de façon neutre, de prendre du recul pour bien voir les contours d’une situation et déceler les angles morts.

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Intégré par Claudia Loutfi, le 25 janvier 2024 15:52

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Publication

22 septembre 2023

Modification

3 juillet 2024 16:09

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Pour citer cette note

Yann Pezzini. (2023). RELATIONS. Comment se rencontrer vraiment, se tisser autrement, et porter ensemble le changement radical au niveau territorial ?. Praxis (consulté le 17 juillet 2024), https://praxis.encommun.io/n/ZtGK39cNP_ym8tMARYqo5FkonG8/.

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