JDSO 2024:  Constellation de savoirs

Crédit: Isadora Ayesha

Cette note est un témoignage de Rose Henriquez, réalisé suite à sa participation à la Journée des savoirs ouverts 2024. Pour voir l'ensemble des témoignages, accédez au carnet Témoignages des participant·es à la Journée des savoirs ouverts 2024.

Dans ce texte rédigé à la suite de ma participation à la 2ᵉ édition de la Journée des savoirs ouverts, je reviens sur la conversation Rêver ensemble : savoirs et perspectives féministes. Je voulais débuter cette journée en explorant la notion de rêve et d’imaginaire, des éléments que l’on tend à oublier dans un contexte de polycrises, oppressant pour la militance et l’engagement citoyen.   

Animée par Samantha Lopez Uri, nos discussions ont été guidées par trois questions en lien avec la thématique, visant à concevoir notre propre constellation de savoirs, nous, femmes (cis et trans), ainsi que personnes non binaires. En petit groupe, nous avons tenté de répondre à l'influence des savoirs féministe dans nos parcours et nos valeurs, aux stratégies pour mettre en lumière des savoirs féministes historiquement marginalisés, ainsi qu’à la manière d’intégrer ces savoirs dans nos milieux respectifs.   

C’est la première question a dominé notre table, mais permettez-moi d’abord une digression qui résonne avec le reste. Ce qui m’a touché dans le discours d’ouverture de Samantha Lopez Uri, c’est la manière dont elle parle de ne pas nécessairement « se nommer » féministe, mais plutôt « d’incarner » le féminisme. Étant proche du milieu de la danse, ce terme m’a immédiatement interpellée. Il évoque la corporalité des gestes : les actions que nous posons, l’expérience qui s’ancre dans la chair, ne pouvant être racontée autrement que par ce dialogue entre le dedans et le dehors. Nos idées habitent nos corps, et les transformations extérieures découlent de tempêtes intérieures. Les actions que nous posons sont imprégnées de ces idées, de cette incarnation. 

Qu’est-ce qu’un savoir (féministe) ? 

Avant de parler du « comment », nous nous sommes d’abord demandé ce qu’était un savoir.   

n.m. : Ensemble des connaissances acquises, approfondies par une activité mentale suivi (OQLF, 2024).   

Certaines définitions y ajoutent le contact avec la réalité ou l’étude. On précise rarement quelle étape vient en premier, et c’est là que le vécu entre en jeu. Et un peu les privilèges. Notre contact avec les différents savoirs se manifeste à différents moments de la vie et demeure continu. Bien sûr, on parle de ceux, surtout issus de groupes marginalisés, qui ne sont ni invisibilisés ni minimisés dans les récits dominants et institutionnels. Pour celles autour de la table, cette rencontre naît avant tout dans l’expérience, avant de trouver un écho dans la théorie, généralement transmise dans le parcours académique. Il prend forme dans les espaces où nous créons des communautés. Souvent, il prend naissance dans les mots de la mère. Que ce soit avec ou contre elle, elle devient la source du premier élan. Ces savoirs émergent à l’intersection des luttes et dans la transmission culturelle – souvent orale. 

Manifester les savoirs 

Vous l’aurez compris, le « comment » a pris le bord dans nos réponses, mais je trouve qu’il était tout de même implicite dans les histoires racontées. Que ce soit dans les premières rencontres avec le mouvement féministe et la manière dont il était véhiculé, souvent en décalage avec la réalité de certaines, dans la réécriture de schémas familiaux problématiques, dans la remise en question de l’éducation reçue, dans l’éloignement d’un lieu géographique, social ou culturel, ou dans le combat contre la docilité et l’effacement. Dans tout simplement le droit d’exister dans l’espace, que nous soyons les bienvenu·es ou non. 

Certains savoirs façonnent nos expériences, et ces dernières éveillent l’appétit pour d’autres savoirs, créant un flux continu dans notre identité féministe, qui ne peut se résumer à un parcours linéaire avec une origine et une fin. C’est fluide, car les savoirs continuent de se construire et de se transmettre, toujours animés par le désir de redessiner la cartographie de nos luttes et de nos appartenances.   

Où es-tu, savoir ?  

Nous avons également beaucoup discuté de l’accès à ces savoirs. Lorsqu’on évoque ce terme, l’image des milieux académiques, souvent perçus comme élitistes, vient rapidement à l’esprit. Mais dans nos expériences, une forme éclatée des moyens de production et d’accessibilité s’est révélée. L’oralité, face à l’écrit, représente une première dualité évidente. Mais il existe également de nombreux autres médiums propres à notre époque qu’il faut reconnaître comme des moyens légitimes de diffusion du savoir : podcasts, zines, réseaux sociaux, art, éducation populaire et ateliers participatifs.  Je dois vous avouer avoir un faible pour les zines.  

En tant que bibliothécaire universitaire développant une passion pour la recherche (qui vise la transformation), je me pose souvent la question sur la vulgarisation et la diffusion de ce travail. J’ai compris récemment - observant le travail de l’activiste Alexandra Pierre, que l’universitaire ne sera pas forcément mon terrain de jeu.  

Ce « comment » restera toujours à définir dans l'horizon de notre devenir : dans les métiers que nous avons choisis, les rêves que nous avons décidé de porter, les humain·es que nous avons choisi·es de mettre au monde. Il se définit aussi dans ces petits gestes, comme le fait de venir à cette journée collective pendant ses vacances, alors qu'on est épuisée et en quête de sens. Le rêve est donc toujours à la portée de nos actions. Et c'est encore mieux lorsque nous ne sommes pas seul·es. 

Ces rêves sont rendus possibles grâce aux modèles qui nous précèdent, et nous avons eu la chance – sous l’impulsion de Samantha – de leur rendre hommage en les nommant. Je reprends (presque) la totalité des noms partagés par ma table ici. J’en ai rajouté d’autres parce que... manie de bibliothécaire.  

Nos mères
Nos amies
·
Sara Ahmed
Aja Barber
Mona Cholet
Victoire Chuaillon
Martine Delvaux
Silvia Frederici
Amandine Gay
Roxane Gay
Bell Hooks
Robyn Maynard
Léonora Miano  
Jeanne-Marie Rugira  
Françoise Vergès 

Et vous, grâce à qui vos savoirs prennent-ils naissance ?  (pas besoin que ce soient nécessairement des autrices). Et bien sûr, j’inviterai toutes les personnes des autres tables de groupe de l’atelier à venir ajouter les noms ici.  

Merci à Audrey, Coline, Jessica, Nadia, Néné pour cet échange de résistance construit en commun. 

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Intégré par Rose Henriquez, le 26 octobre 2024 12:19

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Publication

26 octobre 2024

Modification

7 novembre 2024 08:41

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Pour citer cette note

Rose Henriquez. (2024). JDSO 2024:  Constellation de savoirs. Praxis (consulté le 23 mai 2025), https://praxis.encommun.io/n/a9TYYYm7XLgZuv3DrssXXdm_vSo/.

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