L'imprévisibilité du monde d'après Edgar Morin, Alain Supiot et Hartmut Rosa

Je vous propose ici la (re)lecture de trois analyses de la situation actuelle qui je pense prennent un peu de hauteur face au tumulte des opinions et des prédictions que tout un chacun se sent obligé de faire quotidiennement pour devenir un jour celui qui avait vu juste. Certaines de ces prophéties se réaliseront sans nul doute. Est-ce à dire que leurs auteurs avaient réussi à prédire l’avenir ? Rien n’est moins sûr.

À l'image de ces trois penseurs, ces analyses sont simples, humbles, mais ô combien profondes! Ils se rejoignent, je pense, sur un point fondamental. Le monde est fondamentalement complexe et imprévisible. Penser le contraire relève d’une attitude à mi-chemin entre déterminisme radical et démiurgisme décomplexé qui pense pouvoir tout comprendre, tout contrôler pour mieux tout subordonner à sa folie drapée de raison. Mais je m’arrête là, quand les grands esprits parlent, les petits doivent se taire. Voilà trois textes que je recommande de lire et d’aborder comme une invitation à découvrir ces trois grands penseurs.

  • D’abord Edgar Morin, maître à "penser » la complexité s’il en est un.
  • Ensuite Alain Supiot, grand pourfendeur de l’asservissement du politique aux chiffres et à la gestion axée su les résultats 
  • Et enfin Hartmut Rosa et ses puissants concepts d’indisponibilité du monde, d’accélération sociale et de résonance.

https://lejournal.cnrs.fr/articles/edgar-morin-nous-devons-vivre-avec-lincertitude


Commentaires importés 

Jerry Espada - 24 avril 2020 à 9:18 :
Les théories scientifiques ne sont pas absolues, comme les dogmes des religions, mais biodégradables. Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille.
Ce serait le moment de rafraîchir notre humanisme, car tant que nous ne verrons pas l’humanité comme une communauté de destin, nous ne pourrons pas pousser les gouvernements à agir dans un sens novateur.
C’est aussi l’occasion de prendre durablement conscience de ces vérités humaines que nous connaissons tous, mais qui sont refoulées dans notre subconscient : que l’amour, l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui font la qualité de la vie.
Non abonné-e à AOC pour lire le texte d'Harmut Rosa? En voici un extrait : http://www.radio-univers.com/hartmut-rosa-le-miracle-et-le-monstre/
En « temps normal », les institutions et les processus sociaux ne font que suivre les règles et les routines établies, parfois si profondément ancrées que le changement semble impossible. On parle de « dépendance au chemin ». Le prix à payer pour changer de voie et inventer quelque chose de nouveau est tout simplement trop élevé.
Mais il y a des moments historiques d’indécision ou de « bifurcation » dans lesquels on ne sait pas comment une communauté ou une société socioculturelle va continuer. Dans de telles situations, les modèles sociologiques ou économiques ne peuvent pas prédire l’avenir, car il est fondamentalement ouvert. Ce sont les moments où quelque chose de nouveau peut naître, où la capacité humaine d’innovation – la « natalité » – peut ouvrir une nouvelle voie. Des moments de résonance collective.
Non abonné-e à AÉ pour lire le texte d'Alain Supiot? En voici un extrait :
https://blogs.mediapart.fr/michel-pinault/blog/300320/vers-un-choc-en-re...
C’est la foi en un monde gérable comme une entreprise qui se cogne aujourd’hui brutalement à la réalité de risques incalculables. Depuis les temps modernes, c’est l’Etat qui occupe cette position verticale et est garant de cette part d’incalculable, qu’il s’agisse de l’identité et la sécurité des personnes, de la succession des générations ou de la préservation de la paix civile et des milieux vitaux. Cette garantie est indispensable pour que puisse se déployer librement le plan horizontal des échanges entre les individus, et notamment les échanges marchands. Or c’est le renversement de cet ordre juridique et institutionnel qui caractérise la pensée néolibérale. Nous sommes toujours sur cette pente lourde d’un pilotage des sociétés à partir d’indicateurs économiques, lesquels sont de plus en plus déconnectés des réalités vécues par les gens, qui prennent conscience du caractère insoutenable de ce modèle de croissance.
La crise sanitaire sans précédent que nous traversons peut conduire au meilleur comme au pire. Le pire ce serait qu’elle nourrisse les tendances déjà lourdes aux repliements identitaires et conduise à transporter à l’échelon collectif des nations, ou des appartenances communautaires, la guerre de tous contre tous que le néolibéralisme a promue à l’échelon individuel. Le meilleur ce serait que cette crise ouvre, à rebours de la globalisation, la voie d’une véritable mondialisation, c’est-à-dire au sens étymologique de ce mot : à un monde humainement vivable, qui tienne compte de l’interdépendance des nations, tout en étant respectueux de leur souveraineté et de leur diversité.

Émilien Gruet - 24 avril 2020 à 9:31 :
Merci Jerry pour ces extraits choisis.

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24 avril 2020

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