Question d'expérimentation n°1 : Comment sortir du « toujours plus » ?

Cette note est issue d'une production collective dans le cadre du laboratoire entrACTE

Le temps est une ressource précieuse qu’on quantifie et qu’on tend à rendre productive. On pourrait dire que c'est ce qu'on a appris. Pourtant, on est plusieurs à vouloir débarquer du train du « toujours plus ». Dans nos travaux, on a déjà réfléchi aux moyens dont on dispose pour réduire nos élans à rendre ce qu’on fait aussi efficace et productif que possible.

CONTEXTE ET DÉFIS

Les agendas se remplissent, parfois malgré nous. Dans nos journaux d'observation, il faut le dire, les sollicitations semblent nombreuses, de toutes parts.

On se fait pourtant un peu complice du train qui roule, qui roule vite. On le voit d'ailleurs, qui s'accélère. Puis, on a du mal à dire non, à tracer la ligne où l'activité qui apporte « quelque chose » à soi, à l’autre ou au collectif nuit à notre bien-être, à la vie.

En lisant nos journaux, c'est comme s'il allait de soi que le travail exige de nous qu'on y performe, qu'on s'y tende ou qu'on s'y écartèle. Entre les lignes, on comprend que l'espace pour être soi et pour prendre soin de notre relation à l’autre s'y fait parfois petit, limité.

On se demande alors comment se libérer de la pression « à faire plus ». Comment réduire nos élans à rendre ce qu’on fait aussi efficace et productif que possible? Comment faire pour prendre de la distance par rapport au productivisme qui est monnaie courante dans notre société?

Sources

On constate que la pression du « toujours plus » peut venir à la fois de l’extérieur et de l’intérieur. Cette pression, on peut la ressentir de son entourage, de sa direction ou de la société. Puis, on se la met parfois soi-même pour, entre autres :

  • Obtenir des résultats rapides
  • Convaincre d’autres du bien-fondé de nos démarches
  • Voir advenir les transformations qu’on souhaite pendant qu’on est en vie

Effets observés

Dans le train de l'accélération, on témoigne d'une surcharge, d'une augmentation de notre charge mentale ou d'un sentiment d’urgence. En d'autres mots, on oscille entre le stress et l’insatisfaction. « La cour est pleine! On ne peut plus en prendre davantage. »

Quand on tente la voie du ralentissement (par courage ou par dépit!), une tension est parfois notée. C'est une permission qui peut faire violence à la croyance qu'on porte de ne pas faire assez, de ne pas être assez. Puis, lorsqu'on consent à remettre en question la course aux livrables et au travail plus efficace, l'onde se répercute sur l'autre qui doit aussi y consentir.

Possibilités limitées

Notre course au « toujours plus » nous prive aussi parfois des espaces relationnels nécessaires à l’innovation territoriale et au « faire ensemble autrement ». On ne manque pas de le souligner, d'ailleurs, dans certains de nos journaux d'observation.

Un groupe qui se lance dans une démarche peut avoir du mal à installer de nouveaux réflexes, à dénouer des a priori, à développer un langage commun et à s’écouter avec empathie. Par manque de temps, on observe qu'on va vers des choix faciles ou qui invitent au statu quo. Et, c'est à contrecœur qu'on admet que notre créativité et nos capacités à prendre du recul et à agir avec impact s'effritent peu à peu.

Puis, la porte qu'on a fermée aux imprévus a de plus en plus de mal à faire entrer la lumière. L'étincelle qui nous ferait bifurquer vers mieux se distancie. Comment peut-on à nouveau ouvrir les possibles?

PISTES IDENTIFIÉES

C’est difficile de s’affranchir du « toujours plus ». C’est un paradigme qui est ancré dans la vie économique et sociale de notre société, et qui nous habite individuellement (en partie, au moins). En revanche, on peut essayer de s’en distancer le plus possible.À cet égard, 5 pistes ont été identifiées ensemble jusqu’à maintenant :

  1. La conscience critique : prendre du recul sur nos habitudes et nos réflexes productivistes (collectifs et individuels) et essayer de retrouver un certain pouvoir par rapport à ça ; ouvrir un dialogue (avec soi, avec son équipe, etc.) autour de cette habitude au « toujours plus » pour la rendre visible, l’aborder de front et se questionner.
  2. La notion de choix : dire oui, dire non, réfléchir avant d’accepter une demande, chercher à être en cohérence avec ses valeurs et/ou s'assurer que l'action menée incarne les transformations qu'on souhaite voir advenir.
  3. La transformation des habitudes face au temps : modifier son rythme, intégrer une routine, redéfinir pour soi et avec l'autre l’efficacité, s’allouer des espaces de ralentissement et/ou laisser de l’espace pour les cérémonies et les rituels.
  4. La satisfaction, le contentement : regarder du côté de ce qui a été accompli, accepter la relativité du temps qu’on influence par nos impatiences, nos façons d’aborder la productivité et nos désirs de perfection et/ou chercher ce qui, dans le minima qu’on peut offrir, nous contente.
  5. La force du collectif : se donner un droit à ralentir ensemble, légitimer la prise de temps, déconstruire nos croyances (et en reconstruire d’autres qui nous ressemblent davantage!), opérer des transformations culturelles, inscrire notre implication dans notre rapport au territoire et à l’intangible et/ou repenser le vivre ensemble dans une forme plus lente, plus profonde.

On se demande si notre capacité à libérer du temps est un préalable, une nécessité pour que les autres conditions favorables à l'innovation territoriale puissent exister? Est-ce qu'un nouveau langage est possible pour que plus de vie se glisse dans nos démarches?

MISE EN ACTION

À partir de là, on se demande quelles sont les premières actions que l'on souhaite prendre pour accorder plus d'attention à l'intangible dans nos démarches ?

À quoi pourrait ressembler la mise en action dans nos milieux de pratique ? Quelles petit pas concret pouvons-nous poser dans cette direction ? 

Nous invitons les membres du Lab à contribuer à ce carnet, à travers plusieurs possibilités :

  • Référencer des ressources existantes, utiles pour l’action (outils, guides pratiques, exemples, étude de cas)
  • Créer des nouvelles ressources spécialement adaptées pour votre milieu (« traduire », adapter ou décliner certains contenus ou pistes dans un langage et un format plus adapté à votre milieu de pratique)
  • Créer des notes de pratique : partage d’un vécu ou d’une perspective personnelle, documentation d’une expérimentation menée dans votre milieu

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Intégré par Claudia Loutfi, le 29 janvier 2024 09:28

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Publication

20 septembre 2023

Modification

3 juillet 2024 16:16

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Pour citer cette note

Marie Michèle Lemay, Claudia Loutfi, Yann Pezzini. (2023). Question d'expérimentation n°1 : Comment sortir du « toujours plus » ?. Praxis (consulté le 17 juillet 2024), https://praxis.encommun.io/n/bCj4w5IMFXGrMF40N95255fTU-g/.

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