Robots et transformations du travail en agriculture

Cet article étudie, à partir de 90 publications scientifiques parues entre 1950 et 2021, les façons dont les robots transforment le travail agricole. Du fait de leur antériorité - les premiers systèmes de traite automatisés sont apparus dans les années 2000 - les deux tiers des articles étudiés traitent des robots de traite.

D’abord, l’article remet en question l’idée reçue associant les robots de traite aux grandes fermes seulement. Les petites et moyennes fermes adoptent aussi ces robots, certaines études suggérant même que les robots sont plus performants et rentables pour les fermes moyennes. Cette adoption est favorisée aussi par les tensions sur le marché du travail, comme la pénurie de main-d’œuvre. Parallèlement, les robots de traite, vu les compétences spécialisées requises pour les superviser et interpréter les données, contribuent à la polarisation de l’emploi agricole, en créant un gouffre entre le travail agricole spécialisé et bien payé et le travail agricole non spécialisé. La division du travail au sein même des fermes se trouve reconfigurée, en fonction des compétences détenues et ces transformations sont accentuées par la fracture numérique.

Ensuite, la flexibilité (meilleure conciliation travail-famille) et l’amélioration de l’environnement de travail figurent, plus que les raisons économiques, parmi les principales motivations des agriculteurs à investir dans ces systèmes automatisés. Pour autant, l’automatisation crée aussi de nouvelles responsabilités (surveillance du système, gestion des alarmes, etc.) à la source d’un stress d’un type nouveau : le technostress. L’automatisation et les nouvelles fonctions de surveillance et de supervision à assurer créent en effet une charge mentale importante. Dans le cas des robots de traite, le rapport homme-animal est également profondément transformé : l’animal se trouvant réduit à être une donnée numérique à surveiller sur un écran, l’identité même en tant qu’éleveur est changée, avec des conséquences positives ou négatives sur la satisfaction au travail.

Finalement, en matière de performance, les conclusions sur l’hypothèse d’un temps de travail réduit sur les fermes automatisées semblent mitigées. En effet, si l’agriculteur a moins de travail manuel à faire, les fonctions de surveillance du système peuvent devenir assez intrusives de sorte que certains agriculteurs rapportent avoir l’impression d’être, à l’instar de leurs robots, tout le temps en train de travailler. En termes de rentabilité, la productivité horaire des robots est plus faible que la productivité horaire du travail humain. Mais le robot peut travailler tout le temps. La rentabilité va donc dépendre en partie de la taille des fermes et de leur capacité à utiliser pleinement ce caractère « infatigable » de leurs outils.

Les enseignements

Même si l’article est teinté par la domination actuelle des robots de traite sur les autres robots, il est intéressant de se pencher sur les transformations que ces machines induisent sur le métier et le rapport au travail. La pénurie de main-d’œuvre stimule aujourd’hui l’intérêt des agriculteurs québécois, en particulier les maraichers, pour la robotisation. Les robots représentent en effet du capital qui peut se substituer au travail devenu rare. Centré sur les questions de rapport au travail, l’article n’aborde pas d’autres enjeux liés à la robotisation de l’agriculture, notamment celui de la maitrise et de la propriété des données ou encore celui de l’accès, dans les milieux ruraux, au haut-débit nécessaire au fonctionnement de ces machines.

pdf N°23, fiche n°2 – septembre – octobre 2022

Fiche n°2, Bulletin n°23 – septembre – octobre 2022
Rédaction : Stevens Azima & Patrick Mundler

Cette veille bibliographique vous est offerte par le groupe de recherche Agriculture, territoires et développement de l’Université Laval avec le soutien du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec.