Cette note fait partie du Portrait et diagnostic de la situation dans la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent (2008) et est complémentaire au chapitre sur les Cinq conditions essentielles à l'intégration des personnes immigrantes.

Synthèse des constats et données sur la cinquième condition optimale de succès : L'ouverture des entreprises
Les entreprises de la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent se disent ouvertes au recrutement d’une main-d’œuvre immigrante ; près de la moitié des 250 employeurs consultés ont déjà employé un immigrant et, de ce nombre, neuf sur dix déclarent avoir eu une expérience positive.
Par contre, les répondants affichent des attitudes souvent opposées à l’égard de la main- d’œuvre immigrante. Par exemple, il y a autant d’employeurs en accord qu’il y en a en désaccord pour dire que les immigrants représentent une solution aux problèmes de manque de main-d’œuvre ou que les immigrants offrent un apport distinctif ou mieux, une plus-value. Les énoncés qui engendrent les consensus les plus forts, sont ceux qui tendent à démanteler les arguments présumant d’une plus grande productivité des immigrants.
Un sondage auprès des entreprises
Rappelons qu’un sondage a été réalisé auprès de 250 entreprises de la région comptant quatre employés et plus. Six secteurs d’activités couvrant le primaire, la fabrication et le tertiaire ont été sondés, et ce, dans les cinq MRC. Rappelons les objectifs de cette enquête :
- - Évaluer la disponibilité perçue de la main-d’œuvre dans la région.
- - Identifier les attitudes générales et les pratiques en matière de recrutement.
- - Connaître l’incidence d’emploi des personnes immigrantes ainsi que les intentions de futures embauches. Identifier les points positifs et négatifs de l’embauche d’immigrants, tels que perçus par les employeurs actuels et potentiels.
- - Dresser un portrait des immigrants à l’emploi et de leurs conditions de travail.
- - Évaluer l’ouverture d'esprit des employeurs à l’égard de l'embauche de personnes immigrantes.
- - Déceler les obstacles qui freinent l'embauche et la rétention des personnes immigrantes.
Voici donc les faits saillants tirés des résultats de ce sondage réalisé au printemps 2008 dans les cinq MRC de la région de la Vallée-du-Haut-Saint-Laurent par la firme Scor Marketing :
Disponibilité de la main-d’œuvre et bassin de recrutement
La majorité des employeurs (62 %) sont d’avis que le bassin de main-d’œuvre est en manque de ressources, dont 30 % « largement en manque ».
Une proportion similaire de répondants (64 %) affirment que le recrutement de la main-d’œuvre constitue une tâche difficile. Ces répondants invoquent surtout la rareté de candidats pour expliquer leurs difficultés. Notamment, 36 % mentionnent la rareté d’une main-d’œuvre spécialisée alors que 31 % soulignent le manque de candidats en général.
De manière générale, les employeurs se disent ouverts au recrutement d’une main-d’œuvre immigrante. Les deux tiers (64 %) considèrent que l’embauche d’immigrants reflète bien l’orientation de leur entreprise.
Bien que l’embauche d’immigrants soit perçue favorablement en tant que stratégie de recrutement, les demandes d’emploi proviennent moins souvent d’immigrants que de plusieurs autres catégories de travailleurs. Seul le quart (26 %) des employeurs disent recevoir « très souvent » ou « assez souvent » des demandes d’emploi de la part d’immigrants.
Emploi d’immigrants récents
Un peu plus du quart des répondants (27 %) disent avoir embauché un nouvel immigrant au cours des 12 derniers mois. Parmi les employeurs qui n’ont pas embauché un nouvel immigrant récemment, 19 % en ont déjà embauchés par le passé. C’est donc près de la moitié des employeurs qui ont déjà embauché un immigrant récent.
Au chapitre des conditions de travail, le salaire moyen des nouveaux immigrants est équivalent à celui des autres travailleurs selon 91 % des répondants qui ont employé des immigrants au cours de la dernière année. La majorité d’entre eux disent embaucher des immigrants le plus souvent pour des postes permanents (70 %) et à temps plein (81 %).
Les répondants emploient aussi des immigrants davantage pour des postes très spécialisés (46 %) que très peu spécialisés (44 %). Un peu plus de répondants considèrent que les nouveaux immigrants qui sont à leur emploi sont davantage scolarisés (37 %) que moins scolarisés (22 %) que l’ensemble de leurs autres employés.
Satisfaction des employeurs et intentions d’embauche
Parmi tous les employeurs ayant embauché des immigrants à un moment ou à un autre, neuf sur dix (89 %) disent avoir eu une expérience positive, dont 35 % « très positive ». Les trois quarts (73 %) citeront la compétence et la productivité des immigrants pour expliquer leur expérience positive. Un nombre important (43 %) mentionneront plutôt leurs qualités personnelles, dont leur « bonne attitude » (21 %).
Près des trois quarts des employeurs questionnés (72 %) prévoient embaucher des immigrants récents au cours des prochaines années. Ces intentions atteignent 94 % chez ceux qui ont employé de nouveaux immigrants au cours de l’année.
Les employeurs qui prévoient embaucher des immigrants, expliquent leurs intentions d’abord par la productivité et la compétence de cette main-d’œuvre (43 %), ensuite à cause des pressions exercées par le manque de main-d’œuvre (34 %).
Près des deux tiers (61 %) des employeurs qui ne pensent pas embaucher d’immigrant invoquent la rareté de candidatures d’immigrants.
Obstacles à l’embauche et à l’intégration d’immigrants récents
Lorsqu’on questionne l’ensemble des répondants quant aux obstacles liés à l’embauche et à l’intégration de la main-d’œuvre immigrante, plus du tiers des employeurs disent que les problèmes de langue (39 %) et la difficulté à vérifier l’expérience de travail étrangère (35 %) engendrent très ou assez souvent des problèmes.
Des obstacles relatifs aux qualifications engendrent également des difficultés. Les employeurs mentionnent par exemple des écarts entre les qualifications effectives et les attentes (24 %), des disparités au chapitre des méthodes et habitudes de travail (17 %) ainsi que des besoins de formation plus élevés que pour les autres employés (16 %).
Certains soulignent des obstacles plus intimement liés aux disparités culturelles telles que des incompréhensions de nature culturelle avec les autres employés (19 %) ou des difficultés à comprendre et à véhiculer la culture de l’entreprise (17 %).
Attitudes à l’égard des travailleurs immigrants
Les répondants affichent des attitudes souvent opposées à l’égard de la main-d’œuvre immigrante. Par exemple, il y a autant d’employeurs en accord qu’il y en a en désaccord pour dire que les immigrants représentent une solution aux problèmes de manque de main-d’œuvre ou que les immigrants offrent un apport distinctif ou une plus-value. Les énoncés qui engendrent les consensus les plus forts, sont ceux qui tendent à démanteler les arguments présumant d’une plus grande productivité des immigrants.
Provenance des travailleurs immigrants
La vaste majorité (83 %) des immigrants qui ont été à l’emploi d’entreprises de la région au cours des douze derniers mois proviennent de trois communautés suivantes : 33,5 % « d’Amérique latine, en incluant les Caraïbes et le Mexique », 32,9 % « de la communauté dite arabe », 18,6 %
« de l’Europe de l’Est ».
Les immigrants issus des autres communautés sont présents, mais en proportions plus restreintes. Ainsi, 5,4 % sont issus « de la communauté asiatique », 5,4 % proviennent « de la communauté africaine »; 4,2 % sont « de l’Europe de l’Ouest, des États-Unis, de l’Australie et de la Nouvelle- Zélande ».
Certaines communautés sont plus présentes dans des secteurs d’activité spécifiques. Il s’agit des immigrants provenant de « l’Amérique latine » qui sont plus souvent embauchés par des entreprises du secteur « primaire ». Le tiers (33 %) des entreprises du secteur en emploient. À ceux-ci s’ajoutent ceux « de l’Europe de l’Est » qui œuvrent plus souvent dans les entreprises du secteur des « services aux entreprises ». Notons que près du quart (23 %) des entreprises de ce secteur en embauchent.
Le point de vue des immigrant·es
En plus du sondage mené auprès des entreprises, des entrevues téléphoniques ont été réalisées par l’IPSÉ avec des immigrants au travail ou en recherche de travail, dans la région. Dans tous les cas, la principale difficulté soulevée par les immigrants est la méfiance des employeurs. Ces derniers, explique-t-on, hésitent à les rencontrer, souvent à cause de leur manque d’expérience sur le marché du travail québécois. D’autre part, des travailleurs spécialisés se sont fait dire que l’anglais aurait constitué un atout de taille pour être embauché. Les travailleurs immigrants consultés sont d’avis que le fait de ne pas être de la région constitue aussi un frein à leur embauche.
La non-reconnaissance des compétences
À force de patience, on réussit à obtenir un emploi, la plupart du temps parce qu’il y a un manque criant de main-d’œuvre. Il faut toutefois faire quelques compromis. Par exemple, des travailleurs spécialisés ont dû accepter un emploi tremplin, c’est-à-dire un poste pour lesquels ils étaient trop qualifiés. On leur a souvent offert un salaire plus bas que celui attendu. Certains ont même accepté de travailler bénévolement au début ou de faire des stages non rémunérés.
Chose certaine, le processus de reconnaissance des acquis est long et ardu et il est parfois frustrant pour les travailleurs immigrants d’avoir à passer des examens ou des évaluations supplémentaires, ceci en dépit de leurs expériences professionnelles. Quand ils refusent de se soumettre à ces exigences, les travailleurs interrogés estiment qu’il devient difficile de prouver leur valeur à leur employeur. Ils doivent accepter que les employeurs considèrent que les expériences acquises à l’étranger comptent moins que celles réalisées au Québec. Par contre, une fois embauchés, les patrons se sont souvent montrés satisfaits de leur travail.
L’accueil des travailleurs
Dans la plupart des cas, les nouveaux travailleurs immigrants ont été bien accueillis au sein de l’entreprise, sauf ceux qui ne parlaient pas bien le français. Dans ce cas, ils sont souvent isolés. Leurs difficultés à parler français donnent à leurs compagnons de travail l’impression qu’ils sont des débutants à tel point que certains disent que leurs collègues ont découvert leurs compétences avec étonnement. « Comme si le compteur repart à zéro quand on arrive au Québec. »
Plusieurs intervenants en emploi insistent sur la nécessité d’un accompagnement pour faciliter l’intégration des nouveaux travailleurs. À cet égard, on souligne que le coaching ou le compagnonnage sont deux formules qui ont fait leurs preuves.
Des défis à relever
- Faire évoluer les perceptions des employeurs face à l’embauche de travailleurs immigrants.
- Reconnaître les compétences et l’expérience acquises à l’étranger.
- Faciliter l’intégration dans les équipes de travail.
- Faire connaître les expériences positives.
- Développer des mesures de suivi adéquates.