Cette note rassemble des idées et interventions partagées lors de la conversation « Les bibliothèques publiques au secours de la démocratie? » coorganisée par Projet collectif et l'ABPQ, à laquelle ont pris part une soixantaine de participant·es en janvier 2025.

Pour répondre, les participant·es se demandent d'abord : quel est cet espace laissé vacant ? Les médias traditionnels (presse, radio, télévision) sont en déclin, avec, par exemple, la fermeture de nombreux journaux locaux et le retrait des grands médias des bureaux régionaux. Les publications numériques remplacent progressivement les versions papier, mais elles ne comblent pas toujours le vide laissé par la disparition des nouvelles locales, qui touchent directement les communautés.
Donc en fait, cet espace vacant représente une opportunité pour la bibliothèque publique de jouer un rôle complémentaire. Alors, si la bibliothèque publique peut occuper cet espace, comment procéder ?
En accueillant des débats citoyens encadrés
La bibliothèque publique a la capacité d’offrir une neutralité dans la diffusion de l’information, ce qui en fait un espace de confiance pour les citoyen·nes. Elle peut générer des espaces d’échange autour de l’information, de la mésinformation et de la désinformation, en favorisant les discussions et en encourageant la réflexion critique.
Elle peut organiser des débats citoyens sur des enjeux locaux ou nationaux, offrant ainsi un espace de discussion. Cependant, il est crucial d’encadrer ces débats pour éviter qu’ils ne dérivent vers la polarisation ou la désinformation. Cela peut inclure la présence de modérateur·ices, l’établissement de règles claires et la participation d’expert·es pour garantir des échanges constructifs.
En agissant comme point d'accès
La bibliothèque publique peut devenir un point d’accès centralisé pour l’information locale et municipale, en regroupant des articles de journaux locaux et en offrant un accès organisé à ces ressources. Cela permettrait de répondre au besoin d’information fiable et pertinente pour les communautés. Elle pourrait inclure la promotion des initiatives locales, la diffusion des actualités communautaires et la collaboration avec les acteur·ices locaux pour renforcer le tissu social et informationnel.
Avec des ateliers de littératie numérique et critique
Les ateliers de littératie, en particulier ceux axés sur la littératie numérique, sont essentiels pour aider les citoyen·nes à naviguer dans un monde médiatique complexe. Ces ateliers pourraient inclure des modules sur l’évaluation des sources, la vérification des informations sur les médias sociaux et la compréhension des biais cognitifs. Ces compétences sont indispensables pour participer de manière éclairée aux débats de société.
En encourageant la participation citoyenne
La bibliothèque publique peut jouer un rôle éducatif en offrant des ateliers sur comment participer aux débats de société. Ces ateliers pourraient aborder des sujets comme la communication non violente (CNV), l’écoute active et la construction d’arguments fondés sur des faits. Cela permettrait aux citoyen·nes de s’engager de manière constructive dans les discussions publiques.
En créant des partenariats communautaires
Pour renforcer son rôle dans la communauté, la bibliothèque doit collaborer avec des acteurs locaux et des partenaires extérieurs au milieu des sciences de l'information. Ces partenariats pourraient inclure des associations, des écoles, des médias indépendants ou des organisations à but non lucratif. Ces collaborations permettraient d’enrichir les offres de la bibliothèque et de toucher un public plus large.
👉 Occuper l'espace sans se substituer aux médias
La bibliothèque ne peut pas créer de l’actualité ou remplacer le rôle des médias, qui est bien défini. En revanche, elle peut participer aux tables de concertation locales, soutenir la vie communautaire et offrir un espace pour discuter des enjeux qui touchent et intéressent les communautés. Par exemple, elle peut organiser des événements, des débats ou des expositions sur des sujets locaux, en collaboration avec des partenaires.
En propageant ou bonifiant les initiatives existantes
Certaines bibliothèques ont déjà mis en place des initiatives pour répondre à ce besoin, comme l’accès à des journaux numériques sur iPad ou la médiation autour des collections pour sensibiliser le public à l’information locale. Cependant, ces actions, souvent menées à l’échelle individuelle, sont difficiles à mesurer et ont un impact limité si elles ne sont pas soutenues par des partenariats solides.
👉 Les espaces existants et sous-utilisés
Il existe des espaces sous-utilisés, notamment dans le domaine de la presse papier, qui est de plus en plus délaissée au profit du numérique. Cependant, le passage au numérique a créé une surcharge d’information (« decision paralysis »), où l’abondance de choix rend difficile la sélection de sources fiables. Cela laisse un espace vacant que la bibliothèque peut occuper en jouant un rôle de filtre et de guide.
En encadrant les partenariats avec des structures légales indépendantes
Pour garantir la neutralité et la crédibilité des initiatives, il serait intéressant d’encadrer ces partenariats avec des structures légales indépendantes. Cela pourrait inclure des comités de surveillance ou des chartes éthiques pour s’assurer que les activités restent objectives et inclusives.
📝 En résumé
La bibliothèque publique ne peut pas remplacer les médias traditionnels, mais elle peut occuper une partie de l’espace qu’ils laissent vacant en soutenant la vie communautaire, en facilitant l’accès à l’information et en créant des espaces de dialogue et de réflexion.
En organisant des débats citoyens encadrés, en offrant des ateliers de littératie numérique et critique, et en créant des partenariats solides avec la communauté, elle peut devenir un pilier de l’information et du dialogue dans les communautés de proximité. Cependant, pour réussir, elle doit veiller à maintenir un équilibre entre ouverture et encadrement, en évitant les pièges de la polarisation et en favorisant des échanges constructifs et inclusifs.
La bibliothèque publique a le potentiel d’occuper une partie de l’espace laissé vacant par les médias traditionnels en s’appuyant sur sa mission fondamentale d’accès au savoir et en s’adaptant aux réalités actuelles de l’information. Elle doit évoluer avec son époque en intégrant les outils numériques et en créant des initiatives qui suscitent la curiosité et l’engagement des citoyen·nes.