Te plains pas, c'est pas l'usine

L’exploitation en milieu associatif (nouvelle édition)

Lily Zalzett, Stella Fihn

Le secteur associatif emploie en France 1,8 million de personnes, et il a bonne presse. Quand on travaille dans une association, on est censé y trouver du sens, on est censé être en adéquation avec des valeurs et non avec une logique de profit. Faire corps avec son boulot : une chance inestimable ?

À rebours de cette image, ce livre rend compte de modalités d’exploitation insidieuses, dissimulées derrière l’idéologie du civisme et de l’engagement associatif : rapports hiérarchiques brutaux, chantage à la responsabilité, injonction permanente à ne pas compter ses heures, utilisation sans mesure du bénévolat et des services civiques.

« Mais te plains pas, tu pourrais bosser à l’usine ! »

Édition augmentée d’une postface sur le travail associatif en temps de pandémie et des perspectives de luttes.

« Quand je l’ai lu, j’ai failli me mettre en arrêt. »
Une salariée d’une structure compensant les défaillancesdu service public et en surcharge de travail pendant le confinement.

Avril 2022. Deux ans après la sortie de Te plains pas, c’est pas l’usine, le covid a mis un coup de projecteur sur les conditions d’exploitation en association : organisation dans l’urgence, travail avec peu de moyens, etc. Le sens donné au travail devient rémunérateur… et on ne sait toujours pas qui est son employeur. 

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 Extrait

« Ce matin, je suis arrivée en retard. À 9h30. Tout le monde était devant l’asso, à boire des cafés, à fumer des clopes. Personne ne m’a fait de remarques. C’est cool, quand même, je fais un peu comme je veux. Après, j’ai ouvert mes mails. J’ai eu l’impression de subir une avalanche angoissante de choses à faire, de délais à tenir. Je ne peux pas tout faire. Et puis tout est urgent. Si je ne finis pas ce dossier, alors il va manquer à l’association de quoi prolonger un contrat. Et donc ma collègue qui est en CDD devra partir. Et donc j’aurai encore plus de boulot. Mais, ce dossier-là, c’est juste un dossier, celui d’une agence régionale. Et à côté de ça il faut en faire trois autres. Et je ne peux pas hurler ma colère de voir tout ça arriver en même temps sur une seule personne, parce que ce sont quatre interlocuteurs différents, une fondation, deux services territoriaux, une préfecture. Je me sens bloquée. Je peux remplir ces dossiers comme je veux, ou décider que c’est trop, que je ne le ferai pas ; mais l’enjeu de survie de l’association est trop fort. Je fais mes dossiers. Je lutte contrela fatigue. Je regarde l’heure. Il est 21 heures. J’ai mangé devant mon ordinateur. Je suis arrivée en retard ce matin. Je fais ce que je veux. J’ai travaillé onze heures aujourd’hui. »

• • •

« Je ne sais pas pour quelle association je travaille. Le matin, je vais faire des ménages dans une maison de retraite. Je suis salariée par une association de service à la personne. Le midi, je fais une garderie dans une école. Je suis salariée par une association d’éducation populaire. L’après-midi, je fais le ménage pour une société privée. Le soir, après, je fais la garderie pour une autre association d’éducation populaire, mais dans la même école, mais ce n’est pas le même employeur parce que ce n’est pas le même marché public, le soir, alors, je rentre chez moi. Je m’occupe de mes gamins. Je fais le ménage. »

Entrevue avec Lily Zalzette, autrice

Pour tenter de mieux comprendre les milieux associatifs, ses mécanismes d'exploitation, et pour réussir à collectiviser les causes des burn-out récurrents dans cet environnement, les autrices Lily Zalzett et Stella Fihn, toutes deux issues de ces milieux, ont entrepris un travail d'enquête du travail à travers une série d'entrevues et d'analyses.

Dans le cadre d'une discussion en ligne organisée par la revue Ouvrage, Annabelle Berthiaume du comité de rédaction, interroge Lily Zalzett sur la démarche et les conclusions de cette enquête, mais aussi sur ses propositions pour organiser les milieux associatifs.

Si la gauche considère depuis longtemps l'usine comme le lieu ultime de l'exploitation de ses ouvriè·re·s, le livre Te plains pas, c'est pas l'usine,(2020, Niet!Editions) propose de tourner leur regard vers les milieux associatifs en France. Un peu comme dans les organismes communautaires au Québec, les associations françaises se présentent souvent comme des espaces où se construisent et se mettent en forme des utopies, où le travail se ferait en accord avec des valeurs sociales et non avec la recherche de profit.

Or, ayant des expériences importantes dans les milieux associatifs (à titre d'intervenantes, de salariées et de membre de conseil d'administration), les autrices se sont rapidement butées au mirage associatif, dans un contexte de travail marqué notamment par un sous-financement chronique, un précariat en emploi et un taux de roulement du personnel qui rend difficiles les possibilités de s'organiser.

Le constat d'écarts forts entre les discours produits par les associations et le travail réel, ainsi que la réception des critiques qui est parfois reçue très durement leur a donné l'envie d'écrire ce livre.

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Intégré par Marie-Soleil L'Allier, le 27 février 2024 13:29
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27 février 2024

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28 février 2024 10:41

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