Une ressources éducative libre (REL), un document vivant!

Je dis souvent qu’une ressource éducative libre est tellement plus que simplement apposer une licence Creative Commons sur un document. Et une des caractéristiques importantes d’une REL c’est l’idée du changement de paradigme de document fixe/fini au concept de document vivant. Mais, concrètement, qu’entend-on par document vivant?

Le concept de document vivant tient compte des dernières compréhensions que nous avons de l’apprentissage. Auparavant, on nous enseignait qu’on allait à l’école pour apprendre, en mode « réception » de savoirs. Et qu’une fois « sorti » de l’école, on ne faisait qu’appliquer ces savoirs qu’on avait appris. Dans notre tête d’enfant, on se voyait comme des êtres « imparfaits », « incomplets » qui un jour allaient devenir des adultes complets et parfaits qui n’avaient plus besoin d’apprendre car ils ou elles savaient maintenant tout. Je caricature un peu, mais ce n’était pas si loin de notre réalité 😊 Et ces adultes qui normalement devaient être parfaits… se sentaient bien honteux de réaliser intérieurement qu’en réalité, ils ne savaient pas tout. Mais apprendre, c’était pour les enfants et ados, pas pour des adultes! C’était « faible » de reconnaître qu’on était en état d’apprentissage!

Et aujourd’hui, en 2024, on réalise enfin qu’être en apprentissage, c’est un processus continue qui ne s’arrête jamais! Il n’arrive jamais ce moment où on sait tout! Ainsi, ce n’est pas quelque chose de « faible », de « honteux » d’être en apprentissage, mais quelque chose de sain et merveilleux, qui se passe en partie à l’école, mais aussi partout dans nos vies! Et comme tous les humains sont en apprentissage à différents niveaux, sur différents sujets, le seul moyen de progresser dans nos apprentissages c’est au contact des autres! Et c’est en acceptant ce fait qu’on laisse tomber une barrière importante à l’apprentissage et ainsi, on se met réellement à apprendre!

Quand on comprend ce concept en profondeur, on souhaite que nos « documents » reflètent notre compréhension. Dans l’ancien paradigme, on produisait un document fixe, fini, publié à une date précise. On se glorifiait de nos savoirs, comme s’ils étaient des vérités absolues, figées dans le temps. On avait atteint le statut de « Je sais ». On transmettait nos savoirs, sans rien attendre en retour, à part les honneurs d’avoir atteint le stade de « Je sais ». Et à notre défense d’humains, à une certaine époque, l’évolution des savoirs était beaucoup plus lente alors ça prenait beaucoup de temps avant que certains savoirs soient contredits, enrichis, nuancés, ce qui leur donnait l’apparence de vérités absolues. Aujourd’hui, nos savoirs évoluent à une telle vitesse que nous n’arrivons plus à suivre le rythme! Un document fixe, publié devient rapidement désuet, du moins en partie.

Alors comment transformer nos « documents » d’aujourd’hui pour qu’ils reflètent notre processus d’apprentissage continu au contact avec les autres? C’est là qu’entre en jeu le concept de document vivant lié au concept de ressource éducative libre (REL)! Concrètement, voici les éléments clés de ce nouveau type de document (selon mon niveau d’apprentissage actuel 😊) :

  • Ces ressources doivent pouvoir être construites d’une manière qu’on puisse faire évoluer les savoirs en continue, au contact avec les autres. Par exemple, un manuel libre est généralement numérique et on encourage sa mise en jour en continue plutôt que d’attendre la publication d’une nouvelle version officielle qui peut prendre 1 an/2 ans et plus dans un processus d’édition standard.
  • On n’accepte que nos savoirs ne sont pas des vérités absolues alors on encourage nos lecteurs et lectrices à nous partager leur perspective sur nos savoirs pour nous aider à les faire évoluer. Notre document devient une conversation d’apprentissage commune! Concrètement, on peut ajouter une note dans notre document qui précise que ce document est vivant et se veut évolutif et que les suggestions/commentaires/corrections sont les bienvenus, avec mise en place d’un processus de gestion de ces commentaires (ex. : par courriel, par formulaire, par un outil d’annotations en ligne comme Hypothesis).
  • Dans cette perspective d’apprentissage, on n’attend plus d’avoir atteint un stade élevé de savoirs pour les diffuser. On les diffuse et on invite les autres à les commenter/bonifier. Tout le monde devient un cocréateur de savoirs : un enfant, un adulte, un Canadien, un Français, une personne avec un problème d’apprentissage, un autiste, etc. Ainsi, on entre dans un processus de coconstruction des savoirs pour nous permettre d’apprendre individuellement et collectivement. Je pars d’où je suis, mon point A, et je tente d’avancer jusqu’à mon point B, et ainsi de suite. Ces points A, B, C… sont différents d’une personne à l’autre selon les sujets et c’est parfait ainsi! L’important c’est de se mettre en mouvement, en état d’apprendre, pas se comparer et se juger parce qu’on a moins compris un bout qu’un autre.
  • On cesse d’avoir peur que notre document contienne des « erreurs ». La vraie information d’aujourd’hui peut rapidement devenir la fausse information de demain! De plus, une information peut être vraie pour quelqu’un et fausse pour une autre personne, tout dépendant de leur perspective!
  • Un document vivant n’a plus de frontières! C’est un morceau de savoirs dans un écosystème de savoirs tous interreliés. Un exemple pour illustrer ce propos : si un humain a trouvé une solution importante pour régler la crise mondiale des changements climatiques, son savoir peut bien être de haut niveau mais si peu d’humains n’y accèdent, ne le comprennent et ne l’appliquent, il devient peu utile. Son savoir est dépendant du niveau de savoir des autres. Et pour qu’assez d’humains finissent par le comprendre et l’appliquer, il doit circuler librement, être vulgarisé selon différents niveaux, traduit, etc.
  • Un document vivant n’est pas nécessairement un texte! Il peut prendre la forme souhaitée! Une vidéo, un balado, un morceau de tissu, un mur, etc. Le « contenant » devient aussi porteur de savoirs en soi 😊  

En terminant, pour arriver à entrer dans ce mode d’une société apprenante qui ne construit plus des documents fixes en silo, mais des documents vivants collectifs, il faut en amont faire comprendre ces notions de base au plus d’humains possibles! Faire comprendre les biais cognitifs qui nous empêchent de pouvoir cocréer collectivement avec confiance! Actuellement, beaucoup d’humains partagent encore leur savoir en mode « j’ai raison, il/elle a tort ». Pour moi, c’est un des plus grands biais cognitifs qui nuit à l’évolution de notre humanité et qui nous empêche d’apprendre ensemble.

Comme toujours, vous avez une perspective complémentaire ou différente de la mienne? Faites-moi le cadeau de me la partager pour m’aider à apprendre, pour mon bien, le vôtre et toute l’humanité!    

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Intégré par Marilou Bourque, le 1 mars 2024 12:22

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Publication

1 mars 2024

Modification

30 avril 2024 11:32

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Pour citer cette note

Marilou Bourque. (2024). Une ressources éducative libre (REL), un document vivant!. Praxis (consulté le 17 juillet 2024), https://praxis.encommun.io/n/fqlVxHkvVHlgQls5Wv0n3BI49Fs/.

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