Magnifique documentaire pour saisir toute l'importance de protéger les 83 aires protégées exclues par le gouvernement du Québec le 17 décembre 2020. | Pour comprendre que d'autres façons de récolter le bois sont possibles, pour saisir le rôle central de la mobilisation citoyenne dans la protection des forêts. 

Voici un résumé/verbatime du documentaire:

Pendant des millénaires, l'oiseau le plus abondant au Québec était la tourte voyageuse, le poisson le plus abondant était l'anguille d'Amérique et l'animal qui a permis l'apparition de l'être humain sur le territoire du Québec était caribou. "Ça c'est l'abondance qu'on avait sur le territoire et qui a permis la subsistance des êtres humains pendant des millénaires". Aujourd'hui ces trois espèces emblématiques sont soient disparues, soient en voie de l'être....

Si on désire réellement retrouver une autonomie alimentaire et s'inscrire dans un respect des équilibres planétaires, il faut permettre à cette biodiversité de recoloniser le territoire

• "Peut-être qu'on ne comprendra pas qu'on fait partie de la biodiversité... mais si on ne le comprend pas, on va s'autodétruire"

Tout est interrelié, il faut changer le monde si on veut que les gens aillent mieux

• On s'affère aux gens qui sont déjà tombés, on ne se questionne pas sur les causes structurelles qui font que les gens continuent à tomber
• Tout est interrelié, on ne peut pas parler de santé mentale, sans parler de justice sociale, sans parler de justice climatique (1:38) 
• On peut construire ce qu'on veut voir dans le monde, on n'a pas à attendre que le gouvernement fasse les changements (1:50) 
• Nous sommes ici pour vous rappeler que nous sommes la société, et que la société veut un monde où elle peut vivre (1:58) 
• Il faut changer le monde si on veut que les gens aillent mieux (2:07)

Comment les êtres humains répondaient historiquement à leurs besoins à partir du territoire

Patrick Gravel - Coop Des forêts et des Gents

• Dans une vieille forêt dans une érablière, des fois tu vas retrouver de l'ail des bois. Des fois tu vas retrouver dans le fond d'une vallée, de l'ortie des bois (2:32)
• Ça les gens connaissent moins ça, pourtant, c'est l'ortie de bois qui servait à faire les cordages les plus solides dans nos contrées. On peut faire une corde d'arc à flèche avec une plante. Pis ça, ça s'est perdu dans le temps. (2:50)
• Un peu plus loin, si tu as un petit étang, ben là c'est la quenouille qui va pousser. Tu as un coeur de quenouille que tu vas pouvoir manger. Ensuite, les Ojibwés l'appelaient l'arbre à couverture, parce qu'ils faisaient leur tapis de sol avec. (3:05)
• C'est là que tu te rends compte que dans la forêt, il y a tout ce que tu as de besoin. La petite fougère qui servait à faire le shampoing et qui se trouvait dans ces vieilles érablières (3:20)
• Non seulement il y a de l'utilité, il y a de la beauté, mais en plus, elle va séquestrer le carbone qui va réguler le climat (3:30)
• Elle (l'érablière) va appeler la pluie par la transpiration des arbres et elle va créer des habitats pour l'ensemble des animaux qui y vivent.  (3:42)

Une forêt, ce n'est pas que du bois. Une forêt c'est la vie (3:47)

• Une érablière, sur le flanc est d'une montagne, est différente d'une érablière sur le flanc ouest d'une montagne. Ça peut-être un écosystème complètement différent, et être une érablière quand même. Parce que sur le côté est d'une montagne, l'humidité du matin est là plus longtemps. Sur le côté ouest, le soleil va faire sécher la montagne toute l'après-midi. Donc le côté ouest est plus sec. Donc la biodiversité, de chaque côté d'une montagne, est différente.(4:43)
• Quand tu te promènes en forêt, tu réalises qu'il n'y a pas deux vallées qui sont pareilles. Et parfois, il va falloir marcher 50 vallées semblables avant d'arriver dans un petit coin où il y a une espèce qui vit juste là. Et c'est là que tu réalises qu'il y a toujours des surprises et qu'il ne faut rien tenir pour acquis dans ce milieu de vie là. (5:13)

Le 17 décembre 2020, malgré des dizaines d'années d'efforts de la communauté, 83 projets d'aires protégées ont été mis de côté par le gouvernement (6:50)

• C'est la même chose qui est arrivée pour la Péribonka
• C'est la même chose qui arrive pour les Attikameks
• Et là je réalise qu'il y a plein d'aires protégées autour de communauté de plusieurs de mes amis Annishnabe, Innu.
• Je comprends que le gouvernement venait d'exclure de son processus pour choisir des aires protégées l'ensemble des forêts où il y a des possibilités forestières. Voir la carte des aires protégées exclues (7:35)

Décision gouvernementale difficile à comprendre

Sylvain Delagrange - Professeur écologie fonctionnelle et écophysiologie végétale

• La décision que le gouvernement a prise est difficile à comprendre parce que la communauté internationale a réfléchie à comment les pays doivent agir pour protéger leur biodiversité. (8:29)
• Et il y a un consensus qui est arrivé et qui nous dit que chaque pays a la responsabilité de protéger sa biodiversité. Le moyen de faire ça, c'est d'avoir des aires protégées bien distribuées sur le territoire pour représenter tous les habitats et, potentiellement, toutes les espèces qui y habitent (8:50)
• Donc la décision du gouvernement est un peu étonnante, car on a mis tous nos oeufs dans le même panier en protégeant une partie nordique du territoire, mais très peu de parties dans le sud du Québec méridional (9:03)
• C'est étonnant aussi, car une aire protégée est là pour protéger des espèces des activités humaines. Et la pression des activités humaines est très forte dans le sud. Et la biodiversité est plus importante dans le sud. Donc, c'est là qu'il faudrait les protéger plus. (9:25)

Alice Lamontagne (préadolescente)

• J'ai toujours su que je voulais avoir des enfants. Mais en vieillissant, je me suis sentie de moins en moins rassurée par rapport à l'avenir qu'ils pourraient avoir. (9:34)
• Ce qui me donnerait de l'espoir, c'est que les gens fassent quelque chose. Que les gens sortent de leur zone de confort en s'activant. (9:42)

Mali Berthiaume (préadolescent)

• Je suis fasciné par notre biodiversité, nos forêts, nos rivières, nos montagnes et toute la vie qui nous entoure (9:49)
• Mais à voir ce que j'entends, j'ai peur que dans quelques années, il soit trop tard pour inverser les choses et que nos forêts soient décimées (10:00)

Patrick Gravel - Coop Des forêts et des Gents

• Parfois on ne se rend pas compte que la forêt quand on la modifie, quand on la détruit d'une façon trop agressive, on modifie quelque chose qui a pris des millions d'années d'évolution. Des millions d’années d'évolution que les plantes ont pris pour se côtoyer, que les animaux ont pris pour prendre place dans le grand cercle de la vie. Et nous ne sommes que des grains de sable. Alors je nous invite à prendre notre place ... plus petit. On n'est pas au-dessus de tout ça. On en fait partie (10:39)

Une Grande Marche pour la biodiversité

Colin Perreault - Membre initiateur de La Grande marche pour la protection des forêts

• La grande marche, le but c'est de mettre une pression forte, une pression populaire sur le gouvernement, pour lui dire qu’en ce moment ce n'est pas assez ce qui se fait. (11:28)
• On ne protège pas assez notre territoire, on ne protège pas assez les forêts anciennes. 
• On est ici pour dire aux gens, prenez des initiatives, créez vos projets, créez l'alternative que vous voulez voir (11:53)
• Le but des marches c'est aussi de renforcir nos réseaux et renforcir notre confiance qu'on peut construire ce qu'on veut voir dans le monde. (12:10)
• On n'a pas à dépendre du gouvernement, à attendre que le gouvernement fasse les changements. (12:17)

Patrick Gravel - Coop Des forêts et des Gents

• Comment faire pour avoir un impact puissant? J'ai pensé aux grandes marches et aux grands mouvements qu'il y a eu sur la planète pour la protection des forêts ou des causes sociales.
• On s'est demandé qu'est-ce qui pourrait être le sens de notre marche qui fait que les gens vont avoir envie de sortir de chez eux... est ça a été les enfants (13:01)
• Qu'est-ce qui pourrait leur donner espoir dans ce monde (...) on es-tu capable de se lever tous ensemble pour quelque chose? (13:20)
• Je me suis dit, la parole des enfants, ça ça va toucher le coeur de tout le monde (13:21)

Solutions pour faire cohabiter aires protégées et la récolte du bois

Christian Messier - Professeur en aménagement forestier et biodiversité

• Ça fait 15 années que je travaille à développer une approche qu'on appelle la Triade.
• La Triade c'est l'idée de prendre un territoire et de le diviser en trois grandes aires d'utilisation
  • des aires protégées (20-25%)
  • un aménagement écosystémique
    • plus extensif, où on fait une certaine récolte de bois en minimisant les impacts négatifs sur la biodiversité
    • où on compense la perte de bois, en augmentant l'intensification de l'aménagement forestier sur des petites superficies
  • avoir comment en Finlande, des petites zones où on fait de l'exploitation intensive où on récolte 3 à 4 fois plus de bois dans des endroits bien délimités (15:24)
• C'est une approche qui nous permettrait d'augmenter nos aires protégées. Le gouvernement avait ces outils-là, et ce qui m'a déçu, c'est que ça n'a même pas été considéré. (15:31)

Un gouvernement en manque d'imagination

• Ce n'est pas vrai qu'il faut choisir entre le bois et des aires protégées.
• Ce n'est pas vrai qu'il faut choisir entre des jobs et des aires protégées.
• Il existe des solutions pour permettre d'avoir tout ça. 
• Ça démontre en fait un manque d'imagination du gouvernement pour essayer de trouver des solutions. (15:50)

Marie-Ève Roy - Biologiste membre du Centre d'étude de la forêt (CEF)

• Le peu de forêts anciennes qui existent encore, il est vraiment minime au Québec. Ces petites forêts-là qui restent abritent des espèces qu'on ne retrouve pas ailleurs dans les forêts qu'on aménage depuis longtemps. (16:12)
• Ces espèces-là, si on ne leur laisse pas ce petit pourcentage de forêt, probablement qu'elles vont disparaître. (...) Une des causes les plus importantes de ces espèces est la perte de l'habitat (16:30)

Les 83 aires à protéger exclues par le gouvernement, ce sont des perles de biodiversité!

Jolyane Lamontabne Coop des forêts et des Gens

• Je crois que ça vaut la peine d'utiliser notre intelligence, notre sagesse pour faire de la place à ces perles-là
• Attirons l'attention sur ces 83 perles. Il y en a d'autres, sur les premières nations. Et après ça, soyons fièr·es de nous, de l'avoir fait. (18:04)

Noah Ducharme (préadolescent)

• Nous sommes ici pour vous rappeler que nous sommes la société, et que la société veut un monde où elle peut vivre. Elle veut vivre. Nous voulons vivre. Vivre dans un monde où la nature n'est pas en péril. Vivre dans un monde où l'aire n'est pas cancérigène. Vivre dans un monde juste où les ressources sont accessibles. Vivre dans un monde où la nature n'appartient pas à une élite. Nous sommes ici pour vous promettre que nous vivrons. Nous sommes ici pour prouver que nous sommes en vie. (18:33)

Constant Awashish - Grand Chef du Conseil de la Nation Attikamek

• Pour nous la nature nous parle, les arbres nous parlent. C'est notre identité.
• Pour nous la pluie c'est un signe de renouveau qui vient nettoyer l'énergie, vient nettoyer l'air, c'est un nouveau commencement. 
• La grande marche aujourd'hui, c'est notre nouveau commencement (19:00)

Passer d'une posture d'exploitation à une posture de relation avec la Nature

• Il va falloir qu'on commence à changer, pour qu'on ne soit plus en exploitation des forêts, mais qu'on soit en relation. 
• Ça, ça veut dire qu'on ne peut pas juste prendre, prendre, prendre.
• Ça, ça veut dire que c'est une relation, il y a de l'écoute, il y a du respect, il y a de la considération: on prend et on donne. (19:30)